Entrevue retrouvée sur la berge de l’occupation étrangère… (Gérard Pierre-Charles au micro de Robert Lodimus à Ces mots qui dérangent)

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M. Gérard Pierre-Charles

Mise en contexte

Dans Les misérables, Victor Hugo souligne : « Les villes font des hommes féroces, parce qu’elles font des hommes corrompus. La montagne, la mer, la forêt, font des hommes sauvages. Elles développent le côté farouche, mais souvent sans détruire le côté humain. » Le fonctionnement actuel des sociétés mondiales remet en question cette observation du romancier-poète. Partout, y compris au pays des Haïtiens, la nature a croisé la ville avec la montagne et le reste, pour accoucher d’un monstre. La corruption et la sauvagerie se réunissent en un seul individu. Et les deux phénomènes ont donné naissance à la race des « politiciens » voraces, despotiques et sanguinaires.

En 1990, Haïti a vécu un vrai conte de fée. La population élit un curé de la paroisse de Saint-Jean Bosco à la présidence. Le père Jean-Bertrand Aristide était vite devenu l’incarnation d’un rêve de liberté et de changement que les pauvres de ce pays caressaient depuis des décennies. Le mouvement lavalas est né. Il est soi-disant porteur de délivrance sociale, artisan d’un État en devenir, appelé à être construit sur le roc de la démocratie, au sens le plus juste, le plus correct, le plus égalitariste, le plus universaliste… du terme. 1991. Coup d’État. Exil. L’espoir s’effondre. 1994. Retour à « l’ordre constitutionnel ». Mais le rêve n’est pas ressuscité! Il n’est pas sorti comme Lazare du tombeau. Pire. La grande famille se divise! Les couteaux des hostilités, des conspirations et des complots politiques volent bas. Échecs électoraux. Fraudes. Menaces. Assassinats. 17 décembre 2001. Le pays frôle la guerre civile. Les chefs de file du mouvement deviennent des « frères ennemis ». Se tournent définitivement le dos. Alors que la misère étrangle les villes, les bourgs et les villages!

Au cours des années 1998 et 2000, M. Gérard Pierre-Charles nous a accordé deux entrevues dans le cadre de l’émission Ces mots qui dérangent. Les révélations du chef de l’OPL n’éclairent même pas un centième de la scène d’horreur où évoluent les acteurs issus des différents horizons politiques. L’amoncellement d’absurdités et de crimes pointe vers le ciel comme la Tour de Babel.

Constat pénible : Carthage est vaincue et détruite le 29 février 2004. Les cinquante mille survivants au massacre des Romains sont vendus au marché des esclaves.
Haine, mépris, coup bas, méchanceté, avilissement, égoïsme, cruauté… : voilà ce qui transpire de l’extrait de ces interviews prophétiques, annonciatrices déjà de la réoccupation malheureuse de la République d’Haïti par les puissances néocoloniales nichées dans le ventre de l’Organisation des Nations unies (ONU).

***

Robert Lodimus (R.L) : …Et si on revenait à cette affaire de drogue, à cette histoire d’immigrants haïtiens illégaux aux États-Unis! M. Pierre-Charles, nous devons être réalistes. Surtout intelligents. Il faut apprendre à analyser, à réfléchir sur les mots couchés sur du papier blanc qui n’ont aucun pouvoir, sinon que formel. Les gouvernements, nous l’avons assez vu et constaté, signent ce qu’ils veulent, pour ne pas dire n’importe quoi, mais agissent dans la pratique différemment. Le document signé par M. Jean-Bertrand Aristide, dans quelle mesure diriez-vous qu’il est encombrant pour lui, pour son gouvernement… pour son mouvement politique?
Gérard Pierre-Charles (G.P.C) : Dans la normalité des relations internationales, on peut tromper les siens, mais on ne peut pas tromper les autres quand il y a la question de l’intérêt national. Le problème de la drogue figure comme le thème numéro 1 des questions de sécurité nationale aux États-Unis.

R.L. : Les États-Unis ont-ils vraiment manifesté la ferme volonté de freiner dans la région le trafic des stupéfiants, source de richesses illégales, illicites chez eux, dans leur propre pays?
G.P.C. : Tous les rapports qu’ils développent avec les pays de l’Amérique Latine, sur la question de la certification qui est une procédure extrêmement importante dans les relations internationales des États-Unis, indiquent clairement « oui ». Les investissements consentis, les déclarations faites par les stratèges des États-Unis porteraient les observateurs à ne pas sous-estimer l’importance que l’empire semble conférer à un problème de cette nature, à une situation de cette envergure. Pour nous, vu sous l’angle que vous avez tracé, et considérant les maigres résultats obtenus dans les efforts déployés pour un contrôle restrictif et sévère des drogues et leurs produits dérivés qui entrent sur le territoire états-unien, je concède le fait qu’il y aurait quelque part, peut-être, un nœud gordien qu’il faudrait prendre le temps de défaire.

R.L. : Selon vous, les États-Unis ne peuvent-ils pas vraiment contrôler le trafic des stupéfiants en Amérique du Nord?
G.P.C. : Je suis mal placé pour répondre à la place des dirigeants américains. La diplomatie, telle que moi, je la comprends aujourd’hui, se situe à trois niveaux : tout d’abord, l’instance diplomatique normale qui se traduit par les relations internationales : États avec États, pays avec pays, et aussi qui se retrouve dans le cadre des relations développées au sein des organisations mondiales, hémisphériques, continentales : Nations unies, Organisations des États américains, Union Européenne, etc. Le deuxième niveau, dans le cas d’Haïti, ce sont les accords bilatéraux qui ont eu un sens particulier durant l’Administration Clinton. Il y a eu effectivement des liens privilégiés entre Washington et Haïti, et ces rapports-là, aujourd’hui avec M. Bush, vont se redéfinir à coup sûr. Dans quel sens? Nous l’ignorons! Un troisième niveau encore dans le cas d’Haïti, ce sont les relations qui relèvent des ententes sur la lutte contre la drogue. Là, nous sommes rendus carrément dans le monde des questions occultes. Profondément secrètes! Personne, en dehors des instances politiques décisionnelles, ne sait ce qui se passe réellement à ce niveau. Et moi, à vous dire vrai, je n’irai pas fouiner de ce côté!

R.L. : Nous avons déjà visionné un documentaire où les journalistes enquêteurs révèlent que des agents de la CIA dans les pays de l’Amérique Latine étaient payés en cocaïne. Plus précisément, pour les récompenser de leurs services, les États-Unis fermaient les yeux sur leurs activités criminelles de trafiquants de stupéfiants. L’affaire Noriega ressemblerait bien à cela… En avez-vous entendu parler?
G.P.C. : Je n’en suis pas au courant moi-même. Si cela est exact, vous nous avez révélé une information importante. Et j’apprécie… C’est bon de savoir cela.

R.L. : Autre aspect considérable de la question : l’argent de la drogue sert beaucoup les intérêts économiques des États-Unis. En qualité d’économiste, vous en savez quelque chose!
G.P.C. : Oui, je le sais… Je ne peux pas dire le contraire. Cette immense machine productive peut être huilée dans l’un ou l’autre de ces secteurs par l’argent de la drogue. La grande puissance industrielle agricole et des services des États-Unis fonctionnent à partir de beaucoup d’autres facteurs de production. Pour nous, c’est un élément que l’on pourrait dire accessoire, important. Il y a une autre question, celle des relations bilatérales entre les États-Unis et ces pays voisins qui sont des corridors où circule la drogue.

R.L. : Il existe de grandes entreprises nord-américaines qui sont créées avec l’argent de la drogue. Elles paient des taxes à l’État, elles enrichissent, elles engraissent l’assiette fiscale…
G.P.C. : Là-dessus, aucun doute. La drogue est une marchandise. Elle est encore rétribuée beaucoup plus cher. Il y a des livres qui ont été écrits sur le dilemme que vous signalez. Il n’y a pas longtemps, j’ai lu moi-même un essai de Jean Ziegler sur le phénomène de l’argent sale à travers le monde. Cette situation relève de la réalité du capitalisme contemporain, de l’ère du néolibéralisme où tout est permis : laisser faire, laisser passer, c’est la base même de l’économie libérale et néolibérale. Dans le cadre de cette philosophie, il y a beaucoup de transactions malhonnêtes qui sont faites. Et ce qui est grave, personne ne semble s’interroger sur l’origine de ces richesses immenses, sur l’origine de ces fortunes colossales.

R.L. : Ne faudrait-il pas prendre ici le temps d’interroger le sens véritable de la soi-disant lutte du département d’État pour enrayer le fléau de la drogue? Étiez-vous déjà tenté de cheminer dans cette direction nébuleuse?
G.P.C. : Pas vraiment…!

R.L. : M. Gérard Pierre-Charles, tournons la page épineuse de la circulation de la drogue et de l’hypocrisie des principaux et potentiels bénéficiaires. Comment se pose pour vous la question portant sur l’avenir de la République?
G.P.C. : Elle se pose aujourd’hui en termes de création des conditions objectives qui amèneraient un groupe de politiques responsables à prendre le pouvoir. De ce fait, ils pourraient participer à l’élaboration et à la prise de grandes décisions politiques, porteuses de changement social et économique concret. Il faut parvenir à faire marcher la machine économique haïtienne, relever l’échine de l’agriculture traitée en parents pauvres, abandonnée à la voracité des produits vivriers importés des États-Unis, du Canada, du Japon, de la Chine, de la République dominicaine, etc. Cette agriculture en totale décadence doit finalement retrouver sa voie. L’État a la responsabilité de redonner confiance aux petits paysans producteurs, ruinés par les pratiques illicites d’une importation abusive. Comment arriver à canaliser tous les efforts pour installer ce pays dans la locomotive des pôles de développement durable: la seule façon, à notre avis, d’éloigner les Haïtiens du gouffre des souffrances sociales? Mais tout cela, dites-vous bien, ne pourra pas se faire sans repenser pour la nation un climat de relations internationales saines, basé sur des intérêts psychologiques et humanitaires, et qui soit capable de lui forger une place enviable et favorable au sein de l’économie mondiale. Qu’il y ait de la drogue aux États-Unis, c’est leur problème. Cependant, ma seule crainte pour Haïti, ce serait que ce trafic ne soit venu créer les conditions d’une économie malade et que son flux ne nous permette de jauger la profondeur du « mal haïtien ».

R.L. : M. Pierre-Charles, puisque vous avez effectué ce brusque mouvement de bifurcation vers le problème de la drogue, pour conclure ma question sur l’avenir de la République d’Haïti, je suis tenté de m’y attarder un peu… Vous avez voulu faire un capital politique sur le huitième point de l’accord signé par le président Jean Bertrand Aristide qui reconnaît le droit des États-Unis de rapatrier les illégaux haïtiens. Justifiez pour nous votre inquiétude par rapport à l’application éventuelle de cette mesure?
G.P.C. : Il y a un combat qui est mené par les émigrés latino-américains, par les gouvernements latino-américains et même par certaines associations des droits humains aux États-Unis pour porter les autorités à adopter des mesures qui régulariseraient la situation d’illégalité des immigrants sans papier. Les pays d’Amérique centrale : Salvador, Guatemala, Mexique, etc. ont bénéficié des décisions de ce genre. Les deux pays en question, à savoir États-Unis et Haïti, doivent arriver à la signature d’accords bilatéraux qui auraient pour effet de limiter le flux des immigrés et d’occasionner la mise en place dans les régions délaissées des programmes de développement viables. Il faut parvenir à contrer la misère qui pousse les compatriotes à risquer leur vie dans des embarcations de fortune sur les mers démontées et houleuses, espérant déjouer la vigilance de la marine états-unienne pour atteindre les plages de la Floride.

R.L. : Entre nous M. Pierre-Charles, quelqu’un peut-il vivre illégalement aux États-Unis?
G.P.C. : Personnellement, je n’ai jamais vécu dans ce pays. Seulement, je sais qu’il y a plusieurs millions d’individus qui sont dans une situation d’illégalité sur le territoire de l’Oncle SAM. D’une part, il faut reconnaître qu’il s’agit d’un pays d’immigrants qui maintient une attitude franchement rigoureuse en matière d’immigration, et qui, d’autre part, en fonction de la conjoncture, absorbe ou expulse des émigrés. Après la période ascensionnelle de 8 ans du gouvernement de M. Clinton, l’économie américaine montre des signes de faiblesse. Dans ce contexte, la politique d’absorption des illégaux peut ne pas être présente et soutenue aussi bien qu’à d’autres époques. Il faut quand même prendre le temps de signaler qu’il existe beaucoup de mesures en matière d’immigration favorables aux individus originaires des autres régions de l’Amérique qui se sont installés sans autorisation légale sur le sol des États-Unis.

R.L. : Il faudrait admettre aussi que ce sont les bras de beaucoup d’immigrants illégaux qui permettent à l’économie de ce pays de prendre de l’embonpoint. Ils travaillent au noir. Ils sont exploités par un patronat avide et rapace. Ils sont sous-payés. Et ils paient des taxes comme tout le monde, sans bénéficier des avantages sociaux. Ce sont des illégaux. Ils n’ont aucun droit. Seulement des devoirs. Des obligations. La société nord-américaine en tire largement profit. C’est le fameux « Homo homini lupus » de Plaute repris et développé par Thomas Hobbes, l’auteur du célèbre « Léviathan » .Qu’en dites-vous?
G.P.C. : Effectivement… Et j’ajouterai que c’est l’une des particularités du « développement » pris dans sons sens le plus large, le plus complet. C’est un constat qui relève de la triste réalité que projettent les multiples facettes des relations entre pays développés et moins développés. C’est le cas entre Haïti et la République dominicaine; le Mexique et les États-Unis, etc. Pour nous, il y a vraiment une logique de fonctionnement dichotomique du système de mondialisation ou de globalisation qui se reflète à travers l’existence fragile même des travailleurs au noir. En Europe, il y a des millions de travailleurs immigrés venant de l’Afrique du Nord, de l’Afrique noire et des pays de l’Est. C’est une préoccupation tellement importante qu’elle est débattue dans de nombreux projets d’accords multilatéraux qui essaient de prendre en compte les intérêts des réfugiés… qui versent leur sueur et leur sang dans les usines de sous-traitance et d’assemblage pour enrichir le capital. Enfin, votre question évoque une réalité brutale qui transpire des relations inégales entre pays avancés, pays en voie de développement et pays défavorisés.

R.L. : La stratégie de « La Convergence démocratique » montre des signes de fatigue et d’essoufflement. Vos arguments prennent de l’âge. Vieillissent… Vous ruminez… Ce sont les mêmes mots qui reviennent incessamment dans les mêmes discours. Ils n’ont plus la force et le pouvoir de convaincre…
G.P.C. : M. Lodimus, je vois que vous avez vraiment un regard tendre pour La Convergence démocratique! (Sourire)
Tout ce qui a été fait jusqu’ici dans le cadre de la lutte participe d’une option politique claire. Le 7 février, M. Aristide n’est pas monté au pouvoir sur un tapis de velours. La Convergence a su courageusement poser au départ la question de non validité, de non légalité et de nullité de ces élections controversées, gagnées avec des dés pipés. Nous avons très clairement par notre action politique, montré au peuple qu’il y avait une alternative à construire. Me Gérard Gourgue, le président que nous avons choisi pour signifier nos désaccords profonds avec les résultats de ces joutes électorales entachées de fraudes grotesques, symbolise à nos yeux l’expression de la conscience nationale face à « l’inimaginable », face à « l’inconcevable ».

R.L. : 7 février 2001, vous devriez installer un gouvernement provisoire au palais national. Vous n’êtes pas arrivés à le faire…!
G.P.C. : Nous pensions le faire dans le cadre d’une négociation avec M. Aristide. C’était notre vision de ce gouvernement de consensus et d’union nationale. Nous pensions que par les négociations, nous aurions pu arriver à convaincre M. Aristide qu’il allait perdre en essayant d’imposer un pouvoir illégitime dans la mesure où il arriverait à un accord pour un gouvernement de consensus et d’union nationale.

R.L. : Les observateurs ont cru entendre autre chose. Ils ont différemment interprété votre promesse. La plupart ont même parlé de guerre civile…
G.P.C. : Malheureusement, il n’y a pas d’analyste politique chez nous. Souvent, on l’a assez vu, l’information est manipulée par des secteurs qui ont des intérêts à le faire dans un sens ou dans un autre. Le premier acte de cet ensemble d’options politiques contemplait la possibilité que ces négociations qui avaient commencé pompeusement à la nonciature apostolique au milieu de prière, au milieu de souhait, débouchaient – dans le sens où l’on disait déjà – sur la consécration d’un « acte historique ». Cependant, nous étions quand même restés prudents. Un fait significatif avait attiré notre attention. Autour de cette grande table, presque papale de la nonciature apostolique, dans une ambiance très sereine, très sérieuse, de respect mutuel, on débitait des grands discours. M. Aristide signalait que c’était « un jour historique ». Et il répétait surtout les « credo » de la « démocratie occidentale »; enfin tout ce qui pouvait plaire aux diplomates étrangers qui étaient présents. Pourtant, après tant de discours sur la portée historique de ce geste – certains nous comparaient même avec les héros de la guerre de l’indépendance – M. Jean-Bertrand Aristide a refusé de se laisser prendre en photo, comme il est d’usage en de pareilles circonstances, avec les membres de la délégation officielle de La Convergence qui étaient assis en face de lui, tout au cours de la séance des négociations. Il a même refusé la présence de la télévision dans la salle de rencontre. L’homme ne se sentait pas à l’aise de s’asseoir avec des partenaires qui ne le considéraient pas comme un « dieu ». Tout cela pour moi préfigurait quelque chose qui n’allait pas avoir des suites sérieuses. Mais, dans notre façon de voir, on disait si les faits obligent M. Aristide à venir s’asseoir avec nous autour de cette table, s’il a donné tant de garanties à la communauté internationale, s’il nous a envoyé tant de messages à nous autres qui étions disposés à négocier, on pouvait arriver comme première alternative à un gouvernement de consensus où Lavalas serait représenté, aurait des ministres, où encore M. Aristide pourrait être président pour un temps déterminé, mais un partage de pouvoir qui assurerait un gouvernement de consensus national, un gouvernement d’union nationale. Quand on a vu à partir des négociations que M. Aristide n’était pas prêt à faire des concessions, la deuxième décision de La Convergence, celle qui a été prise, c’était celle de nommer un président provisoire, en l’occurrence, Me Gérard Gourgue. Je crois que ce dernier est rentré dans l’histoire. Notre intention première n’était pas d’aller prendre d’assaut le palais national. C’est notre projet politique de construire un pouvoir alternatif. La construction des cathédrales et des pyramides exige une somme de patience et nécessite du temps. Les acquis politiques et historiques de grandes dimensions n’échappent pas à la règle.

R.L. : Votre mouvement laisse entendre que le temps avec le régime Lavalas est bel et bien révolu. Il a fermé les portes au nez de la commission dite de facilitation. Ce sera quoi, le prochain recours?
G.P.C. : Là, je ne sais pas quelles sont vos sources! Vous avez des sources pures et dures lavalassiennes…

R.L. : Vos femmes et vos hommes parlent presque tous les jours à la radio…
G.P.C. : Nous n’avons jamais fermé la porte à la commission de facilitation…Si vous vous référez aux journées des 5 et 6 février, vous remarquerez que la dernière proposition que nous avons mise sur la table n’a jamais été considérée par la délégation lavalassienne. Ces gens-là ont répété comme des perroquets la question des huit points. Donc, en dehors des huit points, pas de salut… On voit qu’ils avaient bien appris la leçon. Nous n’avons jamais fermé la porte, dis-je? Au contraire…!
Les négociations, à notre humble avis, demeurent la voie sure pour une sortie pacifique des situations de crise et de conflit. Nous sommes installés dans un environnement dangereux en face d’un partenaire extrême, armé jusqu’aux dents, disposant de toutes les ressources illicites et jouissant de tous les privilèges que lui confère le pouvoir politique. Notre organisation ne veut pas déclencher la guerre. Il s’agit bel et bien pour nous d’un combat pacifique. Le président Gérard Gourgue l’a dit de façon très claire : « Ce gouvernement n’appartient pas à La Convergence. Il est le gouvernement de tous les Haïtiens. » Me Gérard Gourgue a prouvé depuis plus de cinquante ans qu’il est attaché aux valeurs de la démocratie. La Convergence démocratique est une force en devenir.

R.L. : Envisagez-vous de recourir à la lutte armée pour résoudre vos différends politiques avec Lafanmi Lavalas? On en parle dans certains milieux sociaux.
G.P.C. : Dans le préambule de son programme de gouvernement, l’OPL déclare ceci : « Notre peuple ne veut plus continuer à vivre dans des conditions infrahumaines. Il ne veut plus qu’Haïti soit une terre d’oppression et de misère. Il a pris en main son destin. Il est décidé à participer en tant qu’acteur à la transformation du pays, au changement de l’État et des institutions, à la construction d’une société de droit, de justice et de bien-être. Nous avons « dechouke » (déraciné), en fin de compte, le vieil édifice vermoulu, stérile de la dictature oligarchique et militaire. Nous voulons bâtir ensemble une Nation pour tous. Nous voulons raffermir cette démocratie conquise de haute lutte et récupérer notre « souveraineté ».

R.L. : Mais, comment construire une démocratie dans un climat de conflit politique aggravant? Comment bâtir une société axée sur la sécurité et la justice sociale? Comment conduire un pays aux portes du développement économique dans une atmosphère malsaine de politique aigrie, de désaccords persistants entre les membres d’une même famille idéologique, de discorde interminable et absurde entre Lafanmi lavalas et l’OPL?
G.P.C. : Pourtant, il faut y arriver. Nous avons une dette envers ce pays. Il faut rendre justice au peuple haïtien…

R.L. : Merci, M. Gérard Pierre-Charles !
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En conclusion
Les comédies électorales des 19 août, 25 octobre 2015 et 20 novembre 2016 nous permettent de revérifier que les mêmes causes produisent réellement les mêmes effets. Si nous faisions une analepse, – pour emprunter le code cinématographique ou le langage romancier –, nous verrions que la situation actuelle d’Haïti s’apparente à celle qui prévalait au lendemain des élections organisées par le président René Préval le 6 avril 1997 et le 26 novembre 2000, remportées par Lafanmi lavalas, et contestées par les divers groupes politiques rassemblés à l’intérieur de la « Convergence démocratique ». La société haïtienne, nettement morcelée, avait implosé. Les événements regrettables enregistrés au cours de la journée mémorable du 17 décembre 2001 mirent de l’huile sur le feu des divisions et des hostilités. À cette époque, nous avons conclu notre éditorial : « Le 17 décembre 2001 apparaît comme le commencement de la fin d’une période d’euphorie, de rêve et d’espoir… pour les masses populaires haïtiennes. Bref, le début véritable du processus de déclin du « lavalassisme ». Tout n’est plus comme avant… Et peut-être, ne le redeviendra jamais plus…! » Par « lavalassisme », il faut comprendre Lafanmi lavalas et Organisation du peuple en lutte (OPL).
La suite nous a donné, malheureusement, raison. La Minustah ne doit-elle pas sa présence indésirable en Haïti aux conséquences négatives des violences découlées des élections controversées des années 1997 et 2000, et qui ont élargi le « fossé des conflits » entre les « flibustiers » infatigables qui sont devenus après le 7 février 1986 les « nouveaux seigneurs » de la politicaillerie dans la cité?
L’émergence de nouveaux leaders sur l’échiquier de la politique nationale devient urgente et nécessaire. Il faut repenser et réorganiser la « Résistance populaire ».

Robert Lodimus

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