D’un processus électoral à l’autre, la saga continue !

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L’ancien parlementaire Jerry Tardieu, après plus de trois mois de travail, a, comme prévu, remis son Rapport final au secrétariat technique du Comité de pilotage de la Conférence Nationale

(12e partie)

À Hinche, les organisateurs se sont réjouis de la réussite de ces journées d’assise organisées en région qui ont permis beaucoup de débats, parfois avec passion, sur la nécessité de doter le pays d’une nouvelle Constitution adaptée à son temps. Dans l’Artibonite et le Nord-Ouest, on a observé la même ferveur de la population locale pour ces assises sur le projet de la réforme constitutionnelle. De Port-de-Paix, la ville du brave parmi les braves, nous nommons l’un des héros de l’indépendance d’Haïti, François Cappoix dit Capois-La-Mort, en passant par la ville, berceau officiel de la Proclamation de cette indépendance en 1804, Gonaïves, les organisateurs ont réalisé plusieurs ateliers de travail où on a dénombré beaucoup de participants venus de quasiment toutes les communes des deux départements. Partout où le Comité de pilotage a pu faire le voyage, même en collaborant secrètement avec les groupes armés pour leur faciliter le passage sur des axes qu’ils occupent, l’accueil, il faut le reconnaître, a été chaleureux et le remplissage des salles a été à un niveau acceptable.

Dans deux communiqués distincts, dont l’un publié en date du 26 janvier 2025, les membres du Comité de pilotage de la Conférence Nationale disent leur satisfaction devant le succès, selon eux, rencontré par les organisateurs locaux de ces journées d’assise : « Dans l’Artibonite, la participation des femmes, des jeunes et des leaders communautaires a été remarquable. Ces acteurs ont contribué activement aux débats en alimentant des réflexions et des propositions sur plusieurs thématiques cruciales, notamment les réformes constitutionnelles et les relations entre l’État et les différentes composantes de la société. Cette mobilisation illustre l’engagement croissant de la population à contribuer à l’écriture d’un avenir institutionnel et démocratique pour Haïti. Ces consultations reflètent une volonté commune d’assurer une transition transparente et inclusive, à la hauteur des attentes du peuple haïtien. Ce processus, fondé sur le dialogue et l’engagement citoyen, vise à construire une nouvelle Constitution qui incarne les valeurs de justice sociale, de solidarité et de progrès. » Après toutes ces belles paroles, l’on s’attendait à ce que les choses se précipitent.

Ce d’autant plus que le CEP, lui, avançait des dates pour toute une série d’opérations ayant rapport avec la Constitution, entre autres, un référendum en accord avec le pouvoir pour le mois de mai, plus exactement le 11 mai de cette année, pour ratifier le projet de la nouvelle Constitution et des élections générales pour la fin de l’année 2025. Finalement, rien! A nouveau, le silence s’est installé autour du Comité de pilotage. Pas une note de presse. Aucune communication venue de cette instance censée remettre au plus vite le résultat de ses travaux sur la réforme constitutionnelle au Conseil Présidentiel de Transition afin de permettre la publication de l’arrêté appelant le peuple en ses comices. D’ailleurs, même le gouvernement s’impatientait et commençait à s’énerver.

Surtout la date butoir pour le référendum approchait à la vitesse grand V. Mais, de guerre lasse, le Comité de pilotage reste une nouvelle fois en hibernation. Pas un mot, rien. Jusqu’à ce que, finalement, le 11 mai soit passé comme une date parmi d’autres. Et personne, ni le Comité, ni le CEP ni les autorités gouvernementales ne pipent mots. Le 12 mai 2025, c’est-à-dire, au lendemain de la date qui était prévue pour le fameux référendum, le quotidien Le Nouvelliste a tenté de savoir ce qui s’était passé auprès du Comité et pourquoi il n’y a pas eu de référendum ni une note de presse de la part des acteurs concernés. Dans son édition du 12 mai 2025, en effet, le journal publie un court entretien que l’un de ses collaborateurs a eu avec un membre du Comité de pilotage de la Conférence Nationale qui, bien entendu, a tenu à garder l’anonymat. Selon Le Nouvelliste, son interlocuteur a avancé ceci : « Nous avons terminé avec la rédaction du texte de la nouvelle Constitution à la suite d’une retraite dans le Nord le mois dernier avec la participation de tous les membres du Comité et des experts en droit constitutionnel. Nous avons traité tous les rapports issus des assises.

Le texte est fin prêt ! Une dernière rencontre au sein du Comité de pilotage cette semaine devrait permettre de transmettre officiellement le document au Conseil présidentiel. Nous avons décidé, au Comité de pilotage, de ne pas présenter un texte final de la nouvelle Constitution. Nous allons soumettre à l’Exécutif un avant-projet de Constitution. Après les réactions de la population sur le document, nous ferons les ajustements nécessaires. Si toutefois, il n’y a pas de réactions en profondeur, l’avant-projet de la Constitution sera maintenu sans modifications. » Mais, d’après le quotidien de la rue du Centre, une autre source, toujours au Comité de pilotage, laissait entendre un autre son de cloche. Le journal qui a contacté le même jour cette autre source a appris qu’il y a de l’eau dans le gaz au sein dudit Comité. « Ce qui se passe au Comité m’énerve !

Le Président du Comité, Enex Jean-Charles, centralise tout. Nous devons réaliser une retraite au Cap-Haïtien sur un projet de société avant de parler de Constitution. Il ne peut y avoir de référendum avant le projet de société » laissait entendre cette seconde source de Le Nouvelliste le lundi 12 mai 2025. Toujours le 12 mai, on a appris que l’Exécutif a écrit au Président du Comité de pilotage de la Conférence Nationale, Me Enex Jean-Charles, pour lui rappeler l’engagement de son organisme et surtout lui faire le reproche de ne pas avoir communiqué sur la date du 11 mai qui devrait être le jour du référendum. En quelque sorte, la présidence lui reproche son silence sur ce qui devrait être un événement politique majeur pour la Transition post-Jovenel Moïse.

C’est la Secrétaire générale de la présidence de la République, Mme Élisabeth Joseph Haddad, qui se chargera, au nom du CPT, de rappeler ce manquement à la parole donnée aux membres de la Conférence Nationale, en l’occurrence son président. Dans sa correspondance, l’ancienne Secrétaire de l’ex-Premier ministre Jacques-Edouard Alexis note : « Le Secrétariat général de la Présidence s’empresse d’exprimer ses inquiétudes concernant le silence qui entoure la préparation du Projet de Constitution, qui devait être soumis au référendum le 11 mai 2025, conformément à l’agenda établi par le Comité de pilotage et validé par le Conseil Présidentiel de Transition. Il est regrettable de constater que le Secrétariat général n’a reçu aucun retour de votre part, ni la moindre communication officielle concernant l’état d’avancement de ce Projet crucial. 

Ce silence soulève des interrogations quant à la transparence et à l’engagement des parties prenantes dans ce processus. Le Secrétariat général vous prie de bien vouloir prendre en compte l’urgence de la situation et de lui faire part des prochaines étapes du processus référendaire ». Trois jours plus tard, soit le jeudi 15 mai, une première monture, une sorte de draft  comme on dit en Haïti, a été envoyée aux autorités du Pouvoir exécutif en attendant la vraie copie de « l’avant-Projet de Constitution » qui, finalement, a été rendue, en grande pompe et sous l’œil des caméras et de la presse en général, au Président du CPT, Fritz Alphonse Jean, le jeudi 22 mai 2025. Avant-projet sur lequel nous aurons certainement à revenir plus tard, tant les réactions des uns et des autres sont multiples, fécondes et contradictoires. Comme nous l’avons écrit plus haut, le gouvernement, notamment les membres du Conseil Electoral Provisoire, (CEP) avaient pris au mot le Comité de pilotage qui disait vouloir aller vite afin de rendre le projet de Constitution.

De ce fait, ils avaient fixé la date du 11 mai 2025 pour frapper un grand coup avec l’organisation d’un référendum populaire ayant pour objectif la ratification de la nouvelle Charte fondamentale. Pour ce faire, dès la fin de l’année 2024, le CEP avait travaillé sur un pré-projet de faisabilité de l’opération. Le lundi 30 décembre 2024, il y a eu une rencontre entre Alix Didier Fils-Aimé, le chef du gouvernement, une partie des membres de son cabinet, le Ministre délégué chargé des questions électorales, Joseph André Gratien Jean, et les responsables du Conseil électoral pour faire le point. Ce jour-là, les membres du CEP ne sont pas venus les mains vides.

Ils avaient apporté avec eux quatre dossiers prêts à l’emploi et susceptibles de faciliter l’organisation de ce référendum dont tout le monde parle. Ces quatre documents constituent un mode d’emploi. Il s’agit : « d’un projet de calendrier, une proposition de décret référendaire, un projet de budget et une approche de vote par inscription préalable sur place », d’après ce qui a été annoncé par les dirigeants de l’institution électorale dans une note de presse à l’issue de la rencontre avec le Premier ministre. Rappelons que ce vadémécum du CEP avait été remis le même jour aux dirigeants du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) qui devaient le valider. Surtout, il portait sur des points cruciaux, notamment la logistique, la sécurité, le financement du processus et même la participation de la population. Enfin, il était question que le Conseil Électoral Provisoire soumette les quatre documents aux différents acteurs sociopolitiques du pays afin d’en débattre.

Invité quelques jours plus tôt sur Magik9, le trésorier du CEP, Jacques Desrosiers, faisait une première projection sur différentes régions du pays où il serait possible d’organiser ce scrutin étant donné que l’institution et les autorités politiques s’étaient mises d’accord sur la date du 11 mai 2025. Pour Desrosiers, cela ne devrait poser aucun problème, puisque cela permettrait d’organiser les élections générales entre novembre et décembre 2025. Le trésorier du CEP a même fait un diagnostic de la situation : « Les infrastructures du référendum serviront aussi aux élections, le CEP continue d’évaluer ses infrastructures dans le grand Nord et le grand Sud. S’agissant du département de l’Ouest, le CPT va évaluer ses infrastructures dans la région des Palmes et sur l’île de La Gonâve. À Port-au-Prince, nous évaluons les zones que nous pouvons évaluer. Le CEP compte autoriser les membres de la population détenteurs d’une Carte d’identification nationale (CIN) à participer au référendum là où ils se trouvent sur le territoire national, ce qui permettra de constituer le registre électoral » déclaration de Jacques Desrosiers sur Magik9 reprise par Le Nouvelliste du 3 janvier 2025.

Le 8 janvier 2025, le Groupe de travail sur la Constitution coordonné par l’ancien parlementaire Jerry Tardieu, après plus de trois mois de travail, a, comme prévu, rendu son Rapport aux membres du Comité de pilotage de la Conférence Nationale présidé par l’ex-chef de gouvernement Me Enex Jean-Charles. Ce Rapport est un «  ramassé », un assemblage de propositions venues de partis politiques et de groupes sociaux divergents mais ayant tous un point commun: l’intérêt national, selon les auteurs. Il revêt aussi un caractère particulier étant un outil porteur de l’avis des uns et des autres devant servir à l’élaboration d’une nouvelle Charte constitutionnelle. Tout en félicitant le travail accompli par le groupe qu’il dirigeait, Jerry Tardieu devait rassurer certains que ce Rapport avait été le fruit d’une réflexion collective faite en toute objectivité, voire en toute impartialité, dans la mesure où le texte ne comporte pas d’éléments constitutionnels.

Selon le Coordonnateur du groupe, cette tache revient aux auteurs du futur texte de la Constitution. Il s’excuse presque du fait que le document présenté prenne le contre-pied de ce que beaucoup auraient voulu avoir. Il explique que cette approche a été choisie pour des raisons multiples, entre autres, le respect de la mission. En clair, le groupe devait être impartial dans sa mission. Selon l’ancien député de Pétion-Ville, lui et ses camarades n’étaient pas chargés d’écrire une Constitution, leur mission était de recueillir les vœux des uns et des autres et de faire des propositions. Ainsi, le groupe de travail sur la Constitution a décidé de proposer au Comité de pilotage de la Conférence Nationale, la mise en place d’une « Assemblée constituante » sur le modèle de celle de 1987, pour écrire la nouvelle Constitution. Par ailleurs, le groupe recommandait que le Rapport soit rendu public afin que la population puisse en prendre connaissance avant même la rédaction du document devant servir à l’avant-projet du texte constitutionnel. D’autre part, d’après le Rapport, le groupe insiste sur cette « Assemblée constituante » qui confèrerait plus de légitimité et renforcerait le caractère démocratique du texte qui sera soumis à l’approbation populaire.

Jerry Tardieu et ses collègues ont aussi souligné qu’il a été fort difficile de travailler dans la région métropolitaine de Port-au-Prince compte tenu du caractère d’insécurité qui y règne et dans l’ensemble du département de l’Ouest. Ne pouvant circuler librement avec la restriction de la circulation, ils ont dû limiter leur déplacement. Après la remise du Rapport, sans attendre la décision finale des autorités politiques, c’est-à-dire du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), les 9 membres de l’organisme électoral se sont mis immédiatement au travail, tout au moins ont continué l’opération d’évaluation des bases opérationnelles et des structures de l’institution entamée depuis leur arrivée. Car, Leslie Voltaire, à ce moment Président du CPT, avait déclaré le 1er janvier 2025, lors de son allocution de circonstance à l’occasion du 221e anniversaire de l’indépendance d’Haïti, que « cette année 2025 est une année décisive pour les élections. »  (À….. suivre)

 

 

C.C

 

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