Déjouant les ruses et les raids, Guy Philippe a marchandé pour obtenir une peine plus légère, disent les États-Unis

ILS AJOUTENT QU’IL NE JOUISSAIT PAS D’IMMUNITÉ NI A ÉTÉ MALTRAITÉ

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L’accusé, le trafiquant de drogue Guy Philippe (ci-dessus), se présentait comme un nationaliste plein de défi, un caractère mythique à la Zorro, mais « au cours des onze dernières années il a personnellement contacté divers agents [des Etats-Unis] pour discuter comme se livrer aux États-Unis », a écrit le procureur étatsunien.

Pendant onze ans, les États-Unis ont tenté toutes sortes de ruses, persuasion, négociations et embuscades pour tenter de capturer le chef paramilitaire Guy Philippe après qu’un grand jury de Miami ai émis un acte d’accusation contre lui en novembre 2005 pour trafic de drogue et blanchiment d’argent. Mais tout a été infructueux jusqu’à ce qu’il quitte la bourgade côtière haïtienne où se tenait caché et se risque dans la capitale.

Le procureur des Etats-Unis par intérim, Benjamin G. Greenberg, a énuméré les efforts des autorités haïtiennes et étatsuniennes pour appréhender Philippe, âgé de 49 ans, dans une réponse du 10 mars aux requêtes de son avocat de rejeter les accusations portées contre lui parce que trop de temps s’était écoulé entre l’acte d’accusation et son arrestation du 5 janvier 2017 par la police haïtienne. Philippe, par l’intermédiaire de son avocat Zeljka Bozanic, a également prétendu qu’il ne savait pas qu’il était poursuivi, une affirmation que les États-Unis qualifient de « manifestement fausse ».

Greenberg a également réfuté l’affirmation de Philippe selon laquelle il jouissait de l’immunité parlementaire et qu’il a été maltraité après son arrestation.

Il est toutefois intéressant de noter que Greenberg n’a pas contesté l’affirmation de Philippe selon laquelle, en avril 2006, il est allé à l’ambassade des États-Unis en Haïti, où ils n’ont fait aucun effort pour l’arrêter. En outre, le Département d’Etat des États-Unis n’a pas répondu aux questions de Haïti Liberté sur la véracité de la réclamation de Philippe.

Au début 2006, les Etats-Unis ont donné à Philippe « une lettre d’autorisation de voyage » pour « l’attirer aux États-Unis », mais « ce voyage n’a pas eu lieu », a écrit Greenberg. Il n’est pas clair comment la lettre a été donnée à Philippe ou si elle lui a été remise à l’ambassade des États-Unis.

Greenberg a également souligné un raid « hautement médiatisé » de juillet 2007 sur Pestel « impliquant plusieurs hélicoptères », suivi d’un autre le 28 mars 2008. Les autorités ont ensuite assiégé la zone pendant environ une semaine, mettant en place des « points de contrôle » et offrant « de l’argent pour des informations conduisant à l’arrestation [de Philippe] ».

Un autre raid armé a été tenté le 14 mai 2009, impliquant une « chasse à pied » où Philippe « s’est enfui dans une zone de végétation dense ». Une autre « recherche approfondie » a eu lieu autour de Pestel du 26 au 29 juin 2009, mais a encore une fois échoué.

Un quatrième raid a été tenté le 22 juin 2015, selon Greenberg, mais « les agents se sont heurtés à un barrage routier et ont été forcés d’annuler la mission ».

Néanmoins, la poursuite avait apparemment secoué Philippe. En août 2007, l’avocat de Philippe a communiqué avec l’Agence étatsunienne antidrogue (DEA) pour dire qu’il « se rendrait … si les Etats-Unis acceptaient par écrit qu’il purge moins de trois ans de prison et que les accusations de blanchiment seraient abandonnées », a écrit Greenberg.

Philippe a parlé directement à un agent de la DEA le 9 avril 2008, demandant « comment il quitterait [Haïti] s’il se rendait à l’ambassade des États-Unis », a expliqué le procureur étatsunien. Le lendemain, l’épouse de Philippe a parlé à l’agent, lui posant des questions au sujet de la « condamnation potentielle et du lieu de l’incarcération s’il était reconnu coupable ». Philippe a de nouveau parlé à un agent de la DEA le 17 avril 2008, a écrit le procureur étatsunien, disant « qu’il allait se rendre à l’ambassade des États-Unis dès que sa femme serait prête à aller », proclamant « Je suis un homme de parole ». Il a dit qu’il avait besoin « d’une semaine ou deux », puis en août 2008, a dit la DEA, « Il était prêt à se rendre dans quelques jours. Il ne l’a pas fait ».

En janvier et février 2009, il ya eu une autre vague de contacts et de négociations infructueux entre Philippe et la DEA, selon Greenberg. Le 26 mai 2009, Philippe aurait même contacté un « agent du FBI directement » pour lui dire « qu’il était prêt à se rendre tant qu’il serait traité avec respect ».

Guy Philippe posait comme un nationaliste plein de défi, un personnage mythique de type Zorro, mais il a personnellement « contacté divers agents étatsuniens au cours des onze dernières années pour discuter de sa reddition aux États-Unis », écrit Greenberg. Philippe n’a jamais fait un accord parce qu’il « voulait éviter les poursuites ».

Le procureur des États-Unis a également rejeté l’allégation de Philippe selon laquelle il jouissait d’une immunité parlementaire, affirmant que l’ancien chef de la police et chef «rebelle» « dépeignait faussement son statut comme sénateur haïtien » alors qu’il n’était qu’un « sénateur élu en attente d’assumer sa charge » et ainsi « n’ayant pas droit à avoir l’immunité en vertu de la constitution d’Haïti ».

Quant aux allégations de Philippe selon lesquelles l’un de ses gardes de sécurité a été blessé par deux balles pendant l’arrestation, les États-Unis soutiennent qu’ « aucun blessé n’a été signalé par qui que ce soit ». De plus, contrairement à ce qu’affirme Philippe, « à aucun moment on ne lui a mis une cagoule » et « il a été transporté dans une Chevrolet Suburban avec air-conditionné » pour la plupart des six heures entre son arrestation vers 16h et son embarquement dans un avion étatsunien à destination de la Floride vers 22h.

Dans sa requête du 28 février, l’avocat Bozanic avait prétendu que Philippe avait été « forcé de s’asseoir sur un plancher très chaud du véhicule car le moteur était juste en-dessous de lui [sic] … sans nourriture ni eau ».

En réponse, Greenberg a dit que les « Chevrolet Suburbans ont le moteur à l’avant du véhicule, et non pas sous le plancher », et que quand Philippe a dit qu’il avait faim, « le défendeur a reçu de l’eau et une barre de granola », disant qu’« il était OK » et « plaisantant » avec des agents étatsuniens.

Les États-Unis ont également complètement rejeté les allégations de Philippe selon lesquelles il avait été condamné à mort et maltraité par un comportement « scandaleux », comme étant « non fondées ».

Guy Philippe, à l’origine un soldat dans les forces armées haïtiennes démantelées, est devenu un chef de police éminent qui a fui Haïti après qu’ont ait découvert qu’il préparait un coup d’État contre l’ancien président René Préval en 2000. Basé en République Dominicaine depuis 2001, il commandait quelques centaines de “rebelles” en lançant des attaques meurtrières en Haïti pendant trois ans pour évincer l’ancien président Jean-Bertrand Aristide, que l’ambassade des Etats-Unis, soutenue par une équipe de Navy SEAL, a forcé à l’exil le 29 février 2004. Philippe s’est présenté comme candidat à la présidence en 2006, recevant moins de 2% des voix. Mais il a gagné un siège au Sénat dans l’élection anémique de 2016, où moins de 20% de l’électorat a voté.

(Traduit d’ un article paru le 22 Mars 2017 en anglais Eluding Tricks and Raids, Guy Philippe Bargained for a Lighter Sentence, U.S. Says.)

 

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