Adye, nous sommes mêlés

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Laurent Lamothe, Michel Martelly, Pierre Richard Casimir : un trio de corrompus que les évêques et le cardinal Langlois devraient épingler.

Se nan pa prese an n gade

ki fè de yè a kounye 

vakabon ak sikile”          Manno Charlemagne

 

          J‘aurais bien pu titrer le texte: adye nou mele. Mais ce n’est pas la première fois que j’exprime , dans cette rubrique, mon plaisir fantasmatique et presque sadique à tordre le cou à la langue française; à lui faire épouser, de force, le moule de mon imaginaire; à la coincer dans la diagonale de désirs conscients ou inconscients; à lui lancer: Blan franse, voici ton cigare, men siga w ; à la prendre au collet pour lui rappeler les cruautés qu’elle a recouvertes de jolies phrases sonores mais combien creuses. Je l’aurais même toufounen pour tout le mal caporalisant fait au cerveau de maints compatriotes. Toutes ces pulsions me roulent dans les veines comme une sorte de dernière salve devant Vertières, en fait comme un tardif coup de grâce à la valetaille colonialiste.

De quelque côté que l’on se tourne, on se rend compte que ça ne file pas bien dans nos sociétés. Les accrocs à la droiture, à la rectitude, à l’honnêteté, à l’équité, à l’honorabilité, à la moralité, à la justice, au bien-vivre, aux bonnes manières, à la simple décence, au bon sens, abondent et on ne peut

échapper au sentiment que le bateau de notre humanité prend l’eau de tous côtés. Il est bien temps qu’on essaye de le colmater, mais on a l’impression que les colmateurs en charge du navire s’en fichent comme d’une guigne. “On discute, on s’indigne, on ferme le journal, puis on finit par trouver ça normal”.

À la télé il en prend toutes sortes de journalistes, d’analystes, de spécialistes, de polémistes, de nouvellistes, de panégyristes, d’analyseurs, de commentateurs, de raconteurs, de présentateurs, d’interprétateurs, d’observateurs, d’explicateurs, d’interviewers, de reporters, de palabreurs, de laudateurs, de détracteurs, de moralisateurs et de je ne sais combien de bavardeurs pour “faire le point sur la situation”, faire passer leur propre ligne d’action enrobée de mielleuse démagogie, induire en erreur, négliger les vraies questions qui intéressent le quotidien de ceux qui travaillent dur, pour verser dans le baratinage, les papotages, les parlotages, le bavardage, sans oublier les tripotages de bas étage. Nous devons faire attention aux raconteurs de balivernes, autrement nous sommes mêlés.

Voilà que la vertueuse, moralisatrice, prude, pudibonde, puritaine Amérique s’embourbe depuis quelque temps dans maints scandales où s’y perdent les gens honnêtes, sensés, avisés, lucides, raisonnables, honorables, respectables. Ainsi, un candidat à la présidence de ces États-mal-Unis, s’est révélé être un amateur, un chasseur, un pourchasseur, un pourfendeur, un saisisseur, un attrapeur,  un empoigneur de fesses, de cuisses et de sexe féminins. On a bien entendu la voix du dévergondé sur cassette, publiquement il s’est confessé être un grand cuissard et fessard devant l’Éternel, il a même demandé pardon. Voilà qu’à la grande stupéfaction de Dame Moralité, une année plus tard, le mec met en question “l’authenticité” (sic) de … sa prore voix. Du vrai adye nou mele, nous sommes mêlés.

Le cardinal Langlois à côté du bouffon Martelly couvrant de son “autorité morale” la mascarade qui a abouti à l’Accord de El Rancho.

Ce candidat devenu président malgré les dénonciations de quatorze femmes molestées, pourchassées, tripatouillées, empoignées, a trouvé un compétiteur (moral) en la personne d’un autre candidat lancé dans une  course électorale pour se faire élire sénateur de l’État d’Alabama. L’homme est un rat d’église, un tcwhòtchwòwè de la parole de Dieu, un pòtdrapo de la Bible. Mais voilà que le saint homme était aussi un admirateur des rondeurs et saillies du sexe opposé, un grand empoigneur de devantures féminines et même un pénétrateur de fillettes, bref, un pédophile, un féminophile, un vaginophile, un fessophile. Face aux accusations, dénonciations, insinuations et allégations d’une demi-douzaine de femmes, l’amateur de “boumba chargé de victuailles” n’a pas arrêté de se confondre en véhémentes protestations et dénégations indignées. Où vont-nous? Et ne sommes-nous pas mêlés?

Et ce n’est pas seulement dans l’univers politicien américain que la course au sexe en cachette se livrait à bride abattue, à flamberge déployée, le monde hollywoodien, le monde artistique et le monde des médias ferraillaient aussi, fermement, sous la bannière du dous-pou-dous, du je veux-ton-bonbon, fût-ce même au prix de menaces, de chantages, d’intimidations, de vilénies et de mille autre viles friponneries. Tel présentateur se présentait nu devant des filles éberluées par l’audace du sans-aveu. Tel autre envoyait comme cadeau à une fille aux rondeurs chaloupantes un pénis enrobé de vanille et de sucre. Tel autre sans vergogne se masturbait à perdre souffle espérant ainsi séduire (sic) une jeune employée abasourdie par le côté abject, sweetmickyste d’un acte aussi méprisable. Nou mele, nou mele, kongo!

L’actuel président des États-mal-Unis a réussi le tour de force de gouverner, de penser, de ruminer son action politique par tweets, de mentir à tour de bras sans se gêner; de nier les réalités politiques autour de lui; de s’obstiner même en dehors de tout contexte approprié à douter de la citoyenneté américaine de l’ancien président Obama dont la couleur de la peau et son passage à la Maison Blanche sans grand scandale nuisent à l’honneur et au prestige du grand empoigneur de sexe féminin, pour reprendre les propos de Toussaint Louverture.

Réchauffement de la planète? Pour l’actuel président des États-mal-Unis, il s’agit d’un canulard, d’une bourde, d’une blague, d’une mauvaise plaisanterie, de trucs éculés, de complots fomentés par la “gauche libérale”, par les Démocrates, pour ne pas dire par Hillary Clinton elle-même, Hillary la perfide, la véreuse, la ténébreuse, la fielleuse, la ruseuse qui conspirait dans l’ombre pour lui voler les élections présidentielles de 2016.

Malhonnête comme lui seul, refusant toutes les réalités scientifiques établies par des scientistes de renom et de partout, le mec s’obstine à nier le réchauffement de la planète, jusqu’à signifier, unilatéralement, le retrait américain de l’accord de Paris approuvé en 2015 par l’ensemble des 195 délégations présentes et entré en vigueur en novembre 2016. Peu importe la violence meurtrière des ouragans Harvey et Maria qui ont dévasté le Texas et Porto Rico, respectivement. Le réchauffement n’a rien à y voir. Point barre, comme dirait un certain président.

Peu lui chaut la fonte de la banquise et des calottes polaires. Peu lui importe que la calotte glaciaire ait fondu deux fois plus vite entre 2003 et 2010 que durant tout le XXè siècle. Le mec est imperméable au phénomène El Niño qui revient aux environs de Noël à une fréquence irrégulière de 2 à 7 ans, provoquant de fortes inondations en Amérique du Sud, déclenchant des feux de forêt monstrueux en Australie. Lors de l’épisode climatique de 1997-1998, il y a eu 24 000 victimes et 34 milliards de dégâts. Mais Donald s’en fiche et les peuples sont en danger de mort. Adye, nou mele, nous sommes mêlés.

L’actuel président américain est, on peut dire, un “malheur ambulant” qui n’a pas arrêté de  commettre gaffes et bévues, de se laisser aller à de grossières inélégances quand ce ne sont pas de vraies couillonnades. Xénophobe, il vient de porter un sale et rude coup aux immigrants qui bénéficiaient jusque-là des avantages du Temporary Protected Status (Statut de Protection Temporaire), particulièrement 58 000 familles haïtiennes.

Ce ne sont pas des gens vivant aux crochets d’institutions gouvernementales. Au contraire, ils sont utiles à l’économie des États-mal-Unis de Donald Trump, plus précisément à l’économie du Massachussets, selon Brian Concannon originaire de cet État, et directeur de l’Institut pour la Justice et la Démocratie en Haïti (IJDH). Le sursis accordé aux Haïtiens prenant fin en Juillet 2019, ce sont des milliers de familles haïtiennes installées aux États-mal-Unis qui espèrent que le TPS leur serait accordé aussi longtemps que la situation en Haïti restera désastreuse. Or tous les indices montrent que en terme de normalisation économique d’Haïti ce n’est pas demain la veille. Si jamais ces familles doivent retourner en Haïti, elles tomberont dans un vrai adye nou mele.

Je lis dans la presse haïtienne que le 29 novembre écoulé a eu lieu la messe inaugurale de la neuvaine de l’Immaculée Conception, et que “l’Église a remis le pays à Dieu” (sic). Les 10 évêques des dix diocèses du pays se sont réunis au stade Sylvio Cator, lors d’une cérémonie eucharistique spéciale. L’intention n’était autre que de présenter à Dieu (resic) un pays miné par des querelles intestines”, en fait intestinales, devrait-on dire, puisque la plupart de ceux qui détiennent le pouvoir ne sont intéressés qu’à leur jabot, leur ventre et, pour beaucoup d’entre eux, leur bas-ventre.

“Les dix évêques ont offert à Dieu nos misères, nos souffrances. Ils lui ont demandé de poser ses yeux miséricordieux sur nous”, rapporte la presse. Depuis le concordat sous Geffrard, c’est seulement ce que fait le clergé catholique: “offrir à Dieu”, et pourtant rien n’y fait. Entre-temps, ce monde-là mange bien, yo bwè bon diven, yo gra kou chat pè depuis l’alliance concordataire du sabre et du goupillon, et le petit peuple reste toujours Gros-Jean comme devant, s’éreintant, suant, soufflant, priant, attendant, espérant, désespérant, pleurant, gémissant, geignant, s’arrachant les cheveux jusqu’à devenir chauves de misère, de faim, de maladies et de désespoir.

Dans son homélie, le cardinal Langlois a rappelé que “La corruption gangrène nos institutions…Il faut combattre l’impunité, mettre la justice en mouvement…Tout le monde doit s’impliquer…” Langlois a beau jeu maintenant de pavoiser, sermonner, fustiger, semoncer, moraliser, lui qui s’était prêté avec tant de zèle à la mascarade qui a abouti à l’Accord de El Rancho, sorte de chronique  d’un fiasco annoncé, pour sortir le grand corrompu Michel Martelly du pétrin politique dans lequel se démenait désespérément son pouvoir. Allons, Langlois, manyè al dousman!

Les médias rappellent que “En 1882, la petite vérole décimait les familles haïtiennes. Lors, les évêques, en communion avec les prêtres, par l’intercession de la Vierge Marie, avaient imploré miséricorde pour Haïti”. Les annales de l’histoire religieuse d’Haïti, depuis, rapportent qu’il y a eu le “miracle de la guérison” de la petite vérole (ou variole) en Haïti. Il n’en est absolument rien. Comme toutes les épidémies d’origine infectieuse, la maladie a fait son cours jusqu’à extinction.

La peste noire aurait décimé plus de la moitié de la population européenne de 1347 à 1351, ou environ 25 millions de victimes. La grippe espagnole de 1914 à 1918 a fait jusqu’à 100 millions de morts à travers le monde. Ces épidémies ont fait leur cours et se sont éteintes.  Depuis 1981, le sida considéré comme une pandémie mondiale aurait causé plus de 30 millions de morts à travers le monde. Nulle part, l’histoire médicale ou religieuse ne rapporte de “miracle de guérison”. Point. En passant, on aurait sacrément besoin d’un miracle en Haïti pour prendre pour arrïter le cours du choléra. Kote ou kadinal Langlois? Où sont et que font les évêques?

À jouer à “ainsi font, font, font les petites marionnettes?”

Tout près de nous, la révolution cubaine a par contre fait de vrais miracles, je veux dire, a accompli de très grandes réalisations, tangibles, pour mettre fin aux misères et aux souffrances du peuple cubain, ce grâce à la volonté politique, à la force morale et au patriotisme aux couleurs socialistes des dirigeants cubains. La révolution bolivarienne les a suivis pied pour pied, la Bolivie d’Evo Morales, également. C’est la raison pour laquelle l’impérialisme yankee veut les mettre à genoux. C’est la contagion de l’exemple qui effraie le monstre capitaliste.

Voilà que en 2017, au lieu d’inciter nos dirigeants à un minimum de gestion rationnelle, de rigueur administrative, de pudeur; au lieu de dénoncer nommément les corrupteurs et les corrompus, de Martelly et Lamothe à Roosevelt Bellevue, en passant par Pierre Richard Casimir; au lieu d’inciter les masses citadines à croire en leur propre force et non pas nan lapriyè, à s’organiser en comités de quartier, les masses paysannes à être d’authentiques “gouverneurs de la rosée”, tous joignant leur force avec des hommes et des femmes politiques encore crédibles, patriotes et progressistes, les évêques en sont encore, tristement, ingénument, pouriennement, en-ce-n’est-riennement, à “implorer miséricorde” pour Haïti “beaucoup plus malade qu’en 1882”. Que la vierge me timène, adye nou mele.

Le cardinal Langlois crie sur tous les toits de “mener la guerre contre l’impunité, la corruption, la pauvreté… où chacun apprend à se responsabiliser” , blablabla; que n’a-t-il remis le Sénat à Dieu et à la Vierge Marie, le jeudi 30 novembre écoulé pour porter les “zhonorables” sénateurs à se rencontrer en séance plénière et décider de l’avenir du rapport de la commission spéciale chargée d’approfondir le rapport d’enquête de la Commission Éthique et Anticorruption du Sénat relatif à l’utilisation du fonds PetroCaribe? C’eût été super. Mais, zafè enterè ti nèg pa zafè Bondye ni lavyèj. Le Sénat et à sa tête Youri Latortue se sont défilés ce jeudi 30 novembre. La séance a été renvoyée sine die. Sans intervention divino-virgino-mariale, ça a l’air que adye nous sommes mêlés, nou mele.

Langlois et les évêques doivent rire sous cape de savoir que le rapport d’enquête de la Commission Éthique et Anticorruption du sénat a épinglé une quinzaine de ministres, dont deux anciens Premiers ministres, ainsi qu’une dizaine d’entreprises haïtiennes et dominicaines, mais que de façon étrange, tout ce beau monde au passé ministériel un peu trouble est accusé des mêmes délits de “forfaiture, concussion, détournement de fonds publics, soustraction de deniers publics”.

On voit difficilement Marie Carmelle Jean Marie, Florence Duperval Guillaume, Stephanie Balmir Villedrouin ces trois vertueuses, ces trois “permanentes” du régime corrompu de Martelly se laisser coller les étiquettes de  fraudeuses, détrousseuses, fricoteuses, détourneuses, concussionneuses, magouilleuses, resquilleuses, visyèz, sans crier à l’outrage. Déjà, Wilson Laleau se dit “clean”et Laurent Lamothe a crié au scandale. Je vous parie que tout ce tambourinage sénatorial, ce montage théâtral à l’avantage électoral présidentiel futur de Youri Latortue, va finir en queue de poisson. Tous ces présumés corrompus vont bien s’en tirer, auquel cas, adye nous sommes mêlés, vremanvre nou mele.

 

12 décembre 2017

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