Elections ou réabonnements !

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Notre pays, dirigé par une oligarchie parasite liée à l’impérialisme, se trouve depuis un laps de temps face à une crise structurelle qui n’a d’autre solution qu’un changement en profondeur. Ainsi donc, il ne faut pas se leurrer sur le sens des élections annoncées pour le dimanche 20 novembre prochain. Déjà la situation devient de plus en plus sombre et même tragique au sens le plus profond du terme, puisque les protagonistes de la lutte politique ne font que piéger davantage le pays en faisant remonter à la surface de nouveaux déchirements allant même jusqu’à encourager des affrontements pour servir leur petite cause.

N’ayant jamais assimilé d’autres modes de vie, d’autres modèles que celui produit par la société coloniale et capitaliste, toute une série d’éléments remarquables se sont évidemment conjugués non seulement pour nous tenir en ébullition, mais pour nous donner le coup de grâce. Nos classes dirigeantes ont totalement peur des rendez-vous avec le changement, et pour autant, elles  s’accrochent au passé et se confortent adossées à cette stratégie électorale ne pouvant déboucher que sur une remarquable continuité. La nature de ce système en place, de par ses composantes et la profondeur de ses structures historiques, est dotée d’autant d’éléments qui le portent et l’encouragent à intensifier ses méthodes de plus en plus antipopulaires et répressives. Tout cela constitue la manifestation la plus évidente de l’incapacité foncière des régimes à ne proposer aucune autre alternative ; sauf celle de trahir et de conduire le peuple au bord de la ruine. Comme l’indique Gunder Frank, ce sont « des lumpen-bourgeoisies qui promeuvent le lumpen-développement »

En vérité, cette élection n’est qu’une lapalissade bien dérisoire, vu que le débat est plat, sans saveur, sans actualité. Faute  d’arguments, on se plaît à ressasser les mêmes balivernes et même à proférer des menaces ; alors que, pourtant, quelque soit l’issue du processus électoral, même si l’on aboutit enfin à élire quelqu’un, il est un fait certain et presque reconnu par tous désormais, à savoir que le spectacle du 20 novembre ne peut avoir aucun autre nom, si ce n’est celui d’un réabonnement à un système pourri qui constituera une véritable poudrière à retardement.

Tout ce qui adviendra de ces élections ne sera que la reconnaissance et l’intensification de l’exploitation dans l’intérêt des sociétés multinationales, de sorte qu’elles profitent davantage de nos souffrances. Le peuple, invité à se prononcer aux urnes, n’a-t-il pas le droit aussi de se révolter par rapport à ces élections qui ne seront autre qu’un renouvellement en bonne et due forme des pratiques erronées allant à l’encontre de ses aspirations et de ses revendications ?  Ce qui revient à dire que c’est un renouvellement de contrats pour hâter la liquidation du peuple haïtien et le rejet de ses droits.

En réalité, le pays est comme un train qui a déraillé. Néanmoins, les conducteurs s’entêtent à le conduire en dehors des rails, refusant catégoriquement de le remettre en place. Mais comment un train qui ne roule pas sur des rails et qui croit pouvoir ainsi avancer aboutirait-il à autre chose qui ne soit une catastrophe totale ?

Ce ne peut-être définitivement que renouveler notre abonnement à notre état de peuples cloués à jamais à une  politique d’assistance, et descendus à un niveau tel que ce sera fini de tout processus de développement éventuel.  Ce ne peut être que signer notre reddition de sorte que les gens des bidonvilles et des campagnes continuent à être oubliés, méprisés, abandonnés et livrés à eux-mêmes.

Cet abonnement qu’on renouvelle après chaque quinquennat n’a apporté aux masses que des réformes minimes, rachitiques et insignifiantes, et elles se sont toujours  heurtées à des forces hostiles  dans la mesure où elles vont à l’encontre des coutumes et des privilèges des classes dominantes.

C’est une situation alarmante, sournoise dont les conséquences ne nous laissent que la possibilité de nous forcer à survivre au règne de l’occupant. C’est une autre façon de nous montrer sans ambigüité que pour abattre les masses populaires qui menacent leurs intérêts, les forces réactionnaires ne reculent devant aucune forme d’action, fût-elle même la plus criminelle.

On n’a pas besoin d’être prophète pour le prédire : cette politique foncièrement antipopulaire n’est qu’une autre bombe à retardement dans notre histoire de peuple. Il y en a eu auparavant qui n’ont pas cessé d’exploser depuis les temps de l’esclavage. Il est à craindre qu’il n’y ait une autre qui, avec le capitalisme agonisant qui nous ruine justement avec leurs élections de façade pour mieux nous bafouer, n’attend que le moment propice pour exploser.

 

Haiti Liberté Vol 10 # 19

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