« Pleins feux sur » : Deux frères complémentaires, Ferdinand et René Dor

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De gauche à droite : Joseph Justin Ferdinand Dor, au centre le chanteur Gérard Pierre et René Dor

Ferdinand Dor (Port-au-Prince, 1921 – NY, 1992 ?)

« L’expert de la basse expressive »

Ferdinand fit d’abord ses preuves comme talent précoce dans un environnement influencé par de multiples courants musicaux. En se définissant en pourvoyeur des cordes tout en accords au sein d’un trio d’adolescents, aficionados de Matamoros et de flamenco qui égayait les zones de Bolosse de leur sonorité ingénieuse. Fils du légendaire pianiste Joe Dor, instrumentiste chevronné et musicien inspiré il fut l’un des plus fameux contrebassistes de son époque. Il partageait avec Dormélas Philippe l’art de fabriquer des contrebasses et l’excellence d’un joueur de basse. Ferdinand fut l’un des trois membres originaux du pré-nommé «Trio des Jeunes», lequel après les appellations successives de :«Quaterto des Jeunes», «Quinteto des Jeunes» «Conjunto des Jeunes» ; en compagnie de Pierre Riché et de son frère René Dor, lequel, fut l’initiateur de ce groupe, devenant « Jazz des Jeunes » .

Et au sein duquel il sut faire montre de sa parfaite maîtrise technique et de sa sonorité esthétique, en homme des cordes plurielles ; s’attelant à la guitare ainsi qu’à la contrebasse. Faisant ressortir un style marqué d’improvisations et soutenu par des riffs élégants. Ses accords osés, tout à fait prisés ont fait de lui un showman patenté, qui se délectait à s’exhiber à l’avant-scène, à la manière des vocalistes ou hommes de vent. Mais aussi un instrumentiste pour lequel la basse n’avait pas de secrets. Malgré le départ de René, en conflit avec les autres membres du «Conjunto des Jeunes». Il resta le temps de nimber de son toucher singulier la musique de ce groupe. Bassiste très sollicité pour son savoir-faire et ses intonations lyriques, Ferdinand a navigué par la suite entre les groupes «El Rancho» du maestro Edner Guignard, de l’ «Orchestre Riviera» de l’ensemble de «Ibo Lélé», ainsi que l’ «Orchestre Raoul Guillaume» auxquels il apporta la sûreté de son tempo.

Contribuant aussi de sa marque complexe, de sa touche imprégnée de bonds bourdonnants et d’envolées discrètes à la réalisation du chef d’œuvre : «Disque Souvenir» de Jacky Duroseau, dans une collaboration lumineuse, qui laissa tout à fait admiratif. Tout en faisant ressortir sa sensibilité à rebrousse-poil et son toucher exquis. Ainsi que sa versatilité florissante. Son apport toujours déterminant et le talent impressionnant de cet artiste complet justifièrent l’admiration que lui ont portée les musiciens de son époque. Mais, quand vint l’ère de l’exil collectif qui a vu les plus brillants musiciens de ce temps prendre la poudre d’escampette, en oiseau migrateur, face au péril duvaliérien, Ferdinand s’en alla lui aussi apporter son savoir-faire en dehors des frontières natales.

Au début des années 1960, il fit partie de cette galaxie d’étoiles dont Wébert Sicot, Antoine Osselin, Emmanuel Duroseau, Kesnel Hall, Murat Pierre , Joe Trouillot etc. qui prit l’Europe d’assaut dans une tournée internationale qui l’amena en Angleterre, ltalie, Suisse, Espagne, France et autres incursions. Que ce soit dans les Antilles françaises ou en Amérique du Nord, spécialement à New-York, où il troqua sa contrebasse pour la basse électrique, continuant à faire montre de ses qualités expressives. En incorporant à ses thèmes d’étonnantes figures harmoniques ; réévaluant le rôle de la basse dans la musique populaire. Au cours d’une carrière jalonnée d’étapes étincelantes, il s’était imposé comme le grand expert de la basse.

De gauche à droite : Fritz Joassaint, Guitare ; Max Piquion, Piano ; Toto Bissainthe, Chant ; Antoine Osselin, Batterie et Ferdinand Do, Basse. Photo, tous droits réservés Serge Dor et Roland Guillaume

René Dor (Port-au-Prince, 1929- Janvier 1997 ?)

« Un géniteur de souche »

René Dor prit la scène musicale d’emblée comme artiste hâtif. En compagnie de ses frères dans un trio gorgé de cordes voluptueuses, d’ascendance latine, aux sonorités multiples de : ranchera, fandango, flamenco, bolero, mariachi, matamoros. A travers lequel il s’attela à la fois en grageur, ménestrel de l’aube et percussionniste divers. C’est à Cuba où il séjourna que René apprit les fondements de son orientation musicale. Evidemment, c’était sous des influences multiples que les groupes et artistes de cette époque incorporèrent leur style respectif. A ce moment-là, l’ostracisme qui pesait sur la culture populaire évinçait les percussions locales telles: tambour, vaccine, ogan, tambourin, kata etc. des milieux mondains. A cette étape RD commença à distiller sa marque en instrumentiste d’expressions colorées dont s’étaient bien régalés les mélomanes de l’heure. Et ce dont les a gratifiés un pionnier de la trempe de René.

Métronome-percussionniste, excellent joueur de bongo, de timbales, et aussi vocaliste. René fut aussi célèbre pour avoir été l’initiateur du «Trio des Jeunes» qu’il fonda en compagnie de son frère Ferdinand et du chanteur Pierre Riché  à l’âge de treize ans. Ce groupe qui devint quelque temps plus tard, le «Jazz des Jeunes», après la mainmise de René Saint Aude. Ce qui lui fera déclarer par la suite: « Saint-Aude m’a enlevé mon orchestre le premier août 1943, après avoir joué un bal pour la fête de l’armée » (1). Donc, après s’être fait ainsi déboulonner, il décida de muter ailleurs. S’élevant dans de nouvelles associations et excursions musicales, entre autres , avec l’«Orchestre El Sahïeh», l’«Orchestre Choucoune»,dans des escapades avec Budd Johnson et Bebo Valdes, de lumineuses randonnées avec Nono Lamy, Rodolphe Legros, et le groupe «Ibo Lele» ; puis l’«Orchestre Raoul Guillaume», dont il fut le percuteur de marque, tout en tenant en tandem le rôle de vocaliste avec Serge Marthély dans les années 1960.

Subséquemment, il fut repéré dans des collaborations éphémères sous d’autres cieux, lesquelles furent ses ultimes manifestations musicales, avant de s’esquiver derrière le rideau. Instrumentiste polyvalent et hors-pair, il popularisa le bongo en Haïti. Et connaissait toutes les facettes de cet instrument cubain dont il en fut le galvaniseur dans tous les groupes où il a joué. Avec son style libre et percutant et ses battements raffinés, il présenta un mélange explosif des rythmes haïtiens, nappés d’une approche afro latine, dans une facture tour à tour impérieuse, florissante et feutrée. Il fut un percussionniste virtuose, un adepte des cordes exotiques, un troubadour au gosier drôlatique, un pionnier dans toute l’acceptation du mot.

1-.In «Gérard Dupervil….» de Guerdy Préval.

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