N’en déplaise aux dirigeants de la classe politique haïtienne qui s’émerveillent devant une imposture de la Maison Blanche marquée nettement au coin de l’ingérence, mais nous ne pouvons toutefois rester bouche cousue face au choc causé par la promulgation d’une loi signée le 15 mars 2022 par le président Joe Biden qui a osé « demander au Département d’Etat de faire une évaluation des actes de corruption majeure commis par les secteurs publics et privés en Haïti ». Quel autre moyen pour le président des États-Unis de continuer à nous agresser, à nous piétiner, à nous tourner en dérision ?
Une telle loi ne revient-elle pas à nous traiter comme une colonie des Etats-Unis ? Ce que nous pouvons toutefois regretter, c’est la mentalité de colonisé de maints dirigeants haïtiens qui croient ou feignent de croire que le pays est une chasse gardée des Occidentaux, des Américains en particulier.
Le but de cette manœuvre ne fait pas mystère. Elle manifeste un profond mépris à l’égard du peuple haïtien et de son histoire. Un peuple exploité par des griffes impériales maffieuses et corrompues qui l’ont rendu en lambeaux, de sorte que toutes ses institutions étatiques sont inopérantes. N’empêche, les Etats-Unis ne se sentent aucunement gênés de parler de corruption en Haïti, quand ils imposent et soutiennent avec une régularité sans faille maints régimes corrompus chez nous et ailleurs.
La corruption, les pots-de-vin et toutes sortes de fraudes sont des produits du capitalisme.
La corruption, les pots-de-vin et toutes sortes de fraudes sont des produits du capitalisme. Alors que cherche donc à résoudre Washington avec cette nouvelle loi ? Est-ce pour dédouaner les affairistes de la classe capitaliste qui ont comploté dans le pillage du pays ? Qu’on nous permette de douter fortement de cette initiative des ennemis déclarés du pays dans la mesure où, dans tous les domaines, la situation actuelle du pays est caractérisée par le fruit des actions en profondeur qui ont été menées durant plus d’un siècle de domination capitaliste américaine.
Cette domination impose à la population haïtienne une situation de pauvreté extrême, la même qui produit les inégalités socio-économiques et la corruption. Il y a aussi le chômage qui est aussi une des manifestations des retombées du phénomène corrupteur. La corruption s’est plutôt employée à élargir sans fin l’assiette économique et financière de la classe minoritaire dominante et possédante locale tout en sapant les conditions de vie de la classe ouvrière nationale majoritaire. L’ensemble de ces actions continuent de produire ses effets délétères sinon mortifères. Elles rendent compte des raisons qui expliquent le visage économique, social, mal en point du pays transformé de fond en comble au point d’en faire une sorte de mort en sursis.
La stratégie de l’Administration Biden part du principe que ses tentacules hégémoniques n’ont pas de bornes et n’ont aucun respect à l’égard de la souveraineté d’autres peuples. C’est dans une optique de gendarmes du monde que nous devons appréhender cette loi, pour « l’identification de toute personne ou entité ayant financé des activités de corruption, et toutes les poursuites pour corruption ayant fait l’objet d’une enquête par le système judiciaire haïtien depuis janvier 2015. »
Mais pourquoi cette date butoir de janvier 2015 ? Sans l’ombre d’un doute, c’est pour ne pas tenir compte des différentes transactions corruptrices antérieures faites par certaines administrations américaines en Haïti. Pourquoi, ne remonte-t-elles pas aux donations faites à Haïti après le tremblement de terre du 12 janvier 2010 pour trouver les responsables qui ont lapidé par la corruption les Fonds de la reconstruction que présidait l’envoyé spécial des Nations unies pour Haïti, l’ancien président Américain Bill Clinton. Car le bénéficiaire principal de l’argent octroyé par les Etats-Unis après le tremblement de terre s’est révélé être le gouvernement des Etats-Unis.
On ne peut pas, même si elles soulèvent des souvenirs amers, ne pas rappeler quelques- unes des actions corruptrices qui ont marqué l’histoire d’Haïti. Et depuis lors, nos travailleurs, nos paysans, tous ont de plus en plus de mal à vivre. La corruption et la gabegie administrative battent des records.
Rappelons d’abord, le 17 décembre 1914, quand la canonnière étasunienne, Machias, débarqua des soldats à Port-au-Prince qui se dirigèrent tout droit vers les locaux de la Banque d’Haïti. Ils saisirent dans les coffres de l’institution une valeur de cinq cent mille dollars et acheminèrent cette somme à la National City Bank. Mr Biden, n’est-ce pas là un acte de corruption, de vol à mains armées qui mériterait que la justice américaine y regarde de près pour les mesures à prendre ?
Au début de l’année 2010, Bill Clinton, n’a-t-il pas présenté ses excuses lors d’une audience devant la Commission sénatoriale des relations étrangères américaines en déclarant : « Depuis 1981, les Etats-Unis ont suivi une politique, jusqu’à l’année dernière ou à peu près lorsque nous avons commencé à la repenser, nous, les pays riches produisant beaucoup de nourriture, devrions la vendre à des pays pauvres et les soulager du fardeau de produire leur propre nourriture. Cela a peut-être été bon pour quelques-uns de mes fermiers de l’Arkansas mais cela n’a pas marché. C’était une erreur. C’était une erreur à laquelle j’ai pris part. Je ne pointe personne du doigt. Je l’ai fait. Je dois vivre tous les jours avec les conséquences de la perte de capacité de production des rizicultures en Haïti pour nourrir ces gens, à cause de ce que j’ai fait. Personne d’autre. » Voilà les dossiers flagrants sur lesquels nous aimerions que l’Administration Biden se penche pour dédommager le peuple haïtien, en fait les riziculteurs de l’Artibonite, et leur rendre justice.
Concernant le gaspillage du Fonds PetroCaribe et d’autres, nous saurons comment les aborder et résoudre nous-mêmes. Oui, nous pouvons le faire malgré que jamais les Etats-Unis ne sauraient accepter qu’Haïti se lève de sa léthargie économique, pour transformer l’État haïtien grâce à l’aide du gouvernement révolutionnaire de la République bolivarienne du Venezuela.
La dynamique de la corruption et celle du capitalisme sont structurellement liées. On ne peut éliminer l’une sans supprimer l’autre. Cette incroyablement insultante loi de Biden ne nous rendra aucun service sauf à ses laquais de la classe politique qu’une justice bancale et corrompue rendra éventuellement blancs comme neige. La lutte de libération ou de révolution nationale du peuple haïtien pour un changement fondamental ne doit pas s’attarder sur l’élimination des symptômes mais bien attaquer les causes profondes de toutes les formes matérielles et immatérielles de la domination, de la dépendance et de l’assujettissement.