La France doit indemniser Haïti : 200 ans de dette illégitime qui ont plongé le pays dans la crise

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L’USS Machias a transporté l’or haïtien jusqu’à Wall Street, à New York, pendant l’occupation américaine d’Haïti. Pendant plus d’un siècle, Haïti a consacré jusqu’à 80 % de ses revenus au remboursement de sa dette envers la France. Photo : Wikimedia Commons

Des organisations sociales et des dirigeants politiques d’Amérique latine et des Caraïbes exigent une justice historique pour Haïti, dans un contexte de crise humanitaire sans précédent.

 

Le 17 avril 2025 a marqué le deuxième siècle de l’un des épisodes les plus injustes de l’histoire moderne : le recouvrement forcé d’une dette illégitime imposée par la France à Haïti comme condition à la reconnaissance de son indépendance. Le 17 avril 1825, le roi Charles X signait une ordonnance obligeant la jeune république à payer 150 millions de francs-or – l’équivalent d’environ 21 milliards de dollars américains aujourd’hui –, plongeant le pays dans un cycle de pauvreté, de dépendance et de violence qui perdure encore aujourd’hui.

Dans un contexte de crise humanitaire et politique sans précédent, des organisations sociales, des partis politiques et des défenseurs des droits humains d’Amérique latine et des Caraïbes ont adressé des lettres aux ambassades de France pour exiger des réparations historiques. Cette demande vise non seulement la justice économique, mais aussi la reconnaissance d’un crime colonial qui a laissé Haïti dans une situation d’extrême vulnérabilité.

La crise actuelle : un génocide silencieux

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La situation en Haïti est désastreuse. 85 % de la capitale, Port-au-Prince, est contrôlée par des gangs armés qui imposent des couvre-feux, extorquent la population et forcent des milliers de familles à fuir leurs foyers. Dans la zone métropolitaine, une personne sur trois est déplacée, entassée dans des camps de fortune où le manque d’eau, de soins de santé et d’électricité aggrave ses souffrances. Les autorités ont dû délocaliser des institutions vers des zones moins sujettes aux conflits, tandis que la violence paralyse toute tentative de stabilisation.

À cela s’ajoute la politique xénophobe de la République dominicaine, qui a expulsé plus de 180 000 Haïtiens en situation irrégulière au cours des six derniers mois, ignorant les appels des organisations internationales. Ces expulsions, menées par un gouvernement accusé d’alimenter un racisme structurel, ont laissé des milliers de personnes dans l’incertitude et sans protection. Parallèlement, la construction d’un mur à la frontière aggrave la ségrégation.

La dette qui a étranglé un peuple.

Le roi Charles X

En 1825, arrivé avec des navires de guerre, le roi Charles X a forcé Haïti à accepter l’ordonnance de payer à la France des « réparations » pour la perte de sa colonie et de ses « biens ». Les Haïtiens réduits en esclavage, libérés par la révolution haïtienne de 1804, qui abolit l’esclavage et mis fin au colonialisme. Cet accord a contraint la nation caribéenne et la république noire libre à s’endetter auprès des banques européennes et américaines. Pendant plus d’un siècle, Haïti a consacré jusqu’à 80 % de ses revenus au remboursement de cette dette, paralysant son développement et condamnant des générations à la pauvreté. « Les véritables victimes de cette [dette] odieuse furent les paysans haïtiens », déclare Camille Chalmers, économiste et représentant de l’Assemblée du peuple caribéen (APC). « Ce sont eux, avec l’ensemble du peuple haïtien, qui ont supporté le poids écrasant de cette dette et qui doivent désormais être les seuls à décider de l’utilisation des fonds restitués. »

Chalmers met en garde contre toute tentative de la France d’imposer des conditions : « Une vigilance extrême est nécessaire pour empêcher la France de récupérer, sous d’autres formes, l’argent qu’elle s’est engagée à restituer. La souveraineté populaire doit être absolue dans ce processus. »

Un appel urgent à la solidarité

La crise haïtienne n’est pas la seule responsabilité de la France. Les États-Unis et d’autres puissances ont soutenu un système néocolonial qui a noyé le pays sous la dette et les interventions. Aujourd’hui, alors que la Mission multinationale de sécurité (MSS), dirigée par le Kenya, tente de contenir la violence, nombreux sont ceux qui se demandent si cela suffira sans justice économique. « En exigeant des réparations, nous exigeons non seulement le paiement d’une dette illégitime, mais aussi la reconnaissance d’un crime historique », souligne Chalmers. La lutte d’Haïti est aussi celle de tous les peuples qui ont subi l’exploitation coloniale. Deux cents ans plus tard, il est temps pour la France de restituer ce qu’elle a volé. Haïti ne peut plus supporter le poids d’une liberté qu’elle a conquise pour elle-même et pour l’humanité tout entière.

Peoples Dispatch 19 avril 2025

 

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