In memoriam : Nos Adieux au camarade Nikol Lévy

« Un pianiste de classe » | Cap-Haitien, 1947 – Port-au-Prince, 2020

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François Nikol Lévy

En si peu de temps, ceux qu’on pourrait appeler ‘’la bande des quatre’’ pour un moment, ont tous fait leur révérence …comme Manno qui nous a quitté un peu plus de deux années. Puis ‘’Sò Anne’’ qui nous a laissé récemment ; suivie de son compagnon Tido dernièrement. Et maintenant (et finalement, on l’espère), c’est le tour de notre ancien camarade de combat d’une diaspora active et militante. L’excellent musicien, arrangeur et pianiste : François Nikol Lévy qui a rendu l’âme vers les 2h du matin, le mercredi 24 Juin dernier à l’hôpital Bernard Mevs de Port-au-Prince, où il était hospitalisé depuis une semaine suite à un accident cérébro-vasculaire. Nous du journal, nous nous associons à tous ceux qui sont touchés par cette perte pour souhaiter un repos digne à ce guerrier infatigable et artiste désintéressé, tout en envoyant nos plus vives condoléances à sa famille durement affectée.

Sans être un descendant du glorieux Justin Elie, dont il fut un adepte dès l’enfance, tout en devenant en grandissant un mordu de l’illustre Ludovic Lamothe, Nikol Lévy sut de quoi il en retourne pour être un pianiste de classe.

Ayant grandi dans une ambiance musicale, grâce à son père Marius Lévy d’origine juive, organiste de son état, compositeur, pédagogue et fondateur d’une chorale de gospel, c’est donc sur ses traces que le jeune Nikol s’est élancé vers le piano. Et, imbu de son attraction pour le royal instrument, son papa lui fit suivre des cours de piano sous la direction de Liliane Sam,  fille de l’ancien président Vilbrun G. Sam, qui s’était inspirée de l’école de Viennes, et, lui avait inculqué cette orientation classique et solennelle qui caractérise sa touche.

Nikol Lévy

De laquelle jaillirent les influences de Mozart et de Tchaïkoski…spécialement le premier qui est resté son musicien favori. Mais, les intérêts du jeune Levy ne se sont pas limités qu’à la musique. Car imbu, des abus et préjudices de son milieu ; en plus des sauvageries des tontons-macoutes. Il s’est engagé dès l’adolescence dans son Cap natal dans la lutte pour la libération de son pays. Eventuellement, Nikol s’est retrouvé à NY au début des années soixante-dix, où parallèlement à ses études, il s’est enrôlé dans l’opposition en vue de continuer le combat pour le renversement de la dictature. On le repéra à cet effet comme partie prenante des mouvements culturels ; à travers les groupes : « Tanbou Libète » et « Solèy Leve ».

Formations politiquement engagées et pour lesquelles il composa des morceaux tels :Ansanm ansanm, Lalam tire entre autres ; significatifs des musiques qui ont symbolisé la diaspora des années 1970-80. Entre temps, il est demandé pour multiples boulots. Pourvoyant l’œuvre ‘’Flè Dizè’’ du diseur Jean Claude ‘’Koralen’’ Martineau de son estampille classique dans les ritournelles de transition. Claviériste épanoui, il a évolué dans un style tout en tonalité, paré de sa solide formation conventionnelle ; en attachant plus de dimension à la rigueur et à la discipline. Avec toutes fois une maestria qui l’a habilité à des improvisations impromptues. S’attelant éventuellement à sortir de sa zone de confort. En prenant du recul dans les mid-80’s, par rapport à la musique conceptuelle.

En arrangeant et jouant pour des groupes et artistes de la musique ambiante tels : « System band », Fédia Laguerre et autres. Tout en se mettant à l’avant-garde de la mouvance rasin-fusion, en fondant en 1986 le groupe « Sakad ». Et, dont l’album :’’ Rebati kay la’’, imprégné de vodou-rock semblait partir pour bousculer bien d’idées reçues. Se mettant à l’occasion aux synthés ; gratifiant d’une approche syncrétique qui lui a permis d’explorer toutes les facettes d’un instrument délivré avec promptitude et souplesse à la fois. Cependant, la diaspora peut-être trop entichée de musique de danse, ne paraissait point dispose pour cette expérience, comme c’était le cas pour le groupe « Ayizan » de Tit Pascal. Dommage, car l’œuvre de qualité, était bien reçue par les mélomanes au pays.

Au milieu le maestro Nikol Lévy

Après ce constat, Nikol resta disponible pour les causes communes. Toujours en réserve pour les courses ; en vue de l’organisation d’une réunion, d’une manif, des célébrations culturelles ou patriotiques. Performant et mettant son talent en œuvre dans un air désintéressé. Entre son boulot journalier pour supporter sa famille. Et ses responsabilités d’organisateur au sein du groupement IFOPADA ; avant que l’indécent Serge Gilles vienne le mettre à sac. Mais, bien déterminé, Nikol persiste et signe pour le changement dans son pays, jusqu’au chambardement démocratique de Décembre 1990. Mais, vint le coup d’état de Septembre 1990 qui vient remettre les pendules à l’heure. Le rêve du retour pour les cadres assoiffés de patriotisme et de compétence, ainsi que pour Lévy s’était déféré.

Reprenant le chemin de la lutte contre les militaires psychopathes et leurs ‘’attachés’’ et ‘’ninjas’’ qui donnaient les cadavres de leurs frères comme repas aux cochons affamés de Cité Soleil et de Ti Tanyen. Toujours flanqué de sa pote Sò Anne, de son compère de retour en exil Manno Charlemagne, et de Tido Lavaud qui vint après composer le carré. Chico Boyer pour sa part, ayant décidé de voler de ses propres ailes. Tandis que Koralen qui devint porte-parole sous la deuxième administration d’Aristide a toujours été un solitaire. Bref, pendant ce temps, c’est le retour à la démocratie sous la protection des forces onusiennes et états-uniennes. Sò Anne, Manno et Tido sont au pays se positionner. Tandis que Nikol a finalement réalisé son rêve, en disant Adieu à la diaspora après deux décades en exil.

Arrivé au pays sous le premier gouvernement de Préval, Levy s’est fait pondéré. Avant de pouvoir prendre de l’élan. En même temps, on s’est dit comment un militant de cette compétence n’ait pas été accueilli par une structure organisée ; recrutant sur la base des compétences au lieu du clientélisme. Tout de suite, il est allé s’installer au Cap-Haïtien où il met ses connaissances à la portée des jeunes capoises et capois, en leur prodiguant une formation musicale. Incidemment, ce fut la continuité d’une longue période de louvoiement pour le « Septentrional », le groupe de son enfance, se morfondant dans une version édulcorée d’un konpa minimaliste pour attirer les jeunots. Au lieu de consolider les fondements de la meringue pastorale, diffuse d’une allure résonnant un  petro provincial. Tout ça ? Foutu en l’air

Il est vrai que la santé du maestro ainsi que le mental n’étaient pas au beau fixe pour s’adapter aux nouvelles données et galvaniser sa troupe comme l’a toujours fait le « Tropic ». Heureusement que c’est à Nikol Lévy que le légendaire maestro de l’orchestre, Ulric Pierre Louis s’est confié pour devenir son successeur à la direction musicale du groupe. Une aubaine pour ‘’la boule de feu’’, bien vite remise sur orbite par Nikol dans la réévaluation des données qui ont constitué les repères d’une polyrythmie féconde ; en retournant à la source de la meringue nordiste. Ce qui a permis à ce formidable ensemble de se faire une nouvelle jeunesse. Et Nikol y était bien pour quelque chose. Lui qui a été toujours un perfectionniste. Tout aussi exigeant avec lui-même.

Entre temps, c’est Aristide qui revient pour un second terme. Et les amis sont tous éparpillés dans leur coin, pratiquant la guerre des bandes. Manno qui au terme d’un parcours désastreux à la mairie de Port-au-Prince, est en disgrâce, puis mis en disponibilité par Préval pour exactions financières. Il est finalement destitué par le nouveau gouvernement Lavalas pour gabegies administratives. Pendant que Sò Anne son ‘’kavalye polka’’ s’affirme en ‘’poto-mitan’’ du gouvernement. Alors que Levy lui préféra attendre la ‘’courte passe’’ à Tiréné dont il est venu un confident dans l’entourage restreint du président sortant, qui faisait le paysan dans son petit coin paisible de Marmelade.

Tout ça pendant que le mouvement ‘’GNB’’ s’intensifiait et que sa camarade Annette est sous les feux de la camarilla. Ces apatrides qui juraient par tous les démons de ne pas honorer la mémoire de nos ancêtres. Pita pitris !!! Même quand de passage dans la diaspora Nikol n’a pas manqué de montrer sa grogne en privé contre ses anciens camarades. C’est dire que comme on le suspectait, qu’il y avait anguilles sous les roches, et, que le torchon brulait entre eux. Bien qu’on ne l’ait jamais vu se balader avec Tiréné durant son second mandat. D’ailleurs Sò Anne était encore emprisonnée. Ce dont on doit lui faire une chandelle d’avoir gardé la pudeur et rester en dehors des sinécures, en diaspora conséquent. De plus, il avait bien d’autres chats à fouetter avec le « Septent ».

Et pour quelqu’un qui a vécu aussi longtemps à l’extérieur, il a fallu qu’on soit vraiment résolu pour pouvoir s’adapter à cette ambiance suffocante qu’est la politicaillerie locale, et, regarder impuissant son pays sombrer dans la merde et l’inacceptable. Pour devenir l’objet fantaisiste de vauriens de grand chemin sous la visée des ambassades étrangères. Dur à vivre. Et avoir vécu le mouvement ‘’grenn nan bouda’’ dont le pays est en train de payer les retombées destructrices, jusqu’à nos jours. Suivi de Jeanne, le cholera, Préval, goudougoudou, Sweeet Micky et la légalisation du banditisme sous la supervision de son éminence grise Gonzague Day.(lorsque ce phénomène apparut sous les militaires, Leslie Manigat pour ne pas les froisser l’a appelé du ‘’banditisme social’’. Ces réseaux maffieux de kidnappeurs comme Sonson la familia et Cliff Brant. Et Jomo l’ancien bras droit du criminel Louis Jodel Chamblain pour donner le coup de grâce. Car, on ne peut pas descendre plus bas. En plus des défis quotidiens pour survivre et résister. Avec l’étouffement à petit feu d’un peuple, sans défense. Et d’un pays qui n’existe que par son passé lointain et glorieux. Un cœur si l’on en a, ne peut résister à tout ça.

Repose en paix, camarade Lévy.

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