Kinam II, l’Accord des dupes !

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L’ancien Président du Sénat, Dejean Bélizaire

Ha nèg bò isit kapab ! C’est ainsi qu’a réagi un supporter du Président Jovenel Moïse quand il a appris par la presse qu’il y a eu un nouvel accord fomenté par les partisans du pouvoir intitulé : Accord de Kinam.

A la vérité, ce soutien au chef de l’Etat n’est pas le seul à avoir réagi de cette façon. Beaucoup dans le pays et à Port-au-Prince en particulier ont été surpris d’entendre qu’en l’espace de quelques jours, après le coup de maître du Groupe Initiative de la Passerelle (GIP) de freiner l’opposition radicale sur son élan à l’hôtel Marriott à Port-au-Prince, les alliés du Président Jovenel Moïse ont eux aussi monté un stratagème pour consolider les démarches de la Passerelle. Pour certains, c’est ce qu’on appelle un coup de maître ; pour d’autres un coup fourré. Qu’importe! Il faut le reconnaître, Jovenel Moïse, avec cet « Accord de Kinam », a démontré qu’il est loin d’être bête en politique et montré  sa capacité de rebondir là où la plupart de ses successeurs ont échoué.

Si au plus fort de la mobilisation populaire contre le locataire du Palais national les organisations politiques alliées du pouvoir gardaient un profil bas, tout simplement, pour les responsables de ces organisations, les causes de Jovenel Moïse étaient entendues. Il n’y avait aucun espoir de sauver le soldat Jovenel. Pour certains d’entre eux, c’était une question de survie politique après le départ du Président de la République en exil. Ils redoutaient même une période de déchouquages qui aurait été fatale pour bon nombre d’entre eux. Alors, si publiquement ils n’ont pas eu le temps de renier trois fois d’être un disciple de Jovenel le Nordiste comme l’apôtre Pierre l’a fait pour Jésus le Nazaréen et rapporté dans l’évangile selon Saint Mathieu dans la Bible, ces leaders politiques ont tous gardé un mutisme qui en dit long sur leur soutien à un Président qui était à deux doigts de rendre son tablier à une opposition déchaînée et motivée.

Mais, Jovenel Moïse a plus d’un tour dans ses manches. Ce magicien dispose de la puissance de l’Oncle Sam pour qui la situation sociale et politique en Haïti n’était pas encore désespérée pour son fidèle allié dans le concert des Etats en Amérique latine, surtout au sein de l’Organisation des Etats Américains (OEA) dans son combat contre le Président Nicolas Maduro, au Venezuela. De mission en mission, les autorités de Washington ont fini par trouver la parade en encourageant d’autres organisations de la Société civile haïtienne à monter au créneau pour contrecarrer le rouleau compresseur de l’opposition plurielle et radicale avec leur « Alternative Consensuelle pour la Refondation d’Haïti » qui a failli renverser Jovenel Moïse sous leurs yeux. A partir du moment où la Passerelle a terminé le travail de déminage, on a constaté que celui qui était reclus dans une chambre du Palais national quand il n’était pas terré chez lui à Pèlerin 2 est redevenu Président de la République. La brutalité avec laquelle Jovenel Moïse a fait son retour sur la scène politique haïtienne ces derniers temps a de quoi, en effet, remotiver tous ses partisans peureux et ses alliés inquiets qui croyaient que le bal était terminé.

En fait, la résurgence dans le paysage politique de certains leaders politiques proches du pouvoir n’est autre que la consolidation de la reprise en main du pays par le Président Jovenel Moïse qui, en fin de compte, n’a plus vraiment besoin d’eux maintenant. Le gros du travail avait été fait par l’ambassade américaine qui n’a jamais raté une occasion de dire haut fort son soutien à l’occupant du Palais national, par Washington avec ses Missions impossibles pour faire pression sur l’opposition radicale et enfin par la Passerelle qui a fait le « sale boulot » en mettant la main à la pâte en organisant les fameuses rencontres de Marriott. D’ailleurs, sur cette affaire de l’Accord de Marriott, un membre influent de l’opposition qui finit pas comprendre tardivement la stratégie de la Société civile, nous a dit les dents serrées : « la Passerelle nous a emmenés en bateau à un moment crucial de notre confrontation avec Jovenel Moïse. On s’en est aperçu trop tard. Au moment où on voulait descendre du bateau, il était déjà en haute mer. Les responsables de la Passerelle nous ont exilés du pouvoir ».

Yvon Bonhomme, directeur général du Ministère des Haïtiens Vivant A l’Étranger (MHAVE) a qualifié les acteurs de l’accord de Kinam : d’entrepreneurs politiques à la recherche de gains faciles.

Ce leader de l’opposition qui fulmine aujourd’hui contre la Passerelle a très bien résumé le cheminement qu’a pris la suite des événements. Et justement, c’est cet éloignement du pouvoir qui a rassuré les Partis politiques alliés de toujours de Jovenel Moïse mais qui étaient dans l’expectative devant l’avancée inexorable de l’opposition en direction du Champ de Mars sans jamais lever le petit doigt pour organiser la moindre contre-manifestation pour défendre le régime auquel ils sont associés. Mais, comme disait ce quidam qui a toujours été un fervent partisan de Jovenel Moïse, politiquement « Nèg bò isit kapab », ils sont capables tout même de revirements à  180 degrés. Car, en tant qu’opportunistes, ils ne ratent aucune opportunité pour saisir la balle au bon moment. C’est ainsi qu’après la bataille presque gagnée tout seul face à ses ennemis avec, certes, le soutien tout de même de la Maison Blanche, Jovenel Moïse va être renforcé et secondé par un ensemble de Partis politiques qui vont lui servir d’appui pour présenter un document beaucoup plus réaliste et surtout qui dit les choses clairement.

Autant le document relatif à l’Accord de Marriott laisse planer un certain doute, autant il n’y a aucune équivoque ni ambiguïté sur la teneur du document dit Accord de Kinam. Durant les discussions qui ont duré trois jours entre les différents acteurs de l’opposition plurielle et radicale et la Société civile, il fallait aménager les susceptibilités des uns et des autres ; en gros, il fallait avancer masqué pour ne pas dévoiler les réels objectifs de ces rencontres. De part et d’autre on se surveillait en chien de faïence, histoire de ne pas favoriser une partie, un acteur, un camp, voire une personne sur une autre. Le document de l’hôtel Marriott devait être irréprochable quitte à laisser planer le doute sur sa réelle vocation qui n’était autre que de gagner du temps. Autant qu’à l’hôtel Kinam II de Pétion-Ville il n’y avait aucune contrainte pour les organisateurs qui étaient tous de la famille. Certains sont même des consanguins tant ils sont nés de la même famille politique qui a donné naissance à Jovenel Moïse au Palais national. Pour bien comprendre de quoi nous parlons, prenons connaissance des organisations, partis, groupuscules et Secteurs privés qui ont été appelés par le pouvoir pour monter les pourparlers de l’hôtel Kinam II.

Si c’est l’ancien sénateur de la République, Déjean Bélizaire qui est aussi le Président du Parti MNP28, une petite organisation politique qui a beaucoup fait parler d’elle dans les années 90 qui a conduit cette mission au nom du « Groupe de réflexion pour un dialogue inclusif », on retrouve tout un conglomérat d’organisations et même des institutions étatiques dans l’affaire. Après le MNP28, sur la liste il y a le KID, le parti de l’ancien Premier ministre de Michel Martelly et ex-Maire de la capitale, Evans Paul (KP), Bouclier, le parti du député de Delmas et Président de la Chambre des députés Gary Beaudo, il y aussi le Consortium des Partis politiques, un parti allié de longue date du pouvoir Tèt Kale. Naturellement, il y a le PHTK (Parti Haïtien Tête Kalé) qu’on ne présente plus ; c’est le parti au pouvoir. Bien sûr il y a LAPEH, l’ancien parti de Jude Célestin mais surtout de l’ex-sénateur Jean Hector Anacasis. Ce petit parti rallie sans condition le clan Tèt Kale juste pour avoir un strapontin dans le gouvernement après l’échec de son candidat Jude Célestin face à Jovenel Moïse.

En fait, c’est plus d’une cinquantaine de Partis et d’organisations politiques dont le Parti Konsyans Patriyotik que le « Groupe de réflexion pour un dialogue inclusif » avait conviés à l’hôtel Kinam II à Pétion-Ville le jeudi 5 décembre 2019 pour signer ce que certains appellent l’autre « Accord », celui de  Kinam. Pour une fois, ce ne sont pas des inconnus de la classe politique ; tous ont déjà fait les quatre cent coups dans le paysage politique de ce pays y compris certains responsables de ces organisations. D’ailleurs, tous ou presque faisaient partie du très long processus électoral qui a conduit à l’accession de Jovenel Moïse à la présidence d’Haïti dont un gigantesque ouvrage paru aux Éditions l’Harmattan à Paris, en cette fin d’année sous la plume de Wiener Kerns Fleurimond raconte l’histoire de cette péripétie électorale intitulée : Haïti, de Michel Martelly à Jovenel Moïse, une tumultueuse saga électorale (2014-2017).

Mais, les organisateurs voulaient marquer les esprits et, sans doute, ils voulaient prouver aux américains que l’opposition n’a pas le monopole de la société civile organisée en Haïti. Ils ont aussi mobilisé une bonne partie des organisations sociales et publiques du pays. Ainsi, l’ancien Président du Sénat, Dejean Bélizaire, s’est entouré de la Présidente de l’association Rezo Fanm Nip, Lila Zéphyrin, et de Ziky Décelmond, Maire et Secrétaire générale de la Fédération Nationale des Maires d’Haïti (FENAMH) avant de faire appel à 14 organisations syndicales, 10 membres de la Fédération Nationale des CASEC, 5 organisations de femmes, 11 organisations de la Fédération Nationale des Délégués de ville, 11 organisations étudiantes, 10 membres de la Fédération Nationale des ASEC auquel il faut ajouter une vingtaine d’organisations de la Société civile et de la paysannerie. Bref, pour ce nouvel accord, les partisans du Président de la République voulaient frapper fort, très fort, même si la majorité de ces organisations sont pratiquement les mêmes qu’on retrouve au sein des organismes qui constituent la Société civile dont est issue la Passerelle.

En répondant à l’invitation du « Groupe de réflexion pour un dialogue inclusif », toutes ces mouvances, partis politiques, organisations populaires et organismes publics ont accepté de signer un Pacte qu’ils ont baptisé : « Consensus de Résolution pacifique, négocié et durable de la crise », ou « Consensus pour une Transition pacifique de la nation haïtienne ». C’est le fruit de leur réflexion. D’emblée, les signataires de l’Accord de Kinam imposent le Président Jovenel Moïse comme inamovible et intouchable, c’est-à-dire qu’il doit terminer son mandat de cinq ans. En revanche, ils ne sont pas trop regardant sur la posture d’un Premier ministre  qui doit être nommé par arrêté présidentiel et devant diriger un gouvernement de consensus formé par les forces politiques et sociales. Anticipant sans doute la caducité du Parlement dans quelques jours, soit exactement le lundi 13 janvier 2020, qui correspond au deuxième lundi de janvier selon la Constitution de 1987, les partisans du Président déclarent noir sur blanc que le nouveau chef de gouvernement rentre immédiatement en fonction.

les organisateurs voulaient marquer les esprits et, sans doute, ils voulaient prouver aux américains que l’opposition n’a pas le monopole de la société civile organisée en Haïti.

Puisqu’on relève dans l’Accord, selon les articles 13, 14 et 15 :  « Le Premier ministre de consensus nommé par arrêté présidentiel entre en fonction et entame, de concert avec le Président de la République, immédiatement de larges consultations avec les forces politiques et sociales pour former ce gouvernement. Les forces politiques et sociales concernées soumettent dans les 72 heures au Premier ministre de consensus la liste des personnalités susceptibles de constituer le gouvernement de consensus. Le Président et le Premier ministre signent l’arrêté portant création du gouvernement de consensus. Le gouvernement ainsi formé est installé de plein droit pour mettre en œuvre, sans contrainte ni obstacle, la feuille de route et les dispositions du présent accord ». Enfin, « La personnalité proposée pour occuper la fonction de Premier ministre doit rassurer les partis en présence, inspirer confiance aux secteurs vitaux du pays et faire preuve de loyauté républicaine et institutionnelle et le gouvernement, dans le cadre de ses activités, ne devrait pas excéder février 2022 ».

En fait, il y a trois points essentiels qui ressortent de la plume des signataires de l’ « Accord de Kinam ». Il s’agit de consolider le mandat du Président Jovenel Moïse jusqu’en 2022, de permettre la nomination effective d’un nouveau Premier ministre, c’est-à-dire que celui-ci puisse réellement entrer en fonction sans passer par les obstacles précédents qui ont failli causer la chute de l’élu du PHTK et enfin, la proclamation d’une nouvelle Constitution. On connaît depuis quelque temps la position du Président Jovenel Moïse sur cette Constitution qu’il croit être un obstacle majeur pour le Président de la République pour gouverner. D’ailleurs, les signataires pensent qu’il serait possible qu’une nouvelle Charte fondamentale soit fin prête d’ici trois à six mois dans la mesure où c’est une nécessité pour assurer la stabilité politique et institutionnelle du pays. Cette nouvelle Constitution devrait être rédigée selon l’Accord de Kinam par une Assemblée Constituante qui elle sera désignée par les membres et signataires de l’Accord de Kinam et d’autres secteurs de la société sans dire quels sont ces secteurs.

S’agit-il d’autres personnes désignées par les partis politiques de l’ « Alternative Consensuelle pour la Refondation d’Haïti » ou des personnalités  indépendantes, intellectuels, juristes reconnus, etc. ? En tout cas, les signataires de l’Accord de Kinam ont tout prévu. Selon eux « Le projet constitutionnel élaboré sera transmis au gouvernement pour les suites nécessaires, notamment l’organisation d’un référendum de ratification. Celui-ci sera organisé avec une institution électorale dont les membres seront désignés sur la base d’une formule consensuelle » a-t-on lit dans l’Accord. Comme on peut le constater, les congressistes de l’hôtel Riz Kinam II donnent la priorité au maintien du Président de la République dans ses fonctions malgré la position radicale de l’opposition refusant même de s’asseoir avec lui. On constate que l’Accord de Kinam ne fait pas grand cas du Parlement qui, dans ces circonstances exceptionnelles, devrait jouer un rôle important dans la recherche de solution ou de consensus. Or, l’Accord prévoit déjà des scrutins législatifs et présidentiels qui seront organisés en 2020 et 2021 sous l’empire d’une nouvelle Constitution.

Dans leur réflexion, les signataires n’envisagent pas de renvoyer les élus locaux (Maires, Asec, Casec et Délégués de ville) au début de l’année comme il est prévu pour les sénateurs. Les élus des Collectivités territoriales  resteront donc en place jusqu’aux nouvelles élections générales de 2020. Très curieusement, à part l’opposition affichée au départ ou à la démission du Président Jovenel Moïse, la position des alliés de celui-ci ne diffère guère de celle qu’avait définie l’opposition plurielle lors de la « Propositions d’Oloffson » en juin 2019 suivie de l’Accord Marriott en novembre 2019. En comparant ces trois positions, l’on retrouve pratiquement les mêmes dénominations communes à l’exception notable de la place du Président Jovenel Moïse dans le dispositif.

Si les deux premiers Accords souhaitent la démission du chef de l’Etat suivant des modalités différentes, le troisième se différencie seulement sur deux points : le Président reste en place jusqu’en 2022 et la promulgation d’une nouvelle Constitution sous la présidence de Jovenel Moïse. C’est une position ferme, déterminée et affichée par les signataires de l’Accord de Kinam. A notre avis, ce sont ces deux points de désaccord que peuvent avoir les responsables de l’opposition avec le groupe mené par le chef du Parti MNP28, ce candidat malheureux à la présidence provisoire lors de la transition au départ du Président Michel Martelly en 2016. Quand on fait un résumé des propositions de l’Accord de Kinam, on retrouve les mêmes propositions ou arguments déjà énoncés par l’opposition plurielle.

Dans le texte du « Consensus pour une Transition pacifique de la nation haïtienne » relatif à la sortie de crise proposé par le « Groupe de réflexion pour un dialogue inclusif », on lit pêle-mêle : « la mission du gouvernement de consensus sera, entre autres, de : soulager par des mesures concrètes et immédiates les conditions de la population ; mettre les forces nationales de sécurité en situation de protéger efficacement les vies et les biens sur toute l’étendue du territoire ; renforcer la CNDDR ; mettre sur pied une Commission de vérité et de justice pour accompagner le Pouvoir judiciaire sur les dossiers liés aux crimes de sang, aux crimes économiques et financiers, enregistrés dans le pays au cours des 30 dernières années dont la gestion du fonds de PetroCaribe ; faciliter un dialogue national inclusif ; mettre en place une Assemblée constituante suivant les termes définis par les signataires du présent accord et organiser le référendum de ratification de la nouvelle Constitution ; mettre en place, le cas échéant, un nouveau CEP pour organiser des élections législatives et locales ; organiser l’élection présidentielle en 2021, etc ».

Honnêtement, si l’on devrait organiser un débat comparatif sur ces propositions et celles qui ont déjà été proposées, cela prendra la forme d’un pur débat sémantique tant les propositions des uns et des autres vont dans le même sens. Ainsi, pour plusieurs acteurs politiques haïtiens, ce nouvel Accord dit de Kinam n’est autre qu’un Accord des dupes.

Puisque ce sont les mêmes arguments qui ont été copiés, plagiés et proposés à la population en guise de propositions de sortie de crise par les alliés du chef de l’Etat dans le but évident d’une part de faire diversion et d’autre part de permettre au Président de s’imposer à nouveau comme celui qui mène le débat. Comme on peut le voir, le Président a relancé à nouveau sa Caravane du changement sans le dire. Voyage surprise dans le fief de l’un de ses plus farouches opposants, Youri Latortue, dans l’Artibonite le samedi 14 décembre 2019 comme pour dire je n’ai pas peur de vous. Il a même paradé à pieds en pleine nuit (20 heures) dans les rues des Gonaïves avec ses partisans avant de reprendre la route pour Port-au-Prince. Avant, dans la matinée, la police judiciaire (DCPJ) a raté de justesse Dimitri Vorbe de la Société SOGENER et l’ancienne épouse de feu Président René Préval, Elisabeth Debrosse Préval ex-Première dame avec lesquels Jovenel Moïse est en conflit judiciaire au nom de l’Etat pour non respect de contrat avec le gouvernement.

Afin de bien marquer son retour politique, il a effectué une visite le lundi 16 décembre 2019 à la Centrale électrique de Varreux, celle-là même qui a été reprise par le gouvernement à la famille Vorbe depuis le début du contentieux. Enfin, durant cette même semaine, toujours dans le cadre de sa Caravane du changement, il a aligné devant le Palais national, à l’avenue de la République à Port-au-Prince, une série d’engins lourds et de machines dites usines roulantes destinées à la fabrication d’asphalte et d’autres ingrédients dans le domaine de la construction et des travaux publics. Alors qu’au cours de la même semaine, il a invité, « convoqué » selon les mauvaises langues, certains chefs de partis politiques de l’opposition et ceux de l’Accord de Kinam à lui apporter justement les fameux « Accords » de sortie de crise qui ont été élaborés à Marriott et à Kinam. Même si certains leaders de l’opposition radicale protestent et contestent la méthode employée par les responsables de la Passerelle pour se rendre au Palais national, le mal est déjà fait.

Pour le pouvoir, c’est l’opposition plurielle qui a été reçue à la présidence de la République. En bon Prince, d’ailleurs, Jovenel Moïse a reçu les deux documents et a immédiatement fait le choix de celui de l’hôtel Kinam II réalisé par ses alliés politiques comme étant les Cahiers de charge. Quant à l’Accord de Marriott, il l’a certainement mis dans un tiroir pour être versé sans doute dans les réserves des Archives nationales. Les seules ombres à ce tableau étincelant de ces dernières semaines de l’année pour Jovenel Moïse demeurent sont les suivantes:

(1) Aucun chef de l’opposition ou de Parti sur les sept regroupements politiques invités le vendredi 20 décembre 2019 au Palais national à 13 heures  n’a répondu à l’invitation du Président Jovenel Moïse pour venir discuter de l’Accord de Marriott. Selon Me André Michel « Après 3 heures de discussions, les 5 entités politiques signataires de l’Accord de Marriott ont décidé de décliner l’invitation précipitée et sans agenda du Président Jovenel Moïse ». Donc, Personne n’a mis les pieds à la présidence de la République.

(2) C’est l’échec des journées de pourparlers entre certains membres de l’opposition et le pouvoir à la Nonciature. Initiée par la cheftaine de la BINUH (Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti) et Représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU en Haïti, madame Helen La Lime, l’OEA et le Nonce Apostolique, le Représentant du Pape François en Haïti, cette rencontre a eu lieu à la Nonciature située à Pétion-Ville. Mais, devant la réticence de l’opposition radicale qui est sur ses gardes après l’affaire de la Passerelle et du Marriott de participer à cette rencontre, les organisateurs n’ont eu qu’à constater l’échec de cette énième tentative d’instaurer le dialogue entre le Président Jovenel Moïse et les principaux chefs de l’opposition qui croient encore en leur chance de renverser celui-ci par la mobilisation.

A la fin des deux journées infructueuses, les participants ont quand même eu la force de signer un communiqué portant la signature de : Joseph Lambert (KONA), Eric Jean-Baptiste (RDNP) et Paul Denis (INIFOS) : « Nous, partis, regroupements politiques de l’opposition, représentants de la présidence, d’organisations de la société civile et des collectivités territoriales réunis à la Nonciature les 17 et 18 décembre 2019, avons bouclé deux journées de réflexions et d’échanges autour de la crise politique, sociale et économique qui secoue le pays depuis plusieurs mois. C’est un pas positif et une démarche constructive qui doit se poursuive afin de rassembler tous les acteurs représentatifs de la société en vue de la résolution de la crise ». Ces derniers en ont profité pour remercier les initiateurs de ce conclave où, malheureusement, après deux longues journées de discussion aucune « fumée blanche » n’était sortie, signe qu’ils n’avaient pas pu trouver un consensus sur le sort de Jovenel Moïse. Surtout que, dès le premier jour de la rencontre, il s’était produit un clash entre certains leaders de l’opposition plurielle, des membres de la passerelle et le GIP (Groupe Initiative de la Passerelle).

Les responsables du Groupe Initiative de la Passerelle (GIP) avaient laissé entendre dans un communiqué que les deux membres, Joseph Dominique Orgella et Charles Tardieu, ayant pris part à la rencontre de la Nonciature n’avaient aucun mandat pour le faire. Tandis que pour les dirigeants de la Plateforme politique Mache Kontre, entre autres Rosemond Pradel, « Les signataires de l’Accord de Marriott doivent trouver une autre stratégie pour une solution à la crise multidimensionnelle qui secoue le pays ». Bref, toutes ces polémiques et tension interne ne font qu’arranger les affaires du Président Jovenel Moïse qui se frotte déjà les mains et est même impatient de voir arriver le moment qu’il attend depuis une année pour devenir le seul commandant en chef à bord : celui du deuxième lundi du mois de janvier 2020. L’histoire n’est-elle pas un éternel recommencement?

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