D’un processus électoral à l’autre, la saga continue !

0
157
Le Premier ministre, Alix Didier Fils-Aimé, a rendu visite le jeudi 13 février 2025.aux membres du Conseil Électoral Provisoire (CEP).

(14e partie)

Nous sommes en janvier 2025. Pour Leslie Voltaire, alors Président du Conseil Présidentiel de Transition (CPT), il ne devrait avoir aucun doute : Mi-mai 2025, au plus tard, le référendum sur la nouvelle Constitution devrait avoir lieu. Au mois de novembre 2025, ce sera le premier tour des élections générales pour un second tour en janvier 2026 et de conclure, plein d’optimisme et sûr de lui, le 7 février 2026, l’installation des nouvelles autorités élues. « Il y aura des élections cette année par tous les moyens. On croit qu’il faut avoir les élections. » Un agenda construit selon sa seule imagination totalement hors sol puisque rien de tout cela ne pouvait être vrai tant que les autorités n’arrivent pas à maitriser le cycle infernal de l’insécurité enfermant le pays dans une sorte de bulle à ce moment-là, voire encore aujourd’hui. Puisque, au moment où nous écrivons ces lignes, (août 2025), pour cause d’insécurité, même l’aéroport international Toussaint Louverture de Port-au-Prince demeure désespérément vide et fermé. Idem pour les principales routes d’Haïti.

Aucun des principaux axes routiers du territoire n’a été repris par les forces de l’ordre pourtant épaulées jour et nuit par les militaires de la Mission Multinationale d’Appui à la Sécurité d’Haïti (MMAS) sous le contrôle d’un général kenyan. Mordicus, les autorités haïtiennes pensaient pouvoir y arriver malgré l’évidence de l’impossibilité. Le vendredi 31 janvier 2025, une forte délégation haïtienne conduite par le Conseiller-Présidentiel de Transition, Frinel Joseph, justement en charge du dossier électoral au sein de l’Exécutif haïtien, a présidé une grande rencontre avec des officiels du Mexique et de l’Organisation des Etats Américains (OEA) dans le cadre du processus électoral entamé par le pouvoir. Du côté haïtien, figuraient, outre le Conseiller Frinel Joseph, l’ambassadeur d’Haïti à Mexico, le Représentant permanent de la Mission d’Haïti auprès de l’OEA, le Président du Conseil Electoral Provisoire (CEP) Patrick Saint-Hilaire, le Directeur général de l’Office National d’Identification (ONI), Reynold Guerrier, sans oublier le Secrétaire technique du Comité de pilotage de la Conférence Nationale, Wollo J. D. Clercius.

Pour le Mexique et l’OEA, on trouve le Ministre des Relations extérieures mexicain, le Responsable de l’Institut National Électoral (INE) du Mexique, le Représentant permanent de la Mission du Mexique auprès de l’OEA, des Représentants du Département de Coopération et d’Observation Électorale de l’OEA et le Représentant du Secrétaire général de l’OEA à Port-au-Prince. Cette réunion au sommet avait pour but de solliciter l’appui des institutions mexicaines et de l’OEA en matière électorale pour soutenir l’effort et la démarche des autorités de Port-au-Prince en vue de l’organisation du Référendum sur la réforme constitutionnelle et la réalisation des élections générales au cours de cette année 2025. D’ailleurs, les dirigeants haïtiens, à travers le Conseiller-Présidentiel Frinel Joseph, ont exprimé toute leur gratitude aux autorités mexicaines et à l’organisation hémisphérique pour leur soutien et leur engagement à apporter tout leur appui technique et leur expertise en matière électorale à Haïti.

Au cours de cette réunion, l’Institut National Électoral (INE) du Mexique et le Département de Coopération et d’Observation Électorale de l’OEA ont promis d’assurer la formation du personnel technique du CEP tout en renforçant les dispositifs technologiques de l’institution électorale haïtienne et de moderniser son fonctionnement. Dans l’immense diaspora haïtienne, difficile de récapituler toutes les rencontres ayant eu lieu ou qui ont été organisées par les correspondants du Comité de pilotage de la Conférence Nationale ou directement par les membres de celui-ci autour de la réforme constitutionnelle, de même pour le Conseil Electoral Provisoire qui souhaite intégrer les Haïtiens de l’extérieur dans le processus.

Quelques membres du Conseil Électoral Provisoire (CEP).

Nous voulons juste souligner que les deux entités engagées dans ce processus ont fait un minimum d’effort pour visiter quelques pays ou grandes villes étrangères où l’on trouve des regroupements d’haïtiens afin de tenter d’impliquer ces compatriotes dans les deux démarches : – Réforme constitutionnelle/Référendum et Élections générales -. Ainsi, le samedi 1er février 2025, ont eu lieu à Paris, France, deux rencontres le même jour avec quelques acteurs et activistes de la Communauté haïtienne. L’une, dans la journée et l’autre, le soir dans un restaurant. Les deux ont été présidées par le Président du Comité de pilotage de la Conférence Nationale, Me Enex Jean-Charles, qui avait fait pour l’occasion le voyage à Paris où il devait rejoindre madame Kerlande Mirbel, une québécoise d’origine haïtienne, faisant partie dudit Comité et l’activiste Samuel Colin, un acteur de la Communauté qui avait la charge de planifier les rencontres sur place en tant que Coordonnateur du Comité de pilotage pour la France. La première rencontre était répartie sur trois ateliers durant lesquels environ une cinquantaine de personnes ont pris part aux travaux en présence de l’ancien Premier ministre Enex Jean-Charles et madame Kerlande Mirbel.

La seconde rencontre qui n’était pas proprement dite une rencontre de travail, s’est déroulée dans une atmosphère bon enfant où il n’a pas vraiment été question de Conférence Nationale. Enex Jean-Charles et Kerlande Mirbel ont privilégié les discussions sur la réforme constitutionnelle avec des dirigeants d’associations et militants communautaires présents soit plus d’une dizaine d’invités, notamment le professeur Wilson Chéry, la militante très active, Huguette Marcelin ou la Directrice de l’Association Haïti Futur et organisatrice du Salon du livre haïtien de Paris, Josette Bruffaerts-Thomas, ou encore le militant associatif très connu Sergo Alexis. Enfin, soulignons que cette rencontre s’est déroulée en présence de deux diplomates haïtiens basés à Paris, MM. Louino Volcy, Chargé d’Affaires à l’Ambassade d’Haïti et Etienne Lindor, Consul Responsable du consulat.

Pendant que dans la diaspora les différentes entités s’activent d’une part à faire connaître l’existence des organismes chargés de vendre le projet constitutionnel du CPT et d’autre part appellent les haïtiens de l’extérieur à soutenir le processus référendaire et électoral du Conseil Électoral Provisoire, en Haïti, les choses se précisent avec un tempo un peu contradictoire au sein du pouvoir. Alors que Leslie Voltaire, Coordonnateur du Conseil Présidentiel de Transition, depuis son périple européen – Rome, Vatican et Paris – proclame à qui veut l’entendre « qu’il y aura des élections coûte que coûte cette année en Haïti et ce, par tous les moyens », à Port-au-Prince, c’est le chef du gouvernement, Alix Didier Fils-Aimé, qui semblait ou tentait de temporiser l’impétuosité du Président du Collège présidentiel.

Le jeudi 13 février 2025, à l’occasion d’une rencontre avec les 9 membres du CEP, en effet, le Premier ministre devait rappeler quelques vérités sur la réalité sécuritaire du pays, un climat rendant quasi-impossible la tenue d’un quelconque scrutin tant que le niveau sécuritaire ne le permettrait. Faisant presque une petite leçon à Leslie Voltaire, le locataire de la Primature a rappelé que le CEP est un organisme indépendant. Par conséquent, il doit surveiller à la transparence du processus et garantir en même temps des élections libres. En clair, le gouvernement  n’a pas à avancer des dates ni procédures à suivre pour les scrutins sans avoir consulté les Conseillers électoraux.

A la sortie de la rencontre avec les membres du CEP, la Primature a émis un long communiqué faisant état des discussions, des motivations et des préoccupations du Premier ministre sans pour autant s’opposer formellement aux dates des scrutins avancées par Leslie Voltaire. « Organiser des élections ne peut se faire en dehors d’un climat sécuritaire. Conscient de cette réalité, le Premier ministre a réaffirmé avec détermination que sa mission première est de garantir la sécurité que le peuple haïtien exige et mérite. Face à l’insécurité qui sévit dans le pays, je mets tout mon poids dans la balance pour apporter une solution durable et définitive à ce fléau. Le gouvernement est mobilisé.

Le Premier ministre incarne cette volonté inébranlable de restaurer l’ordre et de permettre à chaque citoyen de vivre en paix, de circuler librement et de croire en un avenir prospère et stable pour Haïti. Dans un profond respect des institutions de la République, le chef du gouvernement s’est entretenu avec les Conseillers électoraux qui portent la lourde responsabilité d’organiser des élections libres, honnêtes et crédibles dans le pays. À cette occasion, le Premier ministre a tenu à rappeler avec force que le CEP, en tant qu’institution indépendante, doit mettre tout en œuvre pour garantir au peuple haïtien un processus électoral transparent et démocratique » communiqué daté du 13 février 2025. Deux jours plus tard, un ensemble d’acteurs sociaux, notamment, Delson Cius, sociologue et Me Antonal Mortimé, Coordonnateur du Collectif Défenseurs Plus, se déclarent sceptiques et même opposés à la tenue des élections dans ce climat inquiétant.

Contactés par le quotidien de Pétion-Ville, Le National le 15 février 2025, ces dirigeants disent ne pas comprendre l’attitude des autorités qui pensent tenir un référendum au moment où le pays fait face à des violences insoutenables. D’après le sociologue Delson Cius, interrogé par le journal : « L’Accord du 3 avril stipule clairement que l’une des missions du Conseil Présidentiel de Transition est d’organiser des élections transparentes et légitimes. Cependant, l’enjeu principal n’est pas simplement de résoudre l’insécurité pour organiser les élections, mais bien de rétablir l’ordre pour permettre un fonctionnement normal du pays. Si Port-au-Prince n’est pas le seul territoire concerné, les départements de l’Artibonite et de l’Ouest jouent un rôle clé dans le processus électoral. Les foyers de gangs doivent être éradiqués et l’industrie criminelle démantelée avant d’envisager des élections, sans quoi celles-ci seraient compromises dès le départ.

Les membres du Conseil Présidentiel et du gouvernement doivent éviter les promesses fallacieuses et prendre des décisions drastiques, notamment sur la question des contentieux électoraux. La Communauté internationale doit accompagner Haïti dans ce processus sans imposer de directives extérieures. Les acteurs politiques et sociaux doivent s’unir pour sauver Haïti et rediriger le pays vers un avenir stable et prospère. » Par ailleurs, le dirigeant du Collectif Défenseur Plus, Me Antonal Mortimé, exprime sa préoccupation et son inquiétude devant l’entêtement des Conseiller-Présidentiels à vouloir accélérer un processus référendaire dans un climat où plusieurs membres du CPT sont accusés de corruption et de détournement de fonds publics. Pour Mortimé, l’heure est mal choisie et le contexte n’est nullement favorable à des campagnes électorales. « Les conditions ne sont pas réunies pour garantir un scrutin libre et transparent. Il est impossible d’organiser des élections sous l’égide du Conseil Présidentiel de Transition et du gouvernement actuel.

Dans un climat d’instabilité politique, les institutions affaiblies ne sont pas en mesure d’assurer des services de base à la population. Un État de droit suppose une gouvernance au service du peuple. Haïti ne peut plus être l’otage d’intérêts particuliers au détriment du bien-être collectif. » Enfin, ces deux acteurs plaident pour une évaluation des actions du CPT avant la tenue d’un quelconque scrutin, référendum ou autre. Ces déclarations ne semblent pas pour autant inquiéter plus que ça les autorités. En dépit de tout, elles gardent le cap en ayant les yeux rivés sur le processus référendaire de la nouvelle Constitution en cours d’élaboration.

Le lundi 24 février 2025 marqua le 100e jour du gouvernement conduit par le Premier ministre Alix Didier Fils-Aimé. Pour célébrer cet événement, comme il est de coutume, une Conférence de presse a été organisée dans les jardins de la Résidence officielle de celui-ci au haut Bourdon à Musseau. D’entrée de jeu, le chef du gouvernement, entouré des membres de son cabinet, lâche devant les journalistes et observateurs politiques accourus sur les lieux pour ce point de presse du successeur du Dr Garry Conille qui, lui, avait organisé un grand show à l’hôtel Karibe Convention Center le 19 septembre 2024 en vue de marquer son centième jour à la Primature, « 100 jours après l’installation du gouvernement, le principe de recevabilité m’impose de présenter l’état d’avancement des chantiers de la Transition ».

Mais, les observateurs voulaient surtout savoir où en était le gouvernement avec le processus référendaire et naturellement avec l’insécurité qui bat son plein dans la capitale et sa périphérie. A cette interrogation, Alix Didier Fils-Aimé, tout en restant sur la ligne du CPT à propos du référendum et des élections générales, tient quant même à ne pas bousculer les choses. Après un long plaidoyer dans lequel il a rendu hommage au courage des forces de l’ordre qui, selon lui, tiennent tête aux gangs armés grâce aux nouveaux matériels et les moyens financiers mobilisés par le pouvoir, entre autres, « budget de guerre », le Premier ministre a déclaré : « La sécurité est la condition de la réussite de la transition.

Il n’y aura pas de référendum ni d’élections sans la sécurité. Aucune force ne peut tenir tête à l’État quand il veut faire une bonne utilisation de toutes ses ressources pour donner des résultats. Notre engagement pour le rétablissement de la sécurité est marqué par un investissement massif dans des équipements pour la PNH et une meilleure prise en charge des policiers et employés civils de la police. Sur le financement du processus électoral, le gouvernement vient d’ajouter dix millions de dollars américains au basket-fund. Cela ramène la contribution haïtienne à 55 millions de dollars américains. » (À suivre)

 

 

C.C

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here