Peur au ventre et cercueil sous le bras

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Coups de feu, accrochage entre policiers et militaires, des ‘failles’ séismisantes semant l’effroi, l’épouvante, la terreur, la mort. Des policiers face au Grand Quartier Général.

Le ventre semble avoir une place particulière dans l’expression des émotions. En effet, lors d’une anxiété ou d’une angoisse, une douleur abdominale peut apparaître, avec une sensation de « boule au ventre » qui, au demeurant, est un symptôme psychosomatique du stress.  Cette boulade au ventre est particulièrement présente lors de l’anticipation anxieuse d’un événement : un examen, un entretien d’embauche ou, dans un contexte politique aberrant, l’angoisse d’être, à n’importe quel moment, violemment agressé.

Bien sûr, il ne faut pas prendre à la lettre l’expression « peur au ventre ». N’empêche, elle n’est toutefois pas lettre morte. Elle existe, et sans doute, à des degrés divers. On pourrait la comparer aux tremblements de terre. Ainsi, une grosse secousse correspondrait à un kidnapping avec demande de rançon. Alors, la peur au ventre des membres de la famille ou même du voisin ne peut être que très forte, secouante. La « boule au ventre », psychosomatique, peut même s’accompagner de vrais signes organiques: nausée, vomissements, diarrhées.

Les secousses sismiques peuvent aussi être si minimes qu’elles peuvent passer presque inaperçues; j’ai failli dire inaperdues, comme un loustic de mes connaissances. Même, on essaie  de s’y habituer. Mais Mère Nature a ses lois, cosmiques, au rythme desquelles elle déplace ses fameuses ‘failles’. Elle le fait seulement dans des conditions géologiques bien précises, de façon sporadique, périodique.

Partout des cercueils : sous le bras, sur le sol, dans un parloir funèbre. C’est la peur au ventre partout dans le pays.
Partout des cercueils : sous le bras, sur le sol, dans un parloir funèbre. C’est la peur au ventre partout dans le pays.

Or, voilà que depuis quelque temps, en Haïti, on se trouve «en situation sismique» permanente. La population se trouve à la merci des faiseurs de tremblements de terre, utilisant leur propre échelle Richter. Ils ne chôment pas. Damant le pion à Jovenel qui n’est jamais arrivé à garantir l’électricité 24/7, ils sismisent, richtérisent, créent de fortes émotions, quotidiennement, à toute heure, à la minute presque. Voilà donc tout un peuple, tout un pays, la peur au ventre, en proie aux caprices géosecouants, souvent homicides, d’une meute de charognards, de tueurs en série pathologiques.

Le pays en est arrivé au point où l’on pourrait parler d’un « mal sismico-politico-criminel » qui n’épargne personne, encore que les couches sociales les plus défavorisées semblent être plus souvent que non les victimes de cette ‘faille’ nommée délinquance criminelle, en secouance permanente. Les autorités concernées ont beau annoncé des mesures « appropriées, vigoureuses » pour combattre l’hydre séismique, la bête continue à chevaucher les failles séismisantes semant l’effroi, l’épouvante, la terreur, la mort. Comment alors ne pas vivre avec la peur au ventre ?

D’aucuns mentionnent les «faibles moyens» de la PNH, comme pour atténuer sinon justifier la « faiblesse » capacitative de neutralisation des ‘failles’ par les policiers, alors que chaque zotobre du gouvernement compte à son actif une meute de barbouzes pour le protéger d’on ne sait qui ou quoi; alors que tel Premier ministre aux propensions caprines a vendu à l’État haïtien 1.000 cabris à 31.000 gourdes l’unité, tandis que le prix d’un bèbèbè n’excède même pas 10.000 gourdes ; alors que ce PM cabritant aurait soudoyé des parlementaires après avoir fait décaisser pour sa soudoyure un demi-million de dola vèt. Nèg gen move mannyè, et cette mauvaiseté des manières, assurément elle aussi donne la peur au ventre.

Le pays vit non seulement le drame d’un « mal sismico-politico-criminel » mais aussi une situation de « crise omniprésente » : crise alimentaire, crise sécuritaire kidnappante, crise inflationnelle, la gourde enfle comme un ballon ; crise dans les hôpitaux, dans les orphelinats ; crise au sein des partis et même au sein des sans-parti. N’est-ce pas une société qui vit avec la peur au ventre ? Peur de mourir de faim, de mourir dans un hôpital faute de soins d’urgence ; peur d’être kidnappé, de se faire occire,

On est partis pour une situation de crise sans fin: la production agricole est en dans une crise gravissime, quelques sénateurs dans l’impossibilité de retrouver leur siège dans l’hémicycle sont à la fois en crise et en zing de contrariété ; le corps des policiers est en crise, des tribunaux sont en crise, il ne nous reste plus à entendre que des prêtres, la peur au ventre, sont en pleine crise d’avoir raté leur vocation, et sont en voie accélérée de défroquation.

Tel journaliste bien intentionné, quoique naïf, réclame du président de la république de « bien jouer sa partition dans cette situation chaotique » d’autant qu’il est « garant de la bonne marche des institutions ». C’est comme demander au sel d’être sucré. D’abord, Jovenel n’est pas un musicien ; monsieur est un « ingénieur » diplômé de l’École nationale supérieure d’architecture de Toulouse (ENSA Toulouse) selon mes investigations fouyapotardes. Fût-il même musicien, ses souflantyou de conseillers lui auraient mis la partition tête en bas.

Ensuite, Jovenel est rompu à la «mauvaise marche» des institutions, depuis sa « bananeraie » qui a fait faillite jusqu’à sa « Caravane » sans oublier sa grande performance siphonnante du pétrole PetroCaribe. Depuis la mobilisation Kote kòb PetroCaribe a, Jovenel est dans ses petits souliers, lesquels peuvent lui avoir envoyé des messages codés sous forme de « boules au ventre ».

Jovenel Moïse pensif, la peur au ventre, lui aussi.

Enfin, Jovenel est un gros capon qui a eu peur des ‘‘Trumperies’’ washingtoniennes, capitulé et trahi le Venezuela ; peur des masses haïtiennes qui auraient pu le capoter, n’était-ce la maladresse crasse d’une opposition nullissime ; peur de madanm ni qui a fait le forcing du juteux contrat Dermalog au coût de 27 700 000 dollars américains et dont on ne sait ce qui est advenu de ce dermalogant pactole. Autant de peurs génératrices de peur au ventre. Jovenel assurément a peur de mourir. Je vous parie qu’il doit être sous Imodium, un antispasmodique, un anti-diarrhéique.

Le dimanche 23 février,  au Champ de Mars, un concert de tirs nourris déchirait l’air. « Plusieurs centaines de personnes, dont des motards, des policiers en uniformes et des individus encagoulés qui seraient proche du syndicat autoproclamé de la PNH, selon Le Nouvelliste, sont arrivées au cœur de la capitale haïtienne après avoir manifesté dans les rues de Port-au-Prince et de Delmas. Des coups de feu avaient été entendus dans le sillage de la manifestation. Au niveau du Champ de Mars, les coups de feu ont redoublé. «

« Selon des témoins de la scène, rapporte Le Nouvelliste, la situation a dégénéré en un affrontement après que des policiers se réclamant du syndicat de la police nationale sont arrivés et ont tiré en l’air. Les militaires du grand quartier général des Forces Armées d’Haïti (FADH), ont d’abord riposté par des tirs de sommation. Sur place, d’autres témoins indiquent que ce sont les militaires qui assurent la sécurité du grand quartier des Forces Armées d’Haïti (FADH), paniqués, qui ont ouvert le feu les premiers. Qui croire ? Sinon que, depuis, la population vit la peur au ventre craignant un affrontement généralisé entre la PNH et les  (FADH),

Il n’y a pas eu que Port-au-Prince à s’enflammer dans un affrontement armé inédit. Au Cap Haïtien, la situation était tendue également à quelques heures du lancement du carnaval. Deux véhicules ont été utilisés comme barricade pour obstruer la circulation au niveau du boulevard Carénage pour empêcher le passage du cortège carnavalesque. Selon Le Nouvelliste, « des membres de la population manifestent dans les rues aux côtés de policiers en uniforme qui ont fait usage de leurs armes à feu pour tirer en l’air en égrenant les mêmes revendications qu’à Port-au-Prince : un syndicat au sein de la PNH et de meilleures conditions de travail.

« Dimanche, premier jour gras, peu après trois heures de l’après-midi, des manifestants cherchaient le char de Sweet Micky pour l’incendier. Des chars allégoriques qui devaient prendre part au cortège carnavalesque du Cap-Haïtien ont été détruits », toujours selon Le Nouvelliste. Si ce n’est pas une situation de panique de nature à alimenter la peur au ventre, c’est quoi alors ?

Coups de feu, accrochage entre policiers et militaires, des failles séismisantes semant l’effroi, l’épouvante, la terreur, la mort, on ne peut pas parler seulement de peur au ventre, une métaphore française. Se franse ! Notre créole exprime mieux la sinistre réalité : chaque Haïtien se promène avec son cercueil sous le bras, sans même s’en rendre compte. Tristement, les autorités s’en fichent royalement, l’opposition continue les tractations, les marchandages, les maquignonnages, les tetelang entre eux et avec l’ennemi qu’on aime nommer « l’international ».

La peur au ventre continue et les Haïtiens sont dans les rues, cercueil sous le bras.

 

23 février 2020

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