D’un processus électoral à l’autre, la saga continue !

0
206
Me Gédéon Jean représentant du secteur des droits humains a contesté la décision du CPT de l'écarter du Conseil Électoral Provisoire (CEP)

(6ème partie)

 

Malgré le plaidoyer du dirigeant de l’OCNH, Me Camille Occius, en faveur de ses troupes, celui-ci n’a pas convaincu le groupe d’en face, notamment l’indécrottable Pierre Espérance, le tout puissant patron du RNDDH qu’on ne présente plus. Invité sur Magik9 le lundi 26 août, Pierre Espérance devait qualifier l’élection de Gédéon Jean de « Zafra », sorte de méli-mélo en complicité avec Frinel Joseph, membre du CPT et surtout chargé des questions électorales au sein du Collège présidentiel. Derrière Gédéon Jean, le Directeur exécutif du RNDDH voyait la main de Frinel Joseph qui souhaiterait imposer son ami du CARDH. « L’OCNH a semé le désordre. Si deux organisations doivent mener un processus, une seule organisation ne peut pas décider unilatéralement de le faire alors qu’elle ne voulait pas respecter ses propres critères pour ensuite organiser un « Zafra ». Ce qui s’est passé est un « Zafra ».

Le Conseil est devant sa responsabilité face à cette situation. La POHDH a envoyé trois documents au CPT pour dénoncer l’ingérence de Frinel Joseph. C’est au Conseil d’assumer ses responsabilités. Si l’OCNH n’est pas en complicité avec le Conseil et en particulier avec Frinel Joseph qui a fait ingérence pour imposer son poulain Gédéon Jean, il devrait rejeter ces résultats, car le Conseil avait mandaté deux organisations pour mener le processus. La POHDH qui avait été mandatée par le gouvernement comme l’une des organisations devant mener le processus de désignation du représentant du secteur des droits humains au Conseil électoral provisoire, s’est retirée du processus. Cette décision a été signifiée au CPT. »

Pourtant, Gédéon Jean croyait pouvoir s’en sortir en dépit de l’opposition des autres protagonistes du secteur des droits humains. Partout, il faisait du forcing et tentait d’expliquer que son élection était le fruit de son travail depuis des décennies dans le domaine des droits humains. La contestation qu’il croyait être une « révolte » non pas une « révolution » allait tout de même l’emporter à la fin. En effet, le Président du Centre d’Analyse et de Recherche en Droit de l’Homme expliquait la manière dont les choses se sont passées et comment et pourquoi c’est lui qui a été élu pour être au CEP sans se douter que la fronde allait le renverser comme bien d’autres avant lui dans cette compétition. Et vu la force avec laquelle les prétendants se bagarraient, on comprend qu’être membre du CEP cache d’autre chose, d’autres intérêts qu’être simple membre d’un organisme provisoire ayant pour vocation à organiser un scrutin pour élire les futurs dirigeants du pays.

A l’issue de son élection, Me Gédéon Jean devait accorder une interview sur Magik9. Interview dans laquelle il disait ce qui suit : « Les élections d’aujourd’hui réaffirment la confiance que le secteur des droits humains a placée en moi, après dix années de militantisme pour les droits de l’homme. C’est une récompense de mon parcours dans un secteur qui a pris des engagements dans des moments extrêmement difficiles. Les gens connaissent l’engagement que j’ai toujours pris en faveur de ce secteur. À la vérité, tout le monde sait que par le passé, c’est la POHDH qui dirigeait ce processus, mais aujourd’hui, le contexte a changé, et c’est avec l’OCNH qu’elle devait le faire. Il y a eu des divergences ; ils ont travaillé pour élaborer un guide, qu’ils ont ensuite publié.

HTML tutorial

Sur cette base, 135 organisations se sont inscrites et trois candidats se sont présentés. Le processus s’est poursuivi conformément au guide. Au nom de la démocratie, une institution peut se retirer de ce processus, tout comme moi, en tant que candidat, j’aurais pu me désister, mais cela ne peut pas bloquer le processus. » Alors que le délai imparti à toutes les organisations a été épuisé, le CPT était toujours dans l’impasse et incapable de prendre une décision. Mais, vu que la présidence n’avait rien annoncé, on s’attendait à ce qu’elle prolonge une nouvelle fois la date de désignation. Surtout que les organisations des femmes n’arrêtaient pas de se contredire sur le nom de leur représentante bien que celle élue par Dialogue Inter-Femmes, Yves Marie Édouard, tenait toujours la corde.

Le mercredi 28 août 2024, soit deux jours après la date fixée par les autorités, on apprenait, lors d’une conférence de presse, qu’il y a eu une nouvelle élue pour le secteur Femme le 26 août. Il s’agit de Marie Rebecca Guillaume d’après les organisatrices. Ce sont les organisations féministes Kay Fanm, Solidarité des Femmes Haïtiennes (SOFA), Kri Fanm Ayiti (KRIFA), la Fondation TOYA et la Fédération des Organisations de Femmes pour l’Égalité des Droits Humains (FEDOFEDH) qui ont fait cette annonce. Mieux, on apprenait que l’heureuse élue ne l’a emporté que par 5 voix d’écart sur quatre autres candidates que sont : Mme Ericarme Joassaint, Mme Greatz Marie Lydie Sironel Gracia Charles, Mme Maranatha Millien et Mme Marie Françoise Boursiquot, autant dire comment la suspicion règne sur le petit monde du secteur Femmes en Haïti et sur une élection sujette à des contestations inéluctables. C’est une grande dame de cette mouvance, Danielle Magloire, de l’Association Kay Fanm, qui était à la parade cette fois-ci.

C’est elle qui avait annoncé, rassurante et avec force détails, la victoire de Marie Rebecca Guillaume lors de cette rencontre avec les médias. « Pour ce processus électoral, les dossiers ont été soumis du 14 au 18 août 2024. Parmi les 116 organisations inscrites, 82 ont respecté les délais, tandis que 43 ont soumis leurs dossiers en retard. Après une analyse rigoureuse, seules 22 organisations ont été validées pour participer à l’élection. Plusieurs dossiers ont été rejetés pour diverses raisons : certains étaient incomplets, d’autres n’étaient pas liés à la promotion et à la défense des droits des femmes, et certains provenaient d’organisations mixtes dirigées par des hommes. Le scrutin s’est déroulé selon une formule hybride, avec un vote en ligne le matin et un autre en présentiel l’après-midi. Au total, 14 organisations y ont participé : 12 ont voté en ligne et 2 en présentiel. La séance a été supervisée par M. Patrick Pierre-Louis, bâtonnier de l’ordre des avocats de Port-au-Prince.

Malgré les tentatives d’intimidation incluant des insultes, de la désinformation et des menaces, le processus a été maintenu avec intégrité. Par ailleurs, les membres organisateurs n’ont pas envoyé de candidatures et n’ont pas participé au vote. » Sitôt annoncé, sitôt contesté par le Dialogue Inter-Femmes (DIFE) disant ne pas comprendre la logique des dirigeantes de l’organisation Kay Fanm qui contestaient l’élection de Yves Marie Édouard avec la participation de 500 organisations tandis qu’elle n’aligne que 14 pour son scrutin. « DIFE est stupéfait d’apprendre que seulement 14 organisations ont participé à cette élection, alors que près de 500 organisations sur toute l’étendue nationale avaient pris part au premier scrutin qui avait consacré la victoire à Yves Marie Édouard. Cette faible participation de structures entache cette seconde élection d’un déficit de représentativité et de légitimité. » Le mois de septembre est là ! Le Conseil Électoral Provisoire annoncé, reporté, prolongé par le CPT durant les mois de juillet et août n’a toujours pas été mis en place. Impatiente, la Communauté internationale a tenté, en vain, de faire bouger un peu les acteurs socio-politiques et les autorités haïtiennes. Ce sont les américains qui vont faire entendre leur voix.

La Maison Blanche avait envoyé son Secrétaire d’État, Antony Blinken, à Port-au-Prince le jeudi 5 septembre 2024, une première après des années sans aucune visite à ce niveau en Haïti. Venu pour une journée en Haïti, le chef de la diplomatie américaine en a profité pour sermonner tous les protagonistes allant du Président du CPT, Edgard Leblanc Fils, au dernier des leaders politiques haïtiens qu’il avait rencontré à l’ambassade des Etats-Unis dans la banlieue de Port-au-Prince à Tabarre et à la résidence de l’Ambassadeur US, Dennis Hamkins à Bourdon. Après leur avoir passé un savon et dit ses quatre vérités sur la situation politique haïtienne, celui qui parlait en patron, d’autres diraient en « Maître » qui passait des ordres à ses esclaves, s’est envolé pour Washington. Mais depuis l’aéroport Toussaint Louverture avant de boucler sa brève visite sur les terres haïtiennes, Antony Blinklen, a remercié tout particulièrement les leaders de la CARICOM, artisans sous leadership des Etats-Unis de la création du CPT et de l’installation du gouvernement de Garry Conille à la suite de la chute d’Ariel Henry en mars 2024.

Le Conseil Électoral Provisoire (CEP) de sept (7) membres en attendant de trouver les deux autres dont les secteurs n’ont pas fini de se battre.

Ensuite, le diplomate américain devait souligner que « Les Haïtiens ont mis sur pied un Conseil Présidentiel de Transition et un Gouvernement dirigé par un Premier ministre. Et nous sommes en train de constater que les institutions sont en train d’avancer pour faire le travail au bénéfice du peuple haïtien. Les États-Unis apprécient l’engagement des leaders haïtiens à travailler ensemble afin de mettre le pays sur la voie des élections libres et démocratiques. Les États-Unis espèrent que le CPT va rapidement former le Conseil Électoral Provisoire afin d’organiser ces élections. Ce sera là une étape très importante. Nous saluons également les efforts déployés par Haïti pour répondre aux allégations de corruption, promouvoir la transparence et la responsabilité. Ces éléments sont essentiels pour que le gouvernement de transition conserve la confiance du peuple haïtien ». Un mélange d’encouragement et de menace vis-à-vis de toutes les parties prenantes haïtiennes. Les jours et les semaines passaient. Le CEP était toujours en gestation. L’on est pratiquement au point de départ. Les différents secteurs en litige n’arrivaient pas à se départager.

Le mercredi 10 septembre 2024, le CPT aurait pu prendre l’arrêté nommant le CEP lors d’un Conseil des ministres puisque tout était prévu à cet effet. Sauf que, faute de consensus cette fois entre les 9 Conseillers-Présidentiel, le Conseil des ministres n’a pu avoir lieu. Il a été renvoyé sine die. Entre temps, un ultime délai a été donné aux secteurs et aux contestataires pour trouver une solution. Dans la foulée, la présidence laissait entendre qu’« Il y a toujours trop de contestations dans les secteurs sur le choix de leur représentant au CEP, c’est pourquoi on n’a pas pu réaliser le Conseil des ministres qui devait statuer sur la nomination des membres de l’institution électorale. Nous allons maintenant inviter au CPT les secteurs qui ont du mal à se mettre d’accord sur le choix de leur représentant au CEP afin de les aider à trouver un compromis. Le CPT ne souhaite pas nommer un CEP incomplet, nous allons les rencontrer tous pour essayer de débloquer la situation.

Maintenant si après cette rencontre, les membres des secteurs divisés n’arrivent toujours pas à s’entendre, nous allons nous-mêmes désigner des noms parmi ceux qu’ils nous ont envoyés pour compléter le Conseil électoral en fonction du TDR (Thème de référence) que nous avions envoyé aux secteurs.» Pourtant, malgré cette mise en garde des autorités gouvernementales, les dirigeants du secteur des droits humains n’en démordent pas. Dans une note de presse datant du 12 septembre 2024 portant la signature de Alermy Piervilus, Secrétaire exécutif de la Plateforme des organisations de défense des droits humains (POHDH), celui-ci s’en prenait à son confrère de l’OCNH, en l’occurrence à Me Camille Occius qui, d’après lui, est un allié de Frinel Joseph, membre du CPT. Alermy Piervilus devait déplorer la responsabilité que le CPT a confiée à M. Joseph de coordonner les questions électorales pour le Collège présidentiel. Dans sa note de presse, il estime : « A la grande surprise de la POHDH, l’OCNH a organisé unilatéralement la farce du 26 août 2024 sans crainte aucune et en dépit du fait que deux (2) organisations avaient été chargées de mener le processus à terme.  Le Conseiller Frinel Joseph est un allié de Gédéon Jean, le responsable du Centre d’analyse et de recherche en droits humains (CARDH). Nous déplorons et questionnons les responsabilités qui ont été confiées à Frinel Joseph pour la mise en place du CEP. C’est une grave erreur qui, aujourd’hui, est à la base des dérives enregistrées au sein de plusieurs secteurs qui avaient pour tâche de coordonner les opérations visant à désigner leur représentant.e au CEP. » Avec cette énième sortie de ce secteur sur le dossier, le Conseil Présidentiel de Transition a compris qu’il sera difficile d’avancer. Comme le Conseiller Frinel Joseph l’avait annoncé, l’exécutif a fini par passer de la parole aux actes en nommant, presque en catimini, un Conseil Électoral Provisoire (CEP) de sept (7) membres en attendant de trouver les deux autres dont les secteurs n’ont pas fini de se battre.

Nous disons que ce CEP incomplet a été formé et annoncé quasiment en secret et en silence des brouhahas habituels s’agissant de la formation d’un CEP provisoire depuis 1987. En effet, il fallait se rendre sur le Compte X de la Primature le mercredi 18 septembre 2024 pour avoir l’information. Qu’apprenait-on ce jour-là ? La note publiée par les services du Premier ministre indique que « Lors du Conseil des ministres de ce mercredi 18 septembre 2024, réuni en séance régulière sous la présidence du Président du Conseil Présidentiel de Transition, Monsieur Edgard Leblanc Fils, accompagné des Conseillers-Président, Messieurs Smith Augustin, Louis Gérald Gilles, Fritz Alphonse Jean, Lesly Voltaire, Frinel Joseph et Emmanuel Vertilaire, et du Premier ministre, Monsieur Garry Conille, ainsi que des membres du gouvernement, sept membres du CEP sur neuf ont été nommés.

 Il s’agit de : Madame Schnaida Adély, représentante des Communautés Vodou ; Monsieur Patrick Saint-Hilaire, représentant de la Conférence Épiscopale d’Haïti ; Monsieur Peterson Pierre-Louis, représentant des Cultes Réformés ; Madame Marie Florence Mathieu, représentante du Conseil de l’Université ; Monsieur Jacques Desrosiers, représentant des Associations de Journalistes ; Monsieur Jaccéus Joseph, représentant des Associations de Paysans ; Monsieur Nemrod Sanon, représentant des Syndicats. » Pour les autorités, quoique leur démarche de nommer un CEP de (7) sept membres soit contestée et incompréhensible, l’essentiel dans ce dossier, c’est qu’elles avancent et avec cette décision qui, contrairement à ce que certains disaient, n’est pas inédite dans l’histoire des CEP provisoires, elles sont passées de la théorie à la pratique.

La Primature et le CPT mettaient donc les deux autres secteurs manquant à l’appel devant leurs responsabilités en laissant même planer le doute que le pouvoir public pourrait même se passer de leur service en recourant à d’autres secteurs qui boudaient dans leur coin, notamment les « Handicapés » exclus pour la première fois du processus et brûlant de désir d’intégrer l’institution électorale. (A suivre)

 

 

C.C

 

HTML tutorial

LEAVE A REPLY

Please enter your comment!
Please enter your name here