Caducité du Parlement, la revanche de Jovenel Moïse !

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Les Sénateurs Jean Renel Sénatus et Youri Latortue

Il ne fait aucun doute que le Président Jovenel Moïse attendait la date du 13 janvier 2020 avec impatience. Et on ne peut pas dire qu’il s’en cachait. D’ailleurs, c’est avec délectation et une envie folle de prendre sa revanche sur l’opposition qu’il s’est exprimé sur ce sujet au moment où personne ne s’y attendait. Et pour cause. La République tout entière dormait. Tout le monde, en effet, était au déjà au lit après une longue, très longue journée passée dans les diverses cérémonies de commémoration du séisme qui a fait un nombre incalculable de morts et de victimes le 12 janvier 2010. Tout le monde ! Pas vraiment. Sauf, le chef de l’Etat qui patientait devant son horloge et smartphone en main pour crier sa victoire en pleine nuit plus exactement à 0 heure et 2 minutes dans un twitte. En Haïti, on le sait tous, depuis des lustres, les dirigeants politiques adorent les opérations « Chanpwèl », des opérations ou des décisions qui se font en pleine nuit et sans aucune raison apparente.

Jovenel Moïse a repris son nouveau slogan de « Ti rès la se pou pèp la ».

Pour constater la caducité de la 50e législature le deuxième lundi du mois de janvier, le Président Jovenel Moïse a frappé fort. Sans attendre le Jour-J, c’est-à-dire, le lundi 13 dans la matinée, impatient de rire au nez des sénateurs de l’opposition, entre autres Youri Latortue, c’est dans la nuit de dimanche à lundi qu’il a posté son premier twitte vengeur annonçant la nouvelle « Ce lundi 13 janvier 2020 ramène la fin de la 50e législature. Nous constatons la caducité du Parlement par le départ de la Chambre des députés et des 2/3 du Sénat » écrit le Président de la République. Dans ce twitte, on devine avec quel sentiment de réjouissance il a pris plaisir à poster ce message en guise d’annonce à la nation. Non content de se moquer des sénateurs dont la durée du mandat est en débat constant dans les médias et dans l’opinion publique, le locataire du Palais présidentiel a enfoncé le clou dans un second twitte posté presque à la même heure que le premier. Il écrit: « Ce vide institutionnel est une occasion historique pour les acteurs de se mettre ensemble en vue d’engager les réformes qui doivent aboutir à la transformation de cet État prédateur en un État serviteur qui mettra un terme à cette crise permanente qui hypothèque l’avenir du pays ».

Incontestablement, le désormais tout puissant Président Jovenel Moïse est motivé à bloc. Il se sent prêt à faire face à toutes éventualités. Il est dans le starting-block, prêt à s’emparer de « ti rès pouvwa pèp la » (le Parlement). C’est un total de 19 sénateurs en fonction plus un enfermé dans un pénitencier fédéral des Etats-Unis, en Floride, soit 20 élus du grand Corps qui sont concernés par les deux twittes du Président. Pour l’histoire, ce sont les sénateurs : Antonio Chéramy dit Don Kato, Évalière Beauplan, Jacques Sauveur Jean, Carl Murat Cantave, Wilfrid Gélin, Ricard Pierre, Hervé Fourcand, Sorel Jacinthe, Francener Dénius et Nawoon Marcélus pour le premier tiers. Le deuxième tiers comprend : Youri Latortue, Nènel Cassy, Ronald Larêche, Onondieu Louis, Dieudonne Luma Étienne, Jean Renel Sénatus, Willot Joseph, Jean-Marie Junior Salomon, Dieupie Chérubin et Guy Philippe. Ce dernier subit une peine de neuf ans de prison aux USA pour trafic de drogue. Et il faut rajouter les 118 députés arrivés en fin de mandat. C’est un coup dur pour l’opposition.

Le Sénateur Jean Mary Salomon

Finalement, après une courte nuit de sommeil, le Président Jovenel Moïse s’est réveillé lundi 13 toujours avec ce dossier de la fin de la 50e législature sur les bras. Pour être plus explicite, il a convoqué les journalistes au Palais national pour une conférence de presse afin de se dédouaner de toute responsabilité de ce qui est arrivé aux sénateurs. En fait, en guise d’explication sur la fin de la 50e législature et la caducité constatée du Parlement, c’est à un véritable discours politique que le Président de la République s’est livré ; surtout à une charge en règle contre les parlementaires. Il met en cause forcément la responsabilité de ces derniers qui n’ont pas su jouer leur rôle de législateurs durant ces quatre années de mandature. Le Président cite en exemple, les six séances avortées tantôt au Sénat tantôt à la Chambre des députés sur différents sujets et projets de loi que le Pouvoir exécutif avait envoyés au Palais législatif.

Il n’a point oublié les péripéties de ses deux Premiers ministres nommés qui n’ont pas pu présenter leur Déclaration de politique générale ou qui ont été purement et simplement empêchés de s’approcher de l’Hémicycle du Sénat. Il est revenu bien sûr sur les convocations à l’extraordinaire des sénateurs et des députés en Assemblée Nationale qui n’ont jamais eu lieu parce que les parlementaires n’avaient pas répondu aux convocations de leur Président respectif. « J’ai convoqué le Parlement en session extraordinaire le 12 septembre 2018 pour voter le projet de loi électorale, cela n’a pas été fait. En novembre 2018, le budget dans lequel il y avait une enveloppe de 40 millions de dollars pour la réalisation des élections avait été déposé au Parlement. Malheureusement, en janvier 2019, ce budget avait été retourné à l’exécutif » détaillait-il lors de son adresse à la nation. Bref, le chef de l’Etat se lave les mains du gâchis de la 50e législature et de la non-organisation des élections pour remplacer les élus sortants.

Dans cette conférence de rentrée du Président de la République sur la caducité ou le dysfonctionnement du Parlement (ces termes font débats) qui s’est transformée en une déclaration politique à l’attention de l’opposition et d’une partie de la bourgeoisie, Jovenel Moïse a repris son nouveau slogan de « Ti rès la se pou pèp la ». Il s’est même réjoui de la situation qui, selon lui, devrait permettre à l’Etat de récupérer le reste du budget octroyé au Sénat et à la Chambre basse afin de conduire des projets au bénéfice de la population. Selon ses propres calculs, le fonds restant dans les caisses de ces deux assemblées (Sénat et Chambre des députés) entre janvier et septembre 2020 avoisinerait plus d’un milliard de gourdes. Le Président qui se place déjà dans le fauteuil du chef de gouvernement sait à quoi pourrait servir ce pactole que va recueillir l’Etat.

Sans demander l’avis de personne, le Président croit qu’il pourra construire au moins une dizaine de lycées à travers les régions d’Haïti avec le milliard que le Trésor Public va économiser suite au dysfonctionnement du Parlement. Certes, il reste au moins neuf (9) sénateurs en fonction jusqu’au en 2023 qui sont – Patrice Dumont, Garcia Delva, Rony Célestin, Jean Rigaud Bélizaire, Denis Cadeau, Jean Marie Ralph Féthière, Wanique Pierre, Joseph Lambert et Pierre Francois Sildor – mais constitutionnellement ces 9 rescapés ne pourront rien contre le pouvoir exécutif. Ils ne pourront nullement contrôler les actes et les décisions posés par Président Jovenel Moïse qui semble bien décider à s’emparer de la totalité des pouvoirs de ces deux Pouvoirs (Exécutif et Législatif) jusqu’au moment où il sera possible d’organiser de nouveaux scrutins pour combler le vide constitutionnel.

C’est là tout le paradoxe de cette situation totalement aberrante pour certains, frustrante pour d’autres mais qui est logiquement un non sens. Le Président de la République dit qu’il a constaté la caducité du Parlement, c’est un fait, tout le monde le constate aussi. Mais il faut bien y voir, car cela suscite toute une série d’interrogations. A qui la faute ? Est-ce à monsieur tout monde ? La réponse est certainement non. D’ailleurs, même pas aux parlementaires qui, certes, ont une grande part de responsabilités dans le dysfonctionnement de leurs Assemblées. C’est au Pouvoir exécutif et à lui seul que les Constituants ont incombé la charge d’organiser toutes les élections dans le pays, pas aux deux autres Pouvoirs (législatif et judiciaire). C’est aussi au Pouvoir exécutif qu’il revient, selon la Constitution, de prendre toutes les mesures qui s’imposent en vue de permettre la bonne marche des institutions républicaines quelles que soient les circonstances.

le Président croit qu’il pourra construire au moins une dizaine de lycées avec le milliard que le Trésor Public va économiser suite au dysfonctionnement du Parlement.

Or, depuis tantôt trois ans (7 février 2020) que le Président Jovenel Moïse est installé à la tête du pays, il n’a pas su donner les moyens pour pouvoir organiser des scrutins afin de remplacer les élus dont il savait que le mandat arrive à expiration à des dates fixes. En 2018, compte tenu déjà de la situation politique délétère du pays, il avait choisi de signer un accord avec le Président du Sénat afin de garder en place le premier tiers des sénateurs arrivés en fin de mandat. C’était à lui en tant que chef du Pouvoir Exécutif de créer ou d’user de ses pouvoirs constitutionnels afin de permettre la réalisation de ces élections non tenues.

Il savait qu’un autre tiers du sénat devrait partir au début de cette année 2020 aussi bien que les 118 députés dont le mandat de quatre ans arriverait à expiration avec pour conséquence, au cas où il n’y aurait pas eu de scrutin, le dysfonctionnement pur et simple de cette institution dont la mission et le rôle sont le fondement même de tout système démocratique. Or, le chef de l’Etat, tout en ayant une majorité relative au Sénat et une large majorité à la Chambre des députés, a laissé traîner le dossier du CEP (Conseil Électoral Provisoire) et l’organisation des élections au lieu de déclencher le processus en temps opportun. En vérité, le Président ne s’est jamais inquiété de l’absence des élections depuis son investiture au Palais national il y a  bientôt trois ans. Et c’est là que le débat sur les responsabilités du chef de l’Etat devient intéressant dans la mesure où ce ne sont pas les parlementaires ni les élus des Collectivités territoriales (Maires, Asec, Casec et autres) qui doivent mettre en branle le processus électoral en vue de leur remplacement à la date prévue.

Et on peut comprendre la tentative de rébellion de certains sénateurs qui se disent victimes du caprice et de la vindicte présidentielle qui, à minuit, se précipite sur sa Tablette pour  Twitter « Nous constatons la caducité du Parlement et nous prenons acte de ce vide institutionnel… », comme si pour lui ce était rien d’important. Alors qu’il s’agit de quelque chose d’assez grave dans la vie d’un Etat dit démocratique, en tout cas, qui lutte pour resteler dans concert des Nations ayant pour seule boussole : la démocratique représentative. Il n’y a aucun doute que le mandat de ces sénateurs est arrivé à terme le lundi 13 janvier 2020 ; la Constitution est assez claire sur ce point, le Sénat se renouvelle par tiers. Or, si le premier tiers était encore là c’était grâce à l’accord politique cité plus haut.

Donc, sur ce point, les sénateurs savaient qu’ils devraient quitter le Bicentenaire sans aucune discussion. Quant au second tiers, ces sénateurs aussi savaient que s’il n’y avait pas eu d’accord en 2019 comme pour leurs collègues du premier tiers, eux aussi devraient vider les lieux et quitter le Bord de mer. Mais, là où le bât blesse, c’est que ces 2/3 de sénateurs ne sont pas responsables de leur sort. Ils n’étaient pas chargés d’organiser leur propre réélection l’année dernière.

D’où leur incompréhension devant cette injustice politique. Sauf que, le sort en est jeté. Ils ne peuvent pas contrecarrer le verdict présidentiel qui, très calmement, a constaté, comme vous et moi, la fin de la 50e législature, point barre. Tandis que pour lui, pourtant le vrai responsable de ce dysfonctionnement institutionnel, non seulement il n’y aura aucune réprimande ou sanction politique, car il sera le grand bénéficiaire de ce vide institutionnel et parlementaire. Ce n’est pas juste disent certains, c’est une aberration politique pour d’autres. Somme toute c’est une faille constitutionnelle. Et l’on comprend mieux pourquoi les chefs du Pouvoir Exécutif haïtien ne sont jamais pressés ou guère intéressés à organiser la moindre élection pendant la durée de leur mandat quand ils ne détiennent pas, d’ailleurs, le pouvoir à vie. Depuis 1987, l’année de la proclamation de la nouvelle Constitution, pratiquement aucun Président de la République élu ou provisoire à quelques exceptions près, n’a organisé à temps des élections au moment prévu par les Constituants.

Le Président Jovenel Moïse l’a rappelé lors de sa fameuse conférence de presse du lundi 13 janvier 2020. Il n’est pas le premier et malheureusement, l’on craint fort qu’il ne soit pas le dernier à avoir  constaté la caducité du Parlement en Haïti. Il y avait les 45e, 46e et 49e législature qui n’avaient pas été remplacées comme le veut la Constitution. Les plus célèbres sont bien évidemment celle sous la présidence du feu Président René Préval en 1999 qui avait entamé un bras de fer avec sa propre majorité parlementaire pour la nomination d’un Premier ministre. Ti René avait préféré attendre la fin de la 46e législature pour constater la caducité du Parlement et confirmer ainsi son choix. Rien absolument, rien ne s’était passé après. Pour tout le monde c’était presque normal que le Président gouverne et dirige le pays par décret. Après ce précédent, il y a forcément le cas de son successeur Michel Martelly.

Pris lui aussi dans des démêlés avec son opposition et les parlementaires qu’il n’a jamais portés dans son cœur, il n’avait pas fait grand chose pour organiser des élections avant la fin de la 49e législature. Surtout qu’il avait un Premier ministre, Evans Paul (KP), qui attendait  dans l’antichambre du pouvoir avant d’être investi dans ses fonctions au beau milieu de la nuit. Cela devient une habitude en Haïti. Comme on dit, il n’y a jamais deux sans trois. Maintenant, c’est au tour de son successeur et disciple, Jovenel Moïse, de ne pas déroger à la règle, surtout qu’il a constaté que plus on choisit la voie détournée moins la Communauté internationale, voire le peuple, est regardant.

C’est la logique : qui ne dit rien consent. Lui aussi a joué à fond sur le pourrissement d’une situation sociopolitique, certes, complexe en 2018 et 2019 afin d’arriver à ce dysfonctionnement institutionnel qu’il croit pouvoir maîtriser comme ses prédécesseurs. Pourquoi pas ? Puisque depuis la première fois rien d’anormal ne s’est passé à Port-au-Prince. Jusqu’à ce que le jour arrivera où le peuple dira : ça suffit ! En attendant, Jovenel Moïse commence à prendre ses marques et teste un peu ses nouveaux pouvoirs avant même d’avoir l’entier contrôle de la chaîne du commandement.

Il faut tirer au clair cette affaire du reliquat d’un peu plus d’un milliard de gourdes du Parlement que le pouvoir va récupérer, selon Jovenel Moïse, pour construire des lycées alors même qu’aucune étude sérieuse ni évaluation n’ont encore été faites pour savoir : premièrement s’il n’y avait pas déjà des fonds prévus dans les budgets à cet effet. Et deuxièmement comment utiliser à bon escient cet argent. Bien sûr, l’idée de construire des écoles n’est pas mauvaise. Mais il ne faut pas non plus qu’on se serve de l’éducation nationale comme alibi afin de gaspiller une fois de plus l’argent public à des fins personnelles alors que la population qui en a vraiment besoin n’en verra que des miettes. L’école est certainement un bon prétexte, personne ne va s’opposer à la construction de lycées sur le territoire. Mais attention à l’enfumage ! Nous estimons que le Président a parlé trop vite et pris trop de liberté avec cet argent du contribuable.

D’accord, « Ti rès la se pou pèp la », mais en l’absence du Parlement qui pourra vérifier que c’est bien le peuple qui profitera de cet argent? Il faut qu’il y ait un contrôle vigoureux et sérieux des deniers publics pour que cet apport financier soit vraiment reversé sur les comptes du Trésor Public. Le Président ne peut pas décider de tout, même en absence d’un contre-pouvoir, sinon ce sera la dictature ou le pouvoir absolu. Le populisme ramène à tout, surtout à l’arbitraire et au pouvoir personnel. On a compris que le Président savoure sa victoire sur le Parlement qui lui a fait mordre la poussière durant les deux années écoulées. Mais, il reste la réalité dans un pays comme Haïti où tout, surtout en politique, peut prendre des proportions incontrôlables. Les deux premiers chefs d’Etat qui étaient dans une situation similaire n’avaient qu’une seule année pour gouverner par décret. En dépit de leur caractère diamétralement opposé, aucun des deux n’avait abusé de leur super pouvoir pour tenter de rester au pouvoir au-delà de leur mandat. Bien que les contextes n’étaient pas les mêmes que ceux d’aujourd’hui et ni l’espace temps aussi large.

Dans le cas actuel, le Président Jovenel Moïse a plus deux années devant lui et le soutien de la Communauté internationale n’a jamais été aussi fort, palpable et visible. Il peut tenter de franchir la ligne jaune, c’est-à-dire, les limites de ses prérogatives constitutionnelles avec ses pouvoirs élargis, histoire de sonder jusqu’où il peut aller en gouvernant par décret. Lors de sa conférence de presse le lundi 13 janvier 2020, s’il n’a pas évoqué la problématique de la Constitution de 1987 qui serait selon lui un handicap pour la gouvernance d’Haïti, dans son second twitte de la nuit dans lequel il a parlé des institutions, il n’a pas oublié de parler d’une nouvelle Constitution dont on sait qu’il est un fervent défenseur en vue de donner plus de pouvoir au Président de la République. On sait aussi que l’Accord de Kinam II concocté par ses amis en opposition à celui de Marriott, soutient cette idée de nouvelle Constitution qui sera écrite et approuvée avant la fin du quinquennat en 2022.

Tout porte à croire que cette année sera l’année de Jovenel Moïse qui, à ne pas douter, va tout faire pour s’imposer en sauveur d’Haïti devant la Communauté internationale et particulièrement devant ses amis de Washington qui commencent à se montrer très compréhensibles vis-à-vis de ses nouvelles responsabilités. On a observé la visite d’un haut fonctionnaire américain dans la capitale haïtienne dans le cadre de la commémoration du 10e anniversaire du séisme de 2010. Certains diraient que c’est une coïncidence ou un pur hasard. En tout cas, cet Administrateur adjoint de l’USAID pour l’Amérique latine et les Caraïbes, John Barsa, a rendu visite au chef de l’Etat le 12 janvier 2020 en compagnie de l’ambassadrice américaine en Haïti Michèle Sison au Palais national la veille de la caducité du Parlement. Selon un communiqué de l’ambassade, les deux représentants du gouvernement des Etats-Unis voulaient discuter des questions relatives à « l’économie, de l’importance de la sécurité publique et de la stabilité politique en vue de supporter des partenariats clés dans les domaines de l’éducation et de la santé ».

« 2020 va être l’année de la grande mobilisation nationale. Toutes les conditions sont réunies pour une tabula rasa, pour la Conférence nationale et pour une transition ».

La preuve que le soutien et l’appui de Washington vis-à-vis du Président Jovenel Moïse se font déjà de manière visible sans aucun mot de mise en garde sur une possible déviation du régime vers l’inconnu. Or, depuis ce lundi 13 janvier, le Président détient la quasi-totalité des pouvoirs en Haïti. C’est lui et lui seul et en son âme et conscience qui aura à décider du budget de la République, car, d’après ses déclarations, « Le pays fonctionne encore sous l’égide du budget 2017-2018, parce que le Parlement n’avait pas voté le budget 2018-2019 », donc bientôt il y aura un nouveau budget qui devrait en principe s’ajouter à un milliard cent soixante millions sept cent soixante-treize mille cent soixante-seize gourdes, le reste des salaires des sénateurs et députés d’un Parlement caduc. Le Président aura aussi à décider entre autres des dates pour des hypothétiques élections cette année ou l’année prochaine et de la loi électorale. Enfin, il n’a rien dit sur le nombre de décrets qu’il compte publier au journal officiel, Le Moniteur, pour la gestion du pays le temps que la 51e législature rentre en fonction à une date qui reste encore à sa discrétion ; c’est une sorte de « Monarchie républicaine» où le Monarque républicain aura la lourde responsabilité de décider et de choisir ce qui est bon ou pas pour ses « sujets ».

Selon un de ses Conseillers politiques qui apparaît de plus en plus dans le paysage médiatique, l’ancien parlementaire Jude Charles Faustin, « L’État va continuer à fonctionner et des mesures para-constitutionnelles seront adoptées comme celle de monter un gouvernement comme cela a été fait dans le cas des autres Présidents qui se sont retrouvés dans la même situation », donc, comme on dit en Haïti, « poze » restons calmes, la situation est sous contrôle. Pourtant, en dépit de la faiblesse actuelle de l’opposition plurielle, certains leaders, entre autres maître André Michel, estiment que le Président Jovenel Moïse devrait s’inquiéter devant le dysfonctionnement de l’institution parlementaire. Pour ce pilier de l’Alternative Consensuelle pour la Refondation d’Haïti, le Président de la République ne peut pas profiter de son « irresponsabilité » et André Michel laisse entendre que « 2020 va être l’année de la grande mobilisation nationale. Toutes les conditions sont réunies pour une tabula rasa, pour la Conférence nationale et pour une transition ».

Toujours dans la même veine, c’est le Directeur exécutif du Réseau National de Défense des Droits humains (RNDDH), Pierre Espérance, qui pense que compte tenu des décisions que le chef de l’Etat aura à prendre, ses jours sont comptés à la tête du pays. D’après celui-ci « Le 7 février 2021 Jovenel Moïse n’est plus Président de la République selon le schéma qui se dessine ». Enfin, le sénateur du Sud et vice-Président sortant du Sénat, Jean Marie Junior Salomon, se dit lui inquiet pour l’avenir démocratique d’Haïti depuis que le Président Jovenel Moïse a déclaré caduc le Parlement avec le départ des deux tiers du Grand corps le 13 janvier dernier. Il voit même l’instauration d’une dictature féroce par le régime PHTK.

Ainsi, devant la détermination du Président de la République de s’ériger en unique chef suprême du pays disposant des pouvoirs discrétionnaires et illimités, six sénateurs ont décidé d’un commun accord de s’opposer à la décision du chef de l’État. Dans une note datée du 13 janvier 2020, les six sénateurs écrivent : « 1. aucun article de la Constitution en vigueur ne lui octroie le droit ou le pouvoir de se prononcer sur la durée ou la fin du mandat des élus du peuple souverain; 2. sa décision unilatérale de déclarer la caducité d’un des trois pouvoirs indépendant de l’État pèche à la fois contre le vocabulaire, les normes constitutionnelles et les règles de la démocratie représentative ». « Les Sénateurs soussignés proclament ici leur détermination à défendre l’institution parlementaire et législative et appellent les autres grands Pouvoirs de l’État au strict respect des normes et des principes démocratiques ». Les sénateurs sont les suivants : Dieupie Chérubin, Jean-Marie Junior Salomon, Pierre Paul Patrice Dumont, Youri Latortue, Joseph Lambert et Jean Renel Sénatus. Comme on peut le constater, la vie ne serait pas de tout repos pour les tenants du pouvoir même si, il est vrai, les choses deviennent de plus en plus compliquées pour l’opposition qui, en l’absence de tribunes officielles et de parlementaires pouvant s’opposer publiquement au Président de la République, aura de plus en plus de difficultés à se faire entendre dans l’opinion publique nationale et sur la scène internationale.

C.C

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