Son Excellence Monsieur Miguel Diaz Canel
Président de la République de Cuba
(In nomine populi Haitiani)
Excellence,
Je viens frapper à votre porte en tant que « fils légitime » de Jean-Jacques Dessalines, le père de la révolution qui a donné naissance à la nation haïtienne en 1804. Tout d’abord, je reconnais qu’à titre de personne privée, je n’ai aucune autorité diplomatique pour vous écrire cette lettre, et je vous prie d’ailleurs de m’excuser de vous envoyer un message aussi important et de si haute considération à travers un canal public. En fait, le peuple haïtien n’a pas un représentant légitime, voire légal, depuis au moins deux décennies, et les organes officiels de communications diplomatiques de mon pays sont piratés par des puissances néocoloniales qui nous en veulent, et ce, depuis la conception de notre grande nation, pour notre liberté et notre indépendance. Comme vous l’avez probablement observé au cours des dernières années à travers le silence complice d’Haïti face aux agressions barbares des puissances néocoloniales contre le Grand peuple cubain, mon pays a graduellement perdu son statut officiel d’État libre et indépendant pour se dégrader au rang d’une colonie états-unienne dont l’organe décisionnel se trouve à l’Ambassade des États-Unis à Port-au-Prince.
Excellence, je ne parle pas ainsi pour excuser les esclaves qui se sont laissé manipuler par leurs maîtres coloniaux d’hier et aujourd’hui pour déshonorer mon pays en fermant les yeux sur les violences néocoloniales exercées par les puissances impérialistes contre la résistance du peuple libre de Cuba. Cependant, en bon héritier de Dessalines et en tant que descendant africain, le peuple haïtien est tellement habitué avec la barbarie de ces agresseurs sournois, qu’il saurait identifier ces derniers même dans les éternelles nuits sombres qu’ils font coucher sur mon pays depuis plus d’un siècle. Après avoir développé leur système capitaliste mortifère dans le sang de mes ancêtres en les forçant à travailler gratuitement comme des bêtes de somme pendant plus de cinq siècles, les impérialistes sont résolus à entrer en possession du monde entier en usurpant les pouvoirs populaires pour placer des serviteurs zélés et aveuglés à la tête des États qui choisissent la voie la résistance. C’est bien au nom de cette résistance, la résistance du grand peuple cubain à garder la tête haute face aux promesses vides de la démonocratie prônée par les vautours de la mafia internationale sous couvert de la démocratie, que j’ose m’adresser à vous, M. le Président.
Excellence, je tiens à préciser pour votre attention que sous les assauts quotidiens et sans merci de la mafia internationale, les politiciens corrompus et sans vergogne de mon pays ont tué l’état haïtien. L’état haïtien est mort. À l’égal de la Syrie aujourd’hui, la terre de Jean-Jacques Dessalines, de Pierre Sully, du chef des cacos Charlemagne Péralte et Benoit Batraville est prise en otage par un escadron de la mort armé et financé par les plus riches hommes d’affaires du pays qui travaillent à la solde de l’élite néocoloniale, pour surveiller les ressources du pays à leur profit (Dieu protège Cuba et le grand peuple cubain). Haïti chérie, la terre de Jean-Jacques Dessalines, terre de Toussaint Louverture, terre d’Henri Christophe, terre de liberté, est devenue, sous la roulette des gouvernements fantoches successifs installés par les États-Unis, une terre qui produit des mercenaires, de véritables marionnettes corrompues au service des puissances impérialistes. Le pays le plus pauvre de l’hémisphère occidental et victime de plus d’un siècle de crimes commis par l’impérialisme américain.
L’arbre de la discorde, de la souffrance, de la violence et des mille douleurs que les impérialistes ont patiemment arrosé et entretenu depuis 1915 – l’année où l’armée états-unienne a souillé pour la première fois le sol de mes ancêtres – a finalement porté du fruit. Le peuple haïtien, fidèle à l’idéal dessalinien, va le déraciner jusque dans les moindres cellules pour s’assurer qu’il ne reprenne plus jamais racine dans cette terre, mais nous ne pouvons pas y arriver sans votre aide. Sans l’aide du grand peuple cubain.
Excellence, vous avez probablement entendu parler de l’installation à Port-au-Prince, en date du 12 avril 2024, d’un soi-disant Conseil présidentiel transition (CPT) de neuf (9) membres, chargé de diriger un pays dont les recettes fiscales n’arrivent même pas à couvrir les dépenses courantes de l’État. Neuf (9) présidents pour un seul pays. C’est le modèle de démocratie que proposent les puissances néocoloniales à ceux qu’ils appellent les « Nègres », et cela ils ne l’avaient fait sans le soutien de certains Nègres de la Caraïbe. Avec neuf (9) présidents pour un pays, cela veut dire qu’à un moment où le peuple haïtien crève sous le poids de la misère et de la violence orchestrés par l’exploitation capitaliste de ces mêmes puissances impérialistes, Haïti est forcée d’entretenir neuf (9) cortèges présidentiels, neuf (9) corps de sécurité présidentiels, neuf (9) budgets présidentiels, neuf (9) bureaux présidentiels, etc. Selon les directives budgétaires données par ces chenapans au ministère de finances, leurs conjoint(e)s ont tout aussi droit à une indemnité mensuelle qui est bien au-dessus du salaire officiel payé à un ministre, et ce, juste parce qu’ils ont le privilège d’avoir une conjointe ou un conjoint qui est prêt à vendre son pays. En d’autres termes, comme ces apatrides sont au service de l’impérialisme états-unien, on peut conclure que le peuple dit le plus pauvre de l’hémisphère se trouve à payer les salaires et traitements pour des fonctionnaires du pays le plus riche de l’hémisphère. Comme ils l’avaient fait entre 1932 à 1972 avec ce qu’ils avaient appelé l’Étude de Tuskegee sur la syphilis non traitée chez le nègre, tout porte à croire que l’impérialiste a un tel appétit pour le sang nègre qu’il l’utilise dans toutes les recettes macabres qu’il entend appliquer à travers le monde.
Excellence, avant d’aller plus loin dans mon exposé, je voudrais vous faire remarquer que la structure inconstitutionnelle et illégale qu’est le CPT, haute expression de la volonté coloniale des puissances impérialistes de cracher sur la révolution dessalinienne, n’a ni l’autorité morale, ni la légitimité institutionnelle pour représenter le pays de Dessalines. En effet, l’idée d’installer un conseil de 9 membres pour diriger mon pays a été imposée par le colon à des brebis égarées de la CARICOM qui avaient reçu l’ordre de donner un ultimatum à la classe politique corrompue d’Haïti de désigner des représentants sous peine de voir la « communauté internationale » imposer leurs propres dirigeants. Au cours des dernières semaines, des représentants de l’OEA, l’un des bras de la politique étrangère des États-Unis pour le continent américain, étaient en mission en Haïti pour parler de leur projet d’installer un « gouverneur » à la tête du pays. De quoi vous dire ce que ces gens pensent vraiment des Haïtiens. Il est important de souligner qu’aucune tradition, aucune coutume, aucune loi, voire, aucun article ou paragraphe du texte constitutionnel en vigueur ne prévoit l’existence de telles structures. Ceci témoigne de l’arrogance brute du colon à imposer, avec la complicité de quelques esclaves de maison, sa volonté à un peuple qui l’a vomi. Le pays qui, soi-disant, promeut la démocratie dans le monde impose une démocratie en Haïti sans participation populaire. C’est ce que j’appelle une démonocratie – ou pouvoir du démon –, soit le même système qu’ils ont essayé d’imposer au grand peuple cubain en instrumentalisant un petit groupe d’ignorants. Je vous le dis avec beaucoup de douleurs, mais la prostitution des dirigeants politiques corrompus de mon pays avec les pays traditionnellement hostiles à la liberté et à l’autodétermination des peuples qu’ils regardent comme leurs inférieurs, demande une solution radicale. J’ai bien peur que cela requière une rupture radicale avec le pacifisme stérile qui a donné le résultat que nous avons aujourd’hui sur le terrain.
Mr. le président, l’ennemi de mon peuple nous imposent, avec la complicité de cette même poignée de politiciens corrompus de mon pays, une « démocratie » mesurée à l’aulne de la violence de groupes armés équipés avec des armes de guerre produites aux États-Unis et distribuées par des services secrets étrangers. Haïti fournit aujourd’hui l’un des meilleurs points de vue pour comprendre la croisade mondiale de l’administration états-unienne pour la «démocratie» et contre la tyrannie. La version de la « démocratie » imposée à notre pays est tellement avancée qu’en 2011, l’ancien président états-unien, Bill Clinton, et sa femme Hillary Clinton, assistés des représentants de l’OEA et de l’ONU en Haïti, ont arrivé à se passer des pratiques anciennes de coups d’état réactionnaires violents pour nommer, à travers des élections bidon, un rejeton de la société haïtienne à la tête du pays. En tant que Président d’un pays qui a vécu la violence des terroristes imposés par les puissances impérialistes, il est en effet inutile de vous exposer l’impact de cette « démocratie » sur la situation de mon pays. Depuis, les conditions d’existence de mon peuple n’ont pas cessé de se détériorer, allant de simples assassinats de gens qu’ils trouvaient gênant pour leur agenda à l’instrumentalisation de ceux d’entre nous qui sont les plus bêtes et les plus violents pour contrôler le reste de la population. En 2003, l’impérialisme états-unien a soutenu en cachette des terroristes armés, dirigés par d’anciens officiers de l’armée haïtienne et des ressources de la CIA, qui ont envahi le pays à partir de la République dominicaine voisine et ont tué des centaines de gens dans leur marche sur Port-au-Prince.
Excellence, je m’excuse de vous parler de quelque chose que vous connaissez trop bien déjà, c’est aussi cette même version de la démocratie qu’ils veulent imposer à votre pays et au grand peuple cubain.
Excellence, vous vous questionnez peut-être sur la base de la légitimité de cette démarche que j’effectue au nom du peuple haïtien. Malheureusement, je n’ai pas beaucoup de choses à dire pour défendre de ma représentation, si ce n’est que des faits avérés de violences déshumanisantes qui s’abattent sans arrêt sur un peuple à qui les puissances néocoloniales et impérialistes refusent tout droit d’exister. En effet, ma légitimité est enracinée dans l’humanité. Car, de même qu’on ne cherche pas à obtenir l’autorisation d’une personne en danger de mort avant de la sauver, on ne demande pas à un peuple en proie à des violences aussi aveugles perpétrées par des forces aussi puissantes et maléfiques s’il veut être libéré du trépas avant de le sauver. Je dois aussi préciser que, si je prends la liberté de vous écrire aujourd’hui au nom du peuple haïtien, c’est en raison de votre lutte pour la liberté. J’aimerais tout aussi pouvoir solliciter le support et la solidarité d’autres peuples du monde entier pour la libération de mon pays, mais les représentants coloniaux qui usurpent les canaux diplomatiques et décisionnels d’Haïti se plaisent dans leurs fonctions d’esclaves et étouffent les cris de douleur de mon peuple auprès des instances internationales. En effet, leurs discours se limitent à des messages de félicitation pour les « bienfaits » de la colonisation, parce que leurs comptes bancaires dans les métropoles néocoloniales sont remplis du produit de la vente du pays et des derniers publics volés.
Ainsi, devant la mort programmée de l’état de mon pays et la persistance du camp impérialistes à vouloir déposséder le peuple haïtien non seulement de ses richesses pétrolières et métallifères, mais aussi et surtout de sa richesse historique, en ayant recours aux services de groupes armés qui prennent en otage et massacrent la population, je requiers qu’il vous plaise, Excellence, de :
- Bien vouloir user les canaux diplomatiques de la République de Cuba pour sensibiliser d’autres pays partenaires sur les violences imposées par la plus grande démonocratie du monde au peuple haïtien;
- Collaborer avec des pays qui travaillent pour la justice et l’autodétermination des peuples, comme Cuba, le Vénézuéla, le Nicaragua, et la Confédération des États du Sahel (Mali, Burkina Faso et Niger), pour soulever la question d’Haïti devant les organisations internationales;
- Supporter les initiatives citoyennes du peuple haïtien visant à combattre les forces terroristes impérialistes et mondialistes de manière à rétablir l’état de droit dans le pays pour le bien de tous les citoyens;
- Proposer une résolution à l’Assemblée générale des Nations-Unies visant à dénoncer et à condamner les sales pratiques néocoloniales des États-Unis en Haïti, et à lui demander de mettre fin au trafic des armes de guerres à dessein de massacrer la population;
- Utiliser les relations diplomatiques du Cuba pour bloquer tout projet de résolution proposé au Conseil de sécurité des Nations-Unies par les puissances impérialistes et leurs supplétifs haïtiens visant à renforcer les forces d’occupation militaire pour faire croire à l’opinion publique internationale que la police haïtienne est incapable de contenir la violence des groupes armés imposés à Haïti.
Excellence, je comprends que ces demandes formulées au nom du peuple haïtien comportent des sacrifices énormes pour vous-mêmes, pour votre peuple et pour votre pays. Cependant, soyez rassuré que le vaillant peuple haïtien vous sera éternellement reconnaissant pour votre sollicitude et vos efforts sans compromis pour sa libération.
Vive le grand et vaillant peuple libre du Cuba! Vive le grand et vaillant peuple d’Haïti en combat pour la liberté!
Veuillez agréer, Monsieur le président, l’expression de mes plus hautes considérations.
Dr Wilner Predelus
In nomine populi!
Ottawa, le 7 juillet 2025