Si les révolutions prolétariennes communistes et nationales anti-impérialistes, démocratiques, populaires contre le capitalisme impérialiste et son système mondial colonial et néocolonial du XXème siècle et du XXIème siècle ont pour matrice la Révolution d’Octobre 1917, les révolutions anti-féodales, anti-coloniales et anti-esclavagistes ont eu pour matrice les Révolutions bourgeoises parlementaire et républicaine anglaise et française en Europe, états-unienne et haïtienne en Amérique du nord au Sud au XVIIIème et XIXème siècle.
Comme nous l’écrivions en janvier 2010 « La malédiction » de Haïti, c’est l’impérialisme revanchard ! ». Le système de la dette que l’impérialisme a mis en place dans le cadre de sa « mondialisation » du néocolonialisme à la fin des années 70 contre les pays du « tiers monde », donc y compris l’Afrique, comme substitut à la colonisation directe a été inauguré la première fois au XIXème siècle contre Haïti. C’est ce que nos camarades du Parti Communiste du Bénin (PCB) décrivent fort justement comme suit : « La France est prête à reconnaître l’indépendance d’Haïti si ce dernier accepte de lui payer 150 millions de franc-or (soit 5 fois le propre budget de la France de l’époque) pour indemniser les propriétaires d’esclaves qui ont perdu leurs esclaves et leurs biens après la libération du pays. Comme le pays était isolé, comme la reconnaissance d’autres pays dépendait de celle de la France dont Haïti était la colonie, Haïti était obligée d’accepter ce marché de brigand, le couteau sur la gorge ». Le totalitarisme impérialiste de la « dette » qui s’est abattu sur le « tiers monde » au XXème siècle avait déjà pris la forme suivante au XIXème siècle : « le gouvernement français propose à Haïti d’emprunter cet argent auprès des banques françaises. Ces dernières vont le faire à des taux usuraires et insupportables. Ainsi, durant des années, l’île va payer un prix faramineux pour sa liberté. Les derniers remboursements de cette somme ont eu lieu en 1952, soit sur une période de 127 ans. Selon une enquête du New York Times de l’année 2022 rapportée dans le journal La Croix du 17 avril 2025 : « Ces paiements ont fait subir au pays caribéen entre 20 et 108 milliards d’euros de ‘perte de croissance économique’ et ont lourdement entravé ses investissements pour se développer » (idem). Ainsi « il apparaît clairement… La France a rançonné Haïti pendant plus d’un siècle après un acte de gangstérisme du roi Charles X en 1825. Cet argent volé au peuple haïtien et qui est l’une des causes des problèmes que traîne ce peuple martyr depuis longtemps, doit être remboursé avec dommages et intérêts » (idem). Ce que les impérialistes n’ont jamais pardonné à la petite mais GRANDE Haïti, c’est d’avoir lié indissolublement libération nationale indépendantiste et émancipation sociale abolitionniste de l’esclavage. Haïti est l’antithèse historique insupportable des indépendances non abolitionnistes d’Amérique à l’instar des USA et pour le capitalisme vainqueur du féodalisme à l’époque et pour son stade suprême aujourd’hui l’impérialisme. Le système prédateur de la dette piloté par les institutions de Bretton Woods d’aujourd’hui singe tout simplement la spoliation subie historiquement par Haïti.
Seconde République d’Amérique et première République noire indépendante
Comme nous l’écrivions en janvier 2010, « Voilà la grande contribution du peuple Haïtien à l’histoire d’émancipation des peuples avec la naissance du mode de production capitaliste et sa première phase de mondialisation. En effet, c’est en 1793 que fut abolie pour la première fois l’esclavage par les esclaves eux mêmes. Sous la direction de l’esclave Toussaint LOUVERTURE, les 400.000 nègres marrons d’Haïti chassèrent les 30.000 esclavagistes, les soldats Espagnols et Anglais qui menaçaient l’île et mirent en échec 50.000 soldats de Napoléon qui tentèrent de rétablir l’esclavage avant que Jean-Jacques DESSALINES, autre esclave, n’inflige une défaite cuisante à la bataille de Vertières aux armées napoléoniennes et ne proclame en 1804 l’INDEPENDANCE de HAÏTI. Dès lors Haïti devait subir un blocus et un harcèlement provocateur permanent de la part l’impérialisme esclavagiste et colonialiste français, européen et états-unien. En 1825, une nouvelle expédition militaire de 14 navires de guerres envoyé par le roi de France, CHARLES X, devait imposer au président Jean-Pierre BOYER l’échange de la reconnaissance de l’indépendance formelle du pays contre la dette par laquelle Haïti devait indemniser les esclavagistes Français : « art.2. les habitants actuels de la partie française de Saint-Domingue verseront à la caisse fédérale des dépôts et consignations de France, …, d’années en années …, la somme de cent cinquante millions de francs, destinée à dédommager les anciens colons qui réclameront une indemnité … art.3. Nous concédons, à ces conditions, …aux habitants actuels de la partie française de Saint-Domingue, l’indépendance pleine et entière de leur gouvernement … (Ordonnance du 17 avril de l’an de grâce 1825) ».
C’est ainsi qu’au 19éme siècle fut inaugurée l’instauration du système néo-colonial fondé sur la dette contre l’indépendance nominale. La forme que cela a pris en Afrique en 1960 a été « l’indépendance », c’est-à-dire le remplacement de la colonisation par les « rapports de coopération économique, monétaire, diplomatique, culturelle et militaire ».
Pour s’acquitter de cette « dette d’indépendance », Haïti fut contrainte d’emprunter des millions de francs-or aux banques françaises qui fixèrent le taux d’intérêt à 6 millions de francs-or. L’économie haïtienne passa de l’agriculture esclavagiste de plantation à l’agriculture d’exportation commerciale par laquelle elle fut intégrée à la « mondialisation » du capitalisme jusqu’à la forme actuelle de son stade suprême l’impérialisme.
C’est ainsi que naquit le système spoliateur d’endettement des ex-colonies qui perdure jusque de nos jours avec les diktats du Fonds Monétaire International (FMI), de la Banque Mondiale (BM) et de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC), notamment sur les pays d’Afrique.
Les impérialismes Français et Étasuniens s’entendent et rivalisent contre le peuple Haïtien
Au XIXème siècle, Haïti était déjà un enjeu majeur pour les USA qui avaient obtenu, tout comme Haïti l’indépendance par la lutte armée, mais qui maintenaient le système esclavagiste chez eux jusqu’à la guerre de sécession en 1865. Ainsi JEFFERSON président des USA, parlant de Haïti, a pu déclamer sa haine de « cette peste indépendantiste et anti-esclavagiste de nègres qui ont pris leur indépendance par les armes ». Et en 1914 au moment où tonnaient en Europe les canons de la guerre inter-impérialiste pour se repartager les colonies, l’impérialisme états-unien débarquait à Haïti pour l’occuper jusqu’en 1934. Haïti devient une néo-colonie du café et du sucre pour les USA.
La résistance farouche incarnée par le martyr Haïtien Charlemagne PERALTE devait obliger les Yankees à se retirer non sans avoir imposé l’abrogation de l’article de la constitution qui interdisait à des étrangers de posséder des entreprises monopolistiques à Haïti. Ententes et Rivalités vont dorénavant rythmer la mainmise des impérialistes Franco-états-uniens et canadiens sous la dictature fasciste des DUVALIER père et fils et des ‘tontons macoutes’ qui vont faire passer Haïti dans les griffes des recettes néo-libérales des plans d’ajustement structurel du Fond Monétaire International (FMI) et de la Banque Mondiale (BM). La dette Haïtienne équivalait à la somme de 900 millions de dollars, exactement la fortune volée par les tyrans DUVALIER exilés dans des palais dorés en France. La liquidation de la filière nationale de production de riz et de production du porc ‘créole’ mettra fin à l’autosuffisance alimentaire de Haïti. Combinée à la déforestation massive et à l’installation des ‘maquilas’ (entreprises d’assemblage pourvoyeuses d’une main d’œuvre non qualifiée), Haïti fut transformé par l’exode rural massif vers Port au Prince, la capitale, et l’émigration vers les USA, le Canada et la France en « pays le plus pauvre d’Amérique ».
En 1991, le prêtre Jean-Bertrand Aristide, partisan de la théologie de la libération répandue en Amérique du sud, prend le chemin de la résistance, mais il est renversé neuf mois après son élection par un putsch franco-états-unien et canadien. Les USA le ramènent 4 ans après, en octobre 1994 au pouvoir pour duper et calmer le peuple en colère. Et voilà qu’en 2004, à l’occasion du bicentenaire de la révolution anticoloniale et anti-esclavagiste de la première république noire indépendante, celui que les impérialistes croyaient avoir dompté se met à réclamer à l’Etat Français le remboursement des 21 milliards de dollars extorqués au 19éme siècle. Pour cet acte courageux, Aristide est à nouveau chassé par une expédition militaire de la France, des USA et du Canada. Il est littéralement kidnappé avant d’être expulsé en Afrique Centrale, puis il a été reçu en hospitalité par Mbeki le président d’alors en Afrique du Sud jusqu’à son retour en 2010. L’expédition militaire putschiste franco-états-unienne et canadienne a été ensuite déguisée en présence militaire Onusienne sous le nom de MINUSTAH ». Ce sont ces occupations militaires successives, ce non-respect des votes du peuple et la corruption endémique d’une bourgeoisie faillie qui délitent l’État haïtien au point de le livrer à des bandes armées qui associent souvent banditisme et indépendantisme.
Les brigands impérialistes n’ont aucun scrupule pour prétexter les séismes ou les « gangs » pour occuper militairement Haïti comme le dit l’Argentin Adolfo ESQUIVEL, prix Nobel de la paix, qui qualifiait fort justement la MINUSTAH élargie à des soldats des pays d’Amérique du Sud « d’intervention sous traitée par les États-Unis ». Ce petit pays de 27.750 km2 fait systématiquement l’objet d’une convoitise à chaque catastrophe naturelle comme le dénonçait fort justement Fidel CASTRO décrivant les « quatre cyclones et tempêtes qui ont causé 900 morts, laissé 800.000 sinistrés et détruit la maigre infrastructure civile du pays ». Ce peuple héroïque et martyr qui a donné naissance à Benito Sylvain émissaire de l’Éthiopie victorieuse de l’agression coloniale de l’Italie à Adoua en 1896, à Anténor Firmin auteur de « l’égalité des races humaines » en 1885, subit, depuis plus de 200 ans, l’utilisation de chaque catastrophe par l’impérialisme US, mais aussi franco-européen pour s’attaquer à sa souveraineté nationale chèrement acquise en 1804.
L’essence politique revancharde du traitement réservé à Haïti par les puissances impérialistes est dénoncée ainsi par l’écrivain Uruguayen Eduardo GALEANO : « L’histoire de l’acharnement contre Haïti, qui de nos jours prend des dimensions tragiques, est aussi l’histoire du racisme dans la civilisation occidentale ».
Voilà pourquoi nous devons exiger pour le peuple héroïque et martyr Haïtien : – l’annulation de la soi-disant dette Haïtienne – le remboursement des 21 milliards de dollars payés par Haïti à l’État français pour qu’il reconnaisse son indépendance – la réparation par les USA de son occupation d’Haïti durant plus de 20 ans – l’arrêt des tentatives d’interventions et d’occupations militaires de Haïti –.le respect de la souveraineté populaire et du vote du peuple Haïtien.
20 Avril 2025