Rudy Hériveaux en «contact étroit» avec l’ambassade américaine ! (3)

WikiLeaks révèle

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La semaine dernière, nous avons vu comment Rudy Hériveaux et un groupe de “modérés”, y compris Gérard Gilles et Jonas Coffy, avaient essayé de prendre le contrôle du parti Fanmi Lavalas mais avaient échoué en raison de la résistance de plusieurs militants de base des organisations populaires.

Trois choses à propos de Rudy Hériveaux se dégagent de l’examen de ce que les fonctionnaires du Département d’État des États-Unis écrivent à son sujet: 1) il a soutenu la politique du président René Préval; 2) il voulait limiter les exigences et les protestations des organisations populaires de base affiliées au parti Fanmi Lavalas (FL), et 3) avait fait appel à l’Ambassade des États-Unis pour agir comme l’avocat de FL dans ses rapports avec Préval.

Le 25 janvier 2008, Rudy Hériveaux, alors sénateur, a pris le petit déjeuner avec l’ambassadeur des États-Unis Janet Sanderson en la résidence de celle-ci. Lors de la réunion, Hériveaux « a déclaré à l’ambassadeur qu’il soutient le président Préval ; mais a déploré cependant que le président Préval n’avait pas fait montre d’un soutien réciproque en nommant des membres de Fanmi Lavalas, sinon à des postes de ministre au sein du Cabinet, du moins à des postes de Directeur général dans un ou plusieurs ministères » a expliqué Sanderson dans un câble du 7 février 2008.

Il est assez triste que ‘‘indéniablement le représentant FL le plus important dans la législature’’ se révèlait être tout juste un peu plus qu’un maquignon politique à la recherche d’emplois gouvernementaux dans la tradition la plus vénale de la ‘‘classe politique’’ d’Haïti. Le mouvement Lavalas qui a émergé après la chute du dictateur Jean-Claude Duvalier en 1986 était censé se dresser contre la corruption, les magouilles politiques (brassage d’affaires), et les patronages en contrepartie.

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Mais Lavalas était avant tout un mouvement progressiste, visant qu’à mettre fin à des décennies de domination étrangère en Haiti. Dès lors, il était particulièrement scandaleux que lors du petit déjeuner Hériveaux « ait suggéré que l’Ambassadeur [US] pourrait faire part de cette idée au président Préval, » c’est à dire qu’il nomma quelques-uns des partisans de Hériveaux affiliés à Lavalas à des postes gouvernementaux. En bref, de façon flagrante Hériveaux demandait à Sanderson de s’immiscer dans les affaires politiques internes d’Haïti.

Il avait également dit à Sanderson qu’il ferait de son mieux « pour garder les protestations anti-gouvernementales prévues par Lavalas dans des limites de la modération », selon le câble. « Interrogé à propos des annonces faites par des organisations de base de Fanmi Lavalas que de grandes manifestations anti-gouvernementales surviendraient après le carnaval, pour toute réponse, Hériveaux déclara « qu’il allait essayer de s’assurer que celles-là se déroulèrent pacifiquement et ne glissent pas dans le radicalisme, » selon ce qu’a rapporté Sanderson.

En raison de cette compétition en particulier, ‘‘Hériveaux a souligné que le leadership de FL doit maintenir le soutien populaire parmi les membres de la base,’’ selon ce qu’a écrit Sanderson. Elle a conclu à tort que Hériveaux et sa branche de « FL semble être en train de prêcher la doctrine qu’il fallait afin de se mettre politiquement en position de domination. » Comme, la «doctrine qu’il prêchait” n’a pas fonctionné, et que les masses haïtiennes ne se sont pas laissées duper par les gesticulations de Hériveaux et son groupe. Moïse Jean-Charles a battu Nahoum Marcellus haut la main dans la course électorale de 2009 pour le Sénat. Aujourd’hui Marcellus, comme Hériveaux, sont devenus des alliés du Président Michel Martelly ; quand le sénateur Moïse Jean-Charles, lui est devenu l’un des dirigeants les plus éminents du soulèvement national en cours, dénonçant la corruption de Martelly et exigeant sa démission. Même si elle a perçu la clique de Hériveaux comme «instruite et politiquement avertie,’’ Sanderson a reconnu qu’ils avaient des «différences idéologiques» avec la «base des partisans» de FL et que cela ‘‘reste un obstacle à la restructuration du parti’’ sous la direction de Hériveaux.

La trahison de Hériveaux lors de la controverse de l’élection de 2009 Les câbles de l’ambassade américaine retracent comment au début de 2009, le Comité exécutif de FL du Dr Maryse Narcisse a brièvement conclu une alliance avec Hériveaux lors d’un conflit interne FL avant les élections législatives d’avril 2009. Narcisse et Hériveaux proposèrent une liste de candidats tandis qu’une autre faction «modérée», dirigée par l’ancien Premier ministre d’Aristide, Yvon Neptune et l’ancien Président de la Chambre des Députés Yves Cristalin, en proposait une autre.

Dans un câble du 30 janvier 2009, Sanderson a écrit à Washington que « la force organisationnelle et populaire relative » du Comité exécutif FL a donné à l’alliance Narcisse/Hériveaux un «avantage dans le différend» avec le groupe Neptune / Cristalin. Mais le 3 février 2009, deux jours avant l’annonce officielle, le président du Conseil électoral provisoire d’Haïti (CEP) Frantz Verret et le directeur Pierre-Louis Opont ont dit à l’ambassade que le CEP avait «décidé d’exclure tous les candidats de Fanmi Lavalas des prochaines élections sénatoriales sur la base de ce que l’Ambassade et d’autres croient être une lecture forcée de la loi électorale, et le fait que deux factions FL ont soumis des listes de candidats en concurrence», selon ce qu’a écrit le chef de mission adjoint Thomas Tighe dans un câble du 4 février 2009.

Les fonctionnaires du CEP ont dit à l’ambassade américaine que ‘‘puisque aucun des documents d’enregistrement des candidats FL ne porte l’autorisation du chef du parti Jean Bertrand Aristide, la loi électorale d’Haïti dicte leur exclusion,’’ selon ce qu’a écrit Tighe. Après cette décision, Narcisse « a soumis au CEP, le 9 Février, un mandat prétendument signé par Aristide, l’autorisant à désigner les candidats FL pour les élections, et à assumer d’autres responsabilités du chef du parti », a écrit l’ambassadeur Sanderson dans un câble du 11 février 2009. ‘‘Le document, en date du 27 Avril 2004, en provenance de la Jamaïque et tapé en français, est la réponse de Narcisse aux fonctionnaires du CEP …’’

Voici où Hériveaux a politiquement poignardé Narcisse dans le dos, ainsi que les câbles le démontrent. Le même jour, Hériveaux « a déclaré à la presse, le 9 février, qu’il a été surpris de l’existence de ce document [c’est à dire la lettre signée d’Aristide], » mettant ainsi fin à son « alliance précaire avec Narcisse depuis Novembre 2008, » selon Sanderson. Déjà Hériveaux avait « en privé signalé [à l’ambassade des États-Unis] sa volonté de parler à Cristalin » et sa faction «modérée», qui avaient prétendu que « le document [de Narcisse] n’est pas authentique » mais « a été créé par la superposition du texte sur une photocopie de la signature d’Aristide. »

Cristalin et les « modérés ont ensuite soumis au CEP leur propre liste de candidats identique » à celle de Narcisse « sauf pour un seul nom ». Ce qui eut pour effet « d’amener le sénateur Rudy Heriveaux et le député François Sorel dans leur camp », c’est ce que Sanderson a expliqué dans un câble du 17 février 2009, mais « manquant l’approbation d’Aristide que le CEP avait demandée, la nouvelle liste a également été rejetée sur le champ ».

Le conflit entre la faction de Narcisse et celle de Cristalin / Neptune a continué pendant un certain temps après la disqualification de FL en Février 2009, mais Hériveaux, « qui a fait des ouvertures aux deux parties au cours des derniers mois, reste isolé des deux groupes, » selon ce que Sanderson a expliqué dans un câble du 29 mai 2009, concernant une réunion du 4 mai 2009 entre le conseiller politique de l’ambassade américaine et le Dr Narcisse. « Alors que Narcisse semblait garder ouverte la possibilité d’un compromis avec les modérés FL tels que Neptune et Cristalin, elle a rejeté le sénateur Rudy Hériveaux nullement autorisé à son avis à parler au nom de FL encore moins à en être le leader. Narcisse a affirmé que l’autorité électorale avait offert d’accepter la liste de candidats Lavalas au sénat si Narcisse et Hériveaux approuvaient conjointement la liste du parti, mais elle avait refusé de signer, parce que ce faisant reviendrait à reconnaître Hériveaux en tant qu’un représentant de Lavalas ».

Hériveaux et ses «modérés» n’ont jamais réussi à prendre la direction de FL pendant l’exil d’Aristide en Afrique du Sud ; mais, de façon ironique, depuis le retour d’Aristide en Haïti le 18 mars 2011, au moins un d’entre eux s’est arrangé pour trouver un rôle clé dans le parti. L’ancien sénateur Louis Gérard Gilles, qui était l’un des plus proches alliés de Hériveaux, siège maintenant au Comité exécutif de Fanmi Lavalas, sous la direction du Dr. Maryse Narcisse avec la bénédiction d’Aristide. Néanmoins, la base de Lavalas se méfie de Gilles qui aujourd’hui préconise des négociations avec le Président Martelly, qui s’accroche de justesse au pouvoir face à des manifestations quasi quotidiennes exigeant sa démission.

L’ancien député Jonas Coffy, un autre collaborateur de Hériveaux, est devenu le leader de Ayisyen pou Ayiti, [parti] fondé par l’ancien Premier ministre Yvon Neptune. Phélito Doran, un autre leader de Ayisyen pou Ayiti, est ministre de Martelly pour les relations avec le Parlement. Néanmoins, en Octobre 2014, le parti de Coffy rejoint le lancement de la Plate-forme Pitit Desalin (PPD), qui n’a cessé de réclamer la démission de Martelly. Éventuellement, les positions contradictoires du parti Ayisyen pou Ayiti ont fini par rattraper Coffy quand, comme Gilles, il a préconisé des négociations avec Martelly, donc là, le PPD l’a alors expulsé.

Néanmoins, Hériveaux, comme ministre de la Communication de Martelly, reste le plus honni des ‘‘modérés de Lavalas.’’ Aujourd’hui, il est l’objet de plaisanteries populaires et de mépris pour avoir traité les manifestants anti-gouvernementaux de ‘‘cafards.’’ Les câbles secrets américains diplomatiques, donnés par WikiLeaks à Haïti Liberté, peignent le portrait d’un opportuniste consommé, qui, ainsi que l’a observé l’Ambassadeur Sanderson dans un câble du 10 novembre 2009, n’a jamais joui soit ‘‘d’autorité formelle soit de soutien de la base’’ en tant que leader politique.

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