Nous sommes le mercredi 7 juillet 2021. Il est cinq heures du matin. Doucement, Haïti se réveille. Lentement, les stations de radio s’apprêtent à ouvrir leurs matinales d’informations quotidiennes. Quand soudain, la nouvelle tombe comme une bombe : le Président de la République, Jovenel Moïse, aurait été assassiné chez lui à Pèlerin 5 par un commando aux environs d’une heure du matin. Aussitôt, toutes les rédactions se mobilisent et se mettent en quête de vérification de la nouvelle. A la vérité, alors même que l’information a été vérifiée par diverses sources crédibles, éditorialistes, journalistes et commentateurs politiques, reporters, tous refusent de croire à la véracité de l’incroyable nouvelle. Ils restent donc prudents. Certains refusent même d’annoncer la terrible nouvelle. Incrédule, aucun professionnel de la presse ne veut imaginer un scénario catastrophe de ce genre. Pourtant, dans la capitale haïtienne et même dans tout le pays, à travers les réseaux sociaux, la nouvelle se répand comme une trainée de poudre au sein de la population.
Et au fur et à mesure que le jour se lève sur Port-au-Prince, la nouvelle de l’assassinat du chef de l’Etat ne cesse d’être confirmée par les plus hautes autorités de l’Etat et des membres du gouvernement. Oui, une fois encore, la République vient d’être frappée par une nouvelle tragédie politique. Un Président de la République en exercice a été assassiné. Le 5e en l’espace de trois siècles. Ce drame national vient nous rappeler qu’il y a 215 ans déjà la Nation fût touchée par la première tragédie politique de son histoire, c’était celle du 17 octobre 1806. Oui, le 7 juillet 2021, le Président de la République en exercice, Jovenel Moïse dit « Nèg bannann nan », est bel et bien assassiné comme un citoyen lambda sur son lit dans sa chambre à coucher et son épouse Martine, la Première dame, est grièvement blessée. Depuis l’annonce de ce nouveau drame national, si Haïti garde un silence plus qu’inquiétant, la vie dans la Cité n’est plus la même. La stupeur a envahi presque la totalité de la population. Du plus petit au plus grand, des partisans les plus dévoués du pouvoir aux oppositions les plus hardies du chef de l’Etat, c’est le choc. L’incompréhension !
C’est d’autant plus ahurissant pour cet assassinat qu’il n’y a eu aucune autre victime ni blessé, à part, bien sûr, l’épouse du Président qui, finalement, a eu la vie sauve et l’on se demande encore par quel miracle. La journée du 7 juillet 2021 a été le jour où le pays a basculé dans une frénésie de questionnements dont on attend toujours et encore les multiples réponses qui éclairciront sans doute les raisons pour lesquelles Jovenel Moïse a été tué et si sauvagement mutilé à la vue des photographies de son cadavre en circulation sur les Réseaux sociaux. Si personne ne se doute pourquoi ce Président qui suscitait tant de clivages politiques et qui avait beaucoup d’ennemis dans divers secteurs a été lâchement massacré, l’interrogation qui domine la société et même à l’International c’est : qui a pu monter un tel coup et le réussir avec autant de brio si on ose le dire ? Les questions sont d’autant plus pertinentes, comme on l’a dit plus haut, pas un chat n’a été égratigné lors de l’attaque.
Même les deux chiens, dont un aveugle, que possède le couple présidentiel dans la résidence n’ont pas aboyé ce soir-là. Alors que les rafales assourdissantes d’armes automatiques des mercenaires pleuvaient sur le quartier de Pèlerin en général et la rue où habite la famille présidentielle, Pèlerin 5 en particulier. La première des questions et la plus légitime, la plus lucide, la plus logique paraissant pour tout le monde d’une simplicité déroutante était où étaient passées les gardes de sécurité du chef de l’Etat au moment où les assassins se livraient à tout ce vacarme en pénétrant dans le périmètre de la résidence ? Quand on sait que même les cortèges de ministres, des diplomates et tout autre officiel pour y avoir accès il faut présenter patte blanche. Selon les vidéos devenues virales sur la toile, on a un petit aperçu de la manière dont le commando s’y est pris. Mais cela n’explique pas tout sinon n’explique rien du tout.
Même aux Etats-Unis d’Amérique les agents Fédéraux de la DEA et de n’importe quelle Agence Fédérale ou forces de police d’ailleurs (FBI, CIA et autres) ne peuvent pénétrer comme bon leur semble dans n’importe quelle administration ou institution publique.
La vérité est que pas un coup de feu n’a été tiré de la part des agents de sécurité du Président de la République alors même qu’il se faisait descendre comme un chien dans son lit aux environs d’une heure du matin. Curieux ! Mystère ! Bien sûr, le bataillon de mercenaires qui se faisaient passer pour des agents fédéraux américains de DEA, l’Agence antidrogue, criaient : « ne tirez pas », « ne tirez pas », « nous n’avons rien contre vous », « ne tirez pas », « DEA opération, ne tirez pas » etc. Mais quand même ! Un moment il faut être sérieux. Enfin ! Comment des policiers spécialisés chargés de la protection d’un Président de la République sur son territoire puissent tomber dans ce panneau aussi simpliste, aussi banal, aussi invraisemblable ? Cela ressemble plus à un marché de dupes qu’à une réalité qui, pour le moment, échappe à tous sauf naturellement aux commanditaires de ce meurtre politique exécuté de façon crapuleuse et sadique sur la personne du Président de la République.
Dans ce qui ressemblait à un dilemme cornélien pour les policiers de sécurité à ce moment précis, deux hypothèses peuvent être avancées en guise de réponse : Premièrement, soit les trois corps de policiers faisant partie des unités spécialisées de la police nationale haïtienne USGPN (Unité de Sécurité Générale du Palais National), USP (Unité de Sécurité du Palais), et Cat Team qui constituent les entités qui protègent et sécurisent le chef de l’Etat et sa résidence publique, le Palais national, et privée, sa maison personnelle, avaient reçu l’ordre de leurs commandants hiérarchiques de laisser faire les assaillants, c’est-à-dire, en obéissant et exécutant à la lettre les injonctions des faux agents fédéraux de la DEA qui étaient soi-disant en opération. Ces trois unités d’élite de la police haïtienne étaient commandées respectivement au moment des faits, par : Dimitri Hérard, Léandre Pierre Osman et Paul Eddy Amazan, le tout coordonné par le Commissaire divisionnaire Jean Laguel Civil.
Donc, puisque nous sommes dans des suppositions jusqu’à maintenant, les trois, voire les quatre responsables de sécurité du Président Jovenel Moïse savaient que ce soir-là il allait y avoir une intervention à la résidence du Président de la République. Peut-être, ces pauvres policiers, en nombre de 24, en service le soir du 6 au 7 juillet 2021, ne s’attendaient point, voire ignoraient complètement qu’il s’agissait de l’assassinat du Président Moïse qu’ils cautionnaient en se faisant complices, malgré eux, de leurs chefs hiérarchiques qui eux, font bel et bien partie des comploteurs. Sinon, il n’y a aucune raison valable ni alibi possible pour que 24 policiers des unités d’élite, hautement préparés pour ce genre de situation, restent les bras croisés au moment où le premier citoyen de la Nation se fait assassiner par un groupe de mercenaires étrangers comme un mouton qu’on sacrifie sur l’autel de rivalité politique, d’intérêts économiques et d’ambition de pouvoir. C’est l’enquête qui le dira. En tout cas, la Nation demande des comptes. Elle attend avec curiosité et impatience les conclusions de cette quête pour la vérité et pour l’histoire.
Faut-il le rappeler au passage que la République Dominicaine est depuis toujours une véritable base arrière pour tous ceux qui ont l’intention de déstabiliser Haïti.
Deuxièmement, si les trois entités spécialisés de la police chargées de la protection du Président pouvaient tomber sciemment dans ce piège, dans cette fable de DEA et laissaient passer tranquillement le commando aller tuer le chef de l’Etat par le seul fait que ces membres s’identifient comme étant des membres de l’Agence américaine antidrogue, c’est grave. Nous dirons que c’est encore plus grave que la trahison si c’en est une. Puisque, dans ces conditions, aucun chef d’Etat d’Haïti n’est à l’abri. Alors comme ça, il aurait suffi qu’un groupe d’individus décide de s’en prendre à n’importe quelle autorité du pays y compris le Président de la République en s’affublant du titre de membres de la DEA américaine pour que les forces publiques : la police, l’armée, Service d’intelligence les laissent passer sans même exiger de voir leur autorisation ou de s’informer auprès de leurs chefs hiérarchiques pour savoir de quoi il retourne. Franchement, on ne comprend pas ce raisonnement. Même aux Etats-Unis d’Amérique les agents Fédéraux de la DEA et de n’importe quelle Agence Fédérale ou forces de police d’ailleurs (FBI, CIA et autres) ne peuvent pénétrer comme bon leur semble dans n’importe quelle administration ou institution publique.
Ils sont tenus de présenter ou décliner au préalable leurs identités ou spécifier la mission pour laquelle ils sont présents. Tout ceci pour des raisons justement de sureté et de sécurité publique. Alors, voire que des individus s’approchent de très près de la résidence des hauts fonctionnaires de police, de l’armée, des Parlementaires, du gouvernement fédéral sans parler du Président ou du vice-Président des Etats-Unis pour quel que motif que ce soit. Surtout en tirant des rafales d’armes automatiques sous prétexte qu’il s’agissait d’une opération de police ou de Douane ou de la DEA à la recherche d’individus ou de trafiquants. Impensable ! Alors comme ça en Haïti, les forces de police auraient pour consigne de ne pas riposter, ni entraver les opérations de police, du FBI ou de la DEA et ce quel que soit l’endroit où ces agences étrangères opèrent même s’ils devaient s’en prendre directement au Président de la République. En vérité, cela nous dépasse et nous indigne. Les forces de sécurité des plus hautes autorités du pays (gouvernement, parlementaire et judiciaire) et bien entendu du chef de l’Etat et du Premier ministre ne savent pas qu’elles ne doivent obéir qu’aux autorités haïtiennes qui les commandent effectivement.
A bien comprendre ce qui s’est passé le 7 juillet 2021 en Haïti, les trois unités spécialisées de la police nationale haïtienne (PNH) qui assurent la sécurité et la protection des hauts dignitaires de l’Etat y compris celui exerçant le pouvoir suprême dans ce pays en particulier ont pour consigne de ne pas s’interposer ni empêcher l’arrestation, l’enlèvement ou l’assassinat de ces personnalités qu’ils ont sous leurs responsabilités dès qu’il s’agit d’une police étrangère. Mais de quelle autorité émane cet ordre absurde et dangereux ? Qui a donné cette consigne stupide ? Donc le chef de l’Etat, le Premier ministre et les membres de son gouvernement, le Président de l’Assemblée Nationale et les parlementaires, le Président de la Cour de cassation et l’ensemble des membres du corps judiciaire, etc peuvent être arrêtés, enlevés, tués par n’importe quel agent d’une Agence Fédérale des Etats-Unis, de France, du Canada et pourquoi pas de la République Dominicaine sans qu’aucun policer ne puisse s’opposer ni même demander de voir l’ordre de mission.
On nage en plein délire dans ce pays.
Faut-il le rappeler au passage que la République Dominicaine est depuis toujours une véritable base arrière pour tous ceux qui ont l’intention de déstabiliser Haïti. Cela a été d’ailleurs illustré par le développement des derniers évènements avec la révélation des enquêteurs sur l’assassinat du chef de l’Etat. Bien que ce soit contredit par le journal The Washington Post qui informe que la rencontre de planification de l’assassinat du Président haïtien par Christian Emmanuel Sanon avait eu lieu de préférence dans une salle de Conférence à Fort Lauderdale en Floride, non en République Dominicaine, alors que la police haïtienne confirme que c’est bien dans un hôtel de la capitale de ce pays, Santo Domingo, qu’a été mis au point le plan du meurtre du Président haïtien par un groupe très hétéroclite composé : de politiciens haïtiens, de banquiers américains, d’hommes d’affaires haïtiens et de colombiens, pour ces derniers tous des anciens des forces spéciales de l’armée colombienne. (A suivre)
C.C