De Maria Isabel Salvador à Carlos Ruiz Massieu, l’inutilité du BINUH !

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Mme Maria Isabel Salvador

Après le long règne de l’inusable Mme Helen Meagher La Lime qui a vu l’assassinat du Président Jovenel Moïse, en juillet 2021, une autre femme, Mme Maria Isabel Salvador, avait été nommée, en mars 2023 pour lui succéder à la tête du Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH) par Antonio Guterres, le Secrétaire général de l’ONU et aussi comme sa Représentante spéciale à Port-au-Prince. Un mois plus tard, elle  avait débarqué dans la capitale haïtienne, sans doute, avec plein d’idées dans la tête pour résoudre la crise multisectorielle haïtienne qui perdure. Mais, devant l’inefficacité et l’inutilité de cette mission de l’ONU en Haïti et surtout devant l’absence de partenaires haïtiens capables, cohérents et fiables, cette haute fonctionnaire internationale d’origine équatorienne a vite déchanté et a échoué sur toute la ligne comme tous ceux à qui elle avait succédé.

Plus de deux ans plus tard, elle a dû jeter l’éponge. Tout au moins, l’instance suprême de l’ONU à New York a mis fin à sa mission en Haïti. Au moment de sa nomination et de son arrivée sur la terre haïtienne, on avait écrit qu’il fallait attendre le résultat de son travail avant de porter toute critique sur elle et de faire un bilan de sa gestion compte tenu du contexte sociopolitique et sécuritaire dans lequel elle est arrivée dans le pays. Aujourd’hui, rappelée à New York, Maria Isabel Salvador quitte Haïti dans une situation pire qu’elle l’avait trouvé. Dès son arrivée dans le pays, cette diplomate expérimentée et ancienne ministre des Affaires étrangères de l’Équateur, ancienne parlementaire venue d’un pays qui a aussi connu des crises sociopolitiques, voire ethniques durant de longues années, l’on se mettait à dire que sa gestion de la crise sociétale en Haïti sera différente d’une Helen Meagher La Lime qui a mené sa carrière à Washington. Nous voulons donc juger sur pièce pour nous prononcer. Là, en juillet 2025, il est sans appel. Le constat est désolant.

Carlos Ruiz Massieu, nouveau Représentant du Secrétaire général et chef du Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH)

Le bilan sur un plan général est aussi catastrophique et désastreux que ses prédécesseurs qui n’ont pas su et pu comprendre que personne venue de l’extérieur ne pourra apporter des solutions aux multiples facteurs et maux gangrenant tous les espaces de la société haïtienne. Sa présence en Haïti n’a rien apporté de plus ni de moins dans la résolution de la crise. D’ailleurs, personne dans le pays n’a jamais fait grand cas de son Bureau Intégré qui, en vérité, n’est qu’une officine de plus de l’ONU installée à l’étranger tout juste pour amuser la galerie. Sans but réel, sans mission définie et sans aucun objectif clair, ce BINUH n’est qu’une farce dans un pays en crise permanente où il faudra administrer des remèdes de cheval pour pouvoir le guérir. Ce n’est ni par de beaux discours, comme celui qu’elle a prononcé au moment de faire ses adieux au peuple haïtien, ni en cautionnant des dirigeants malhonnêtes, corrompus et désintéressés du malheur de leur pays juste pour faire valoir que des organisations comme l’ONU, l’OEA, la CARICOM ont leur raison d’être que le peuple haïtien retrouvera sa souveraineté, son indépendance et sa fierté.

Certes, le discours de départ de Mme Isabel Salvador est touchant et plein de références historiques, certainement construit dans le but de toucher la corde sensible des haïtiens, mais cela n’apportera pas ce qu’ils attendent : la paix et ce changement de paradigme leur permettant d’avoir un pays où le développement et la modernisation demeureront les maitres mots comme cela se passe dans tous les pays où l’élite politique, économique et culturelle s’accordent et s’entendent pour donner un vrai projet de société qui placera le pays dans son siècle et ceux à venir. Etant imprégné de l’histoire de notre pays et conscient que ce peuple mérite mieux que ce spectacle morbide et honteux qu’offre cette classe de politiciens incompétents et sans scrupules à la contemplation des autres, comment ne pas être d’accord avec l’ex-Représentante spéciale du Secrétaire général de l’ONU en Haïti quand elle note dans son message ces mots si émouvants, pleins de vérité et de bon sens:  « Alors que je termine mes fonctions en tant que Représentante spéciale du Secrétaire général en Haïti, c’est avec beaucoup d’émotion que je vous adresse ces mots. Haïti est un pays qui m’a profondément touchée par la chaleur de ses habitants, leur courage et leur détermination à avancer malgré les défis. J’ai rencontré des femmes et des hommes de tous horizons, porteurs d’espoir, d’idées et d’une volonté inébranlable de construire un avenir meilleur pour ceux qui viendront après. (…) Le peuple haïtien porte un héritage unique reçu de vos ancêtres, qui perdure dans le profond de l’âme des hommes et des femmes d’Haïti. Cet héritage n’est pas seulement un souvenir héroïque dont il faut être fier, il est l’esprit d’Haïti pour aller de l’avant, vers l’utopie qui permet d’avancer, pour construire le pays dont vous devez rêver ensemble car il est possible : un Haïti plus équitable et solidaire, un Haïti de paix, de justice et d’unité. Cette construction n’appartient qu’à vous. 

(…) Je pars avec le cœur rempli de respect et d’affection pour ce pays magnifique et son peuple. Je garderai toujours dans ma mémoire les sourires, les échanges sincères, les critiques constructives et la puissance de votre culture et de votre identité, qui est votre force. Je vous remercie pour tout ce que vous m’avez appris » message publié sur le compte officiel X du BINUH le lundi 30 juin 2025. Une page qui se referme donc laissant Haïti et son peuple toujours dans le même désarroi et l’incertitude du lendemain avec des dirigeants qui ont fait preuve de leur manque de compassion et surtout de leur aptitude à entrer dans la peau des traitres à la nation pour avoir priorisé leurs intérêts personnels à celui du bien commun. En disant au revoir à Mme Maria Isabel Salvador, les Haïtiens disent bonjour à son successeur qui est aussi un latino-américain, plus précisément un mexicain. En effet, c’est le diplomate Carlos G. Ruiz Massieu qui a été désigné le mercredi 2 juillet 2025 par le Secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, pour être le nouveau visage de cette organisation internationale en Haïti et aussi le nouveau patron de l’inutile Bureau Intégré des Nations Unies en Haïti (BINUH).

Ce diplomate et politique chevronné du Mexique arrive à Port-au-Prince à un moment crucial dans la crise haïtienne où pratiquement tous les clignotants s’affichent en rouge. Si au sein du Conseil Présidentiel de Transition (CPT) rien ne va et tout est paralysé par une guerre larvée entre les 9 Conseiller-Présidents, d’un autre côté, une bonne partie des signataires de l’Accord du 3 avril 2024 appelle à la rescousse, une nouvelle fois, la Communauté internationale, à travers la CARICOM, afin de tenter de modifier le Conseil. Plusieurs rencontres ont déjà eu lieu dans le cadre de cette nouvelle dynamique que veulent apporter les parties prenantes de l’Accord et d’autres rencontres sont prévues avec le Groupe des Eminentes Personnalités (GEP) de la CARICOM pour arriver à convaincre les trois Conseillers Présidentiels accusés de corruption dans l’affaire dite de la BNC de démissionner.

Sans but réel, sans mission définie et sans aucun objectif clair, le BINUH n’est qu’une farce dans un pays en crise permanente

C’est dans ce contexte politico-diplomatique on ne peut plus nauséabond qu’arrive dans la capitale haïtienne M. Carlos Massieu pour prendre en charge les multiples dossiers en cours relatifs à une crise sociopolitique dont personne ne peut prédire la fin tant les protagonistes, notamment les 9 membres du Collège présidentiel, ne veulent rien lâcher de leurs avantages et de leurs privilèges en tant que membres du pouvoir Exécutif.

Ce nouveau Représentant du Secrétaire général et chef du BINUH peut-il réussir là où bien d’autres avant lui sont montés sur des récifs pourtant aussi visibles qu’imprévisibles que l’iceberg qui a mis à l’eau le célèbre Titanic ? Il paraît que ce mexicain, compatriote du célébrissime Pancho Villa qui en a vu d’autres en Amérique centrale et du Sud avec des conflits armés entre le gouvernement colombien et la guérilla des FARC-EP, tiens donc !, pourrait y faire face. D’après Antonio Guterres, son nouveau visage en Haïti est assez équipé intellectuellement et renforcé par son expérience dans la gestion des crises politiques et militaires pour affronter celle d’Haïti que certains croient sans issue dans la mesure où, de part et d’autre des acteurs, la volonté de mettre fin à cette crise n’y est pas.

En tout cas, selon le communiqué signé du porte-parole du patron de l’ONU officialisant sa nomination en lieu et place de Maria Isabel Salvador, on peut lire ceci le concernant: « Diplomate de carrière distingué, M. Ruiz Massieu a occupé différents postes au sein du gouvernement mexicain avant de rejoindre les Nations Unies, notamment à la Mission permanente du Mexique auprès des Nations Unies. M. Ruiz Massieu est diplômé en droit de l’Université ibéro-américaine de Mexico et titulaire d’une maîtrise en sciences politiques de l’Université d’Essex, au Royaume-Uni, avec une spécialisation en Amérique latine. Outre l’espagnol, il parle anglais et français.  M. Ruiz Massieu apporte à ce poste plus de 30 ans d’expérience dans la fonction publique et la diplomatie, tant dans des contextes bilatéraux que multilatéraux. Représentant spécial du Secrétaire général en Colombie depuis 2019, il a dirigé la Mission de vérification des Nations Unies en Colombie, surveillant la mise en œuvre de l’Accord de paix entre le Gouvernement colombien et la guérilla des FARC-EP.

Il a fourni ses bons offices et exercé un leadership politique lors des récents dialogues de paix entre le Gouvernement colombien et l’Armée de libération nationale, ainsi qu’avec d’autres groupes armés illégaux. Avant cette affectation, il a présidé le Comité consultatif pour les questions administratives et budgétaires de l’Assemblée générale de 2013 à 2018 ». A en croire ce bio-express de Carlos Massieu, il a la carrure pour ce poste. Il lui reste maintenant à faire ses preuves sur cette terre inconnue et rebelle où rien ne se passe comme ailleurs, pas même en Colombie où il a remporté des succès indiscutables. Si l’on se base, en effet, sur le fait que depuis des années déjà les autorités colombiennes avec le soutien de ce diplomate s’étaient faites une raison : il fallait s’asseoir et négocier avec les groupes armés en vue de ramener la paix, une paix durable au peuple colombien, alors il y a de quoi espérer.

Car le résultat de cette décision politique et visionnaire à la hauteur de femmes et d’hommes d’État pour le bien et la prospérité de leur pays est là, un ex-guérillero, Gustavo Petro Urrego, est élu Président de la République en 2022 après avoir été élu Maire de Bogota, puis sénateur de la République. C’est lui Gustavo Petro, ancien membre d’un groupe armé, devenu chef d’État qui a fait une visite historique à Jacmel, Haïti, le mercredi 22 janvier 2025 pour renforcer le lien fraternel et de reconnaissance éternelle de la Colombie aux Haïtiens pour avoir aidé les libérateurs Francisco de Miranda et Simon Bolivar à libérer la grande Colombie (Equateur, Colombie, Panama, Pérou, Venezuela et la Bolivie) du joug de l’occupation espagnole à la fin du 19e siècle. Lors de cette visite sur la terre du général Magloire Amboise, l’ex-guérillero devait déclarer devant la population jacmelienne et en présence des autorités, notamment Leslie Voltaire, Président d’alors du CPT : « Nous nous trouvons exactement là où Francisco de Miranda et Simón Bolívar, pleins de rêves et peut-être de peurs, sont partis. Ils ont dormi ici, dans ce village. Ils ont cherché du soutien, l’ont trouvé, puis sont partis à la conquête de la liberté sur notre continent, dans nos terres, nos montagnes, nos plaines, et nos plages magnifiques. Ils ont annoncé au monde que l’heure de la liberté était arrivée, inspirés par vous, le peuple haïtien, qui avez réalisé l’une des révolutions les plus grandes et les plus profondes au monde ». Alors, peuple haïtien, il n’est pas trop tard pour refaire l’histoire avec un grand « H » en libérant d’Haïti de ses néo-colons et de retrouver notre dignité et notre fierté.

C.C

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