Le combat du peuple haïtien aura certainement une fin heureuse…

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« À quoi servent les offenses, si on les pardonne ! »

(Alexandre Dumas, fils)

 

Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir, Jean Ricardou, Georges Semprun, Jean-Pierre Faye, Yves Berger étaient déjà préoccupés par les questions relatives à l’utilité de l’acte d’écrire. Ils ont conjointement publié en 1965 « Que peut la littérature ? » Yves Berger a déclaré pour sa part : « La littérature n’est rien que ce que j’en ai dit, qui ne fait pas les révolutions, qui n’empêche pas l’injustice. Qui ne dresse aucune barricade. C’est quand les barricades ont été dressées, longtemps après, que l’on découvre les livres qui auraient pu les faire. Il ne leur manque rien que ce pouvoir. »

Nous aurions pu reprendre les mêmes idées, les mêmes mots pour illustrer notre compréhension de la situation de confusion verbale et de déroute scripturale que nous observons au sein de la société haïtienne. La République d’Haïti, à bout de force, se noie dans l’écriture et la parole. Les journalistes, les historiens, les poètes, les peintres, les chanteurs, les cinéastes… s’abreuvent à la même source d’inspiration. Leurs œuvres sont truffées de termes récurrents : famine,  chômage, maladie, prostitution, banditisme, vol, assassinat, viol, analphabétisation, exode, clochardisation, suicide… Les sons des vaccines, des tambours assotor apportent sur tous les continents la détresse, la souffrance, la misère d’un peuple terrorisé, humilié et délaissé. Les malheurs de la Nation haïtienne n’ont-ils pas servi à développer le phénomène de l’« iconisation » d’une génération de « pies bavardes » à l’échelle nationale et internationale? « Je parle, donc je suis un héros. » Il ne s’agit pas de lutter comme des patriotes vaillants, conséquents et révolutionnaires pour sortir les masses populaires de la pauvreté extrême, mais seulement de le dire. Cependant, est-ce suffisant ? Sinon, Jacques Stephen Alexis, Gérald Brisson, Richard Brisson… ne seraient pas morts si jeunes !

Écrire ou parler ne peuvent pas se substituer au « réel », ou le modifier. Ils n’ont pas de pouvoir d’action. Cependant, dans toutes les formes de combats politiques, de luttes sociales, de revendications culturelles, ils fournissent les outils paradigmatiques qui assurent le développement et l’équilibre de la dialectique aux fins de l’avancement et du progrès de la société. Le changement vient de la pensée. Il a toujours occupé une place prépondérante dans la réflexion sociologique, politique, économique, culturelle et environnementale.

Ce sont les antennes d’impression et d’expression qui nous permettent de percevoir la réalité, de transmettre nos messages, d’émettre nos idées et nos opinions, puis de les  transformer en acte dans le domaine adjacent à nos activités intellectuelles et professionnelles. Le changement implique deux facteurs phénoménaux : perception et conception. Le premier n’est-il pas le fruit de l’observation rationnelle qui renvoie au doute méthodique cartésien; et le second, le résultat de l’intelligence créative obtenu d’un mode de croisement des savoirs théoriques  et des connaissances pratiques de l’objet soumis rigoureusement aux études? Communication et révolution demeurent étroitement liées. L’information est la clef qui ouvre les portes de tous les compartiments des compétences intellectuelles et professionnelles. Les Saintes Écritures rappellent qu’ « Au commencement était la parole… » C’est donc la « parole » qui a engendré les éléments de la nature.

Dans les sociétés barbares, rétrogrades, les dictateurs se comportent en pires ennemis des produits livresques. Les autodafés des allemands en 1933 sous le règne des nazis occupent une place peu enviable dans les histoires de persécution et de destruction entreprises contre les livres. Le poète Heinrich Heine disait : « Où l’on brûle les livres, on finit aussi par brûler les hommes. » La suite, – comme nous le savons –, emmena tragiquement aux chambres à gaz des nazis.

C’est par la « parole » et l’«écriture» que les peuples opprimés commencent à signifier  leur volonté et leur détermination d’être « Libres ». La suspension arbitraire de la « Liberté » d’expression liée aux droits naturels et imprescriptibles permit au régime macoutique de cheminer durant 29 années dans la terreur. Certaines lectures étaient censurées. Prohibées. De jeunes intellectuels furent accusés de communistes parce qu’ils avaient commis le péché mortel de se procurer des ouvrages qui traitaient du marxisme-léninisme. De 1957 à 1986, tout ce qui faisait référence à Karl Marx, Friedrich Engels, Vladimir Ilitch Oulianov dit Lénine, Léon Trotski… était considéré comme un objet de malédiction. Combien de jeunes intellectuels haïtiens furent torturés pour avoir lu quelques exemplaires de Granma international ou des articles parus dans La Pravda à l’époque de Nikita Khroutchev ? La censure du cerveau n’est pas seulement une pratique répressive inhérente aux pays du Sud. La House Un American Activities Committee (HUAC) et le « maccarthysme » des années 1947-1954 correspondent également à une époque de tentative du contrôle excessif de l’esprit par la restriction des « savoirs livresques » susceptibles de « gauchiser » le choix idéologique des citoyens états-uniens. L’orientation idéologique s’acquiert par le discours écrit ou oral.

 

Contrôler et censurer l’information

Le journalisme et les pouvoirs dictatoriaux ne font jamais « bon ménage ». En Amérique du Nord (États-Unis, Canada, Mexique), en France, en Grande Bretagne, en Allemagne et ailleurs, certains journalistes sont traînés arbitrairement devant les tribunaux par les autorités ou des oligarques pour cause de « libelle diffamatoire », quand il ne s’agit pas de les contraindre à dévoiler par la force leurs « sources d’information ». Les inculpés sont obligés de s’assurer les services d’avocats expérimentés pour éviter d’aller en prison, de payer de lourdes amendes, et pour protéger l’anonymat de leurs « informateurs ».

Les professionnels de la communication spécialisés dans le journalisme d’enquête, le traitement des dossiers inédits, les « scoops » à proprement parler – pour conserver le concept anglais – essuient des menaces graves et constantes qui proviennent des États impérialistes, fascistes, et des milieux mafieux. L’attentat perpétré le 7 janvier 2015 contre Charlie Hebdo par les frères Chérif et Saïd Kouachi montre davantage que les personnalités qui choisissent d’exercer le métier de journaliste s’exposent continuellement à des dangers imminents. Ils peuvent être victimes – et certains le sont – à tout moment de la folie furieuse et assassine des « têtes brûlées » qui s’érigent en « maîtres » suprêmes des vies et des pensées au nom de la politique, de l’économie et de la religion.

Les salles des nouvelles des médias sont également truffées de faux journalistes qui sont rémunérés par les gouvernements impérialistes pour espionner et dénoncer leurs consœurs et leurs confrères. Sous le régime de Jean-Claude Duvalier, il y en avait dans plusieurs stations de radio de la capitale et des villes de province. Les charognards du PHTK n’ont-ils pas avili un grand quotidien de Port-au-Prince qui acceptait de ne pas publier les réflexions critiques envers les Tèt kale, moyennant de fortes sommes d’argent en échange ! L’affaire a alimenté toute une série de scandales. Aujourd’hui, on n’en entend plus parler! Les radios et les journaux n’en font plus mention. « Les linges sales se sont lavés en famille. »

La sériosité des menaces proférées à l’encontre des « médias progressistes » ou « engagés » se mesure à l’aune des enjeux internes et externes. Il importe de les distinguer des « médias réactionnaires » qui regroupent plutôt ces espèces de « folliculaires » frustrés qui louent leurs stylos et leurs micros aux plus offrants et qui n’hésitent pas à retourner leur veste pour satisfaire des intérêts singuliers et mesquins. Ces laquais sont dénués de valeurs morales. Ils souffrent d’un déficit d’éthique professionnelle. Ils sont légion sur les réseaux sociaux. Il s’agit de celles ou de ceux-là que l’on dénomme ingénieusement des « marchands de micros ». Une trouvaille intelligente pour qualifier les mercenaires de la presse parlée! Mais il existe aussi des « marchands de stylos »…

L’information détient un pouvoir intense dans la société mondiale du XXIe siècle. La technologie qui lui sert de support a réalisé d’énormes progrès. Grâce à l’internet, la nouvelle voyage à la vitesse de la lumière. Des milliards d’individus sont bien ou mal informés simultanément d’un même événement qui se déroule à un endroit quelconque de la planète. Et ces citoyens ont la possibilité d’interagir, de réagir en une fraction de seconde sur les décisions politiques, économiques et sociales qui viennent bouleverser leur mode de vie commune et individuelle. D’apprécier ou de rejeter des mesures qui garantissent ou entravent leur avenir en tant qu’entité qui compose l’État. De protéger et de sauvegarder leurs intérêts en qualité d’agrégats humains qui forment une nation libre, indépendante et souveraine. De toute évidence, les réseaux sociaux sont appelés à jouer un rôle déterminant au niveau d’un processus de modification des rapports relationnels  entre les pays du Nord et du Sud.

C’est par les couloirs de l’internet que sera peut-être vulgarisé le « mot d’ordre » historique qui entraînera la terre entière dans un cycle de bouleversements sociopolitiques révolutionnaires. Il suffira un jour d’un simple « cliquage » à l’aide d’une « souris » pour que les poumons des machines néolibérales arrêtent de respirer dans les usines géantes qui boivent le sang des masses ouvrières.

 

La misère humaine n’est pas une fiction

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, prôner une « Révolution mondiale » n’a rien d’idéaliste. Ce n’est pas une démarche « ascientifique ». Le pragmatisme connote-t-il une perception, une vision sociale, politique et économique qui renvoie directement à l’utopisme? Ne s’agit-il pas plutôt, – comme on l’observe chez les grands philosophes des époques de l’antiquité ou des lumières –, d’une manifestation d’esprit supérieur, capable de mener à l’appréhension,  à l’explication des phénomènes et des événements relevés de la nature ? Tous les individus ont un « génie » qui sommeille en eux. La maitrise de la Pensée rationnelle détient un pouvoir de réveil et de préparation sur la conscience humaine. Elle aide à comprendre le fonctionnement de l’environnement physique et à le transformer au besoin pour le bien-être collectif et individuel. Elle commence par le doute méthodique que soulève la philosophie du cartésianisme. Les inégalités sociales sont historiques. Par conséquent, elles peuvent être combattues. Et enrayées. Il ne faut pas confondre le rêve et l’utopie. Le rêve conduit toujours quelque part. Mais l’utopie nulle part. Jean-Jacques Dessalines, Martin Luther King, Fidel Castro, Hugo Chavez avaient un « Rêve ». Ils ne furent pas des « utopistes ». Ce serait très malhonnête de prêcher aux pauvres de la planète un « Évangile » politico-économique auquel nous ne croyons pas nous-mêmes. La « Révolution mondiale » est bien possible. Nous restons convaincus que le combat du peuple haïtien, celui auquel se livrent en général les misérables de la planète, aura une fin heureuse !

 

La presse est prisonnière du « Capital »

L’informatique demeure une invention à double tranchant. Parallèlement aux fonctions de surveillance, d’espionnage des vies privées, de restriction des libertés citoyennes qu’elle remplit dans le système de société bourgeoise, elle peut être instrumentalisée dans une dynamique de lutte planétaire   contre l’exploitation globalisée. Les États occidentaux et occidentalisés développent des techniques d’écoute téléphonique sophistiquées, inventent des logiciels performants en matière d’espionnage et de contre-espionnage et se partagent les informations sensibles  qui permettent de prévenir l’émiettement ou l’éclatement des pouvoirs de domination.

 

Les grandes « entreprises médiatiques » sont aujourd’hui concentrées entre les mains des multinationales, des transnationales et des multimilliardaires de la trempe de Bill Gates. Elles filtrent les nouvelles. Les laissent passer au compte-gouttes. Protègent le capital. Étouffent les revendications, les plaintes et les doléances des classes marginales. Ne jouent pas leur rôle de contre-pouvoir. Mais collaborent au maintien du statu quo. Pratiquent la désinformation.

Peut-être, comme certains observateurs, vous avez adroitement remarqué de quelle façon des politiciens haïtiens douteux, antinationalistes, des traîtres à la langue fourchue, envahissent l’espace des émissions d’affaires publiques qui sont devenues ces jours-ci très à la mode. Très prisées. Les mêmes invités, malgré leurs propos insultants et disgracieux à l’endroit d’autres hôtes, y reviennent fréquemment. Ces « piaillards » sans scrupule mangent aux « râteliers » de tous les mouvements politiques qui accèdent au palais national. Par qui sont-ils vraiment rémunérés? Et pour quels services?

Pierre Karl Péladeau, chef du Parti québécois, l’ancien aspirant à la fonction de premier ministre du Québec, détient le groupe de presse classé deuxième en importance au Canada. Il possède des journaux, des revues, des imprimeries, des maisons d’éditions, des chaînes de radiodiffusion et de télévision, des compagnies de câblodistribution et de téléphonie mobile, etc. Aux États-Unis, en France, en Allemagne et en d’autres endroits, le tableau de concentration des moyens de production des organes de presse ne change pas. Les journalistes, en devenant des salariés du capital, aliènent volontairement ou inconsciemment leurs droits d’opiner, d’informer, de guider et de former.

En 1974, deux journalistes, Carl Bernstein et Bob Woodward, ont torpillé la carrière politique de Richard Nixon aux États-Unis. L’affaire du Watergate demeure encore vivante dans certaines mémoires… Ce fut la direction du quotidien Washington Post qui, pour une raison quelconque,  eût confié aux deux reporters  l’enquête sur les agissements secrets et scandaleux du président. Dans ce scénario de destitution,  Il y avait les mains cachées des redoutables adversaires de Richard Nixon. La politique fonctionne dans le monde de l’occultisme et du mauvais coup.

Les journaux états-uniens se sont aussi emparés de l’affaire des « relations  de sexe » nébuleuses que Bill Clinton aurait entretenues à la Maison Blanche en 1997 avec la pétillante Monica Samille Lewinsky. La presse mondiale relaya l’information. Explosa de cocasseries. Le président parjura. Le Sénat des États-Unis intervint. Bloqua la procédure judiciaire. Et sauva finalement la présidence échaudée.

Combien de citoyennes et de citoyens haïtiens se souviennent-ils encore de l’équipe extraordinaire que formaient les jeunes rédacteurs et intellectuels progressistes du journal La Ruche? Nous citons : René Depestre, Jacques La Colère dit Jacques Stephen Alexis, Roger Gaillard, Gérard Chenet, Gérald Bloncourt… Leur arrestation illégale et leur détention arbitraire, suivies de la fermeture de leur organe de communication, sonnèrent en 1946 le glas du « lescotisme » répressif. André Breton, invité en Haïti par l’Institut français en 1945 pour donner une série de conférences sur le Surréalisme, disait du président Élie Lescot que celui-ci était un « nègre blanc [1] ».

Patrice Monfort écrit à propos de cette page d’histoire appelée – à tort –  la « révolution » de 1946 :« Des manifestations publiques s’organisent contre la répression policière, contre l’ineptie du gouvernement et en faveur de la libération des prisonniers politiques. La grève générale est décrétée. L’insurrection couve dans Port-au-Prince. Le Palais national d’Haïti est pris d’assaut, mis à sac, et certains membres du gouvernement sont faits prisonniers. »

Les Haïtiens ont toujours eu la vaillance, la bravoure, le courage de déclencher des mouvements de grève, de braver des brutalités policières et de défaire des dictateurs corrompus. Et même de pénétrer dans les ambassades étrangères et de les arracher là où ils se sont terrés, afin qu’ils payent leurs crimes grassement à la société. Jean-Claude Duvalier, Henri Namphy, Albert Pierre dit Ti boule, Michel François l’ont échappé belle.

La République d’Haïti vit aujourd’hui au rythme des marches collectives stériles organisées par la horde des « pacifistes »! Au lieu de fouetter les « vendeurs du temple », comme Jésus le fit, ceux-là se contentent de tendre l’autre joue. D’ailleurs, ils ne savent pas où ils vont. Et même ce qu’ils veulent. Cette semaine encore, les comédiens de l’opposition, qui idolâtrent, vénèrent les mêmes saints de l’Occident que le palefrenier inculte, un certain Jovenel Moïse, se sont encore ralliés au sein d’une centième coalition politique, afin de préparer une « transition  qui n’en finit plus », pour répéter Pierre-Raymond Dumas.

Avec l’aide des États-Unis, de la France, du Canada, le gouvernement du PHTK a une chance énorme de garder le pouvoir jusqu’au 7 févier 2022. Les Haïtiens se sont-ils rendu compte que leur pays se trouve devant une dictature politique naissante présidée par Michèle Sison et Helen Meagher La Lime ? Le plan est bien cousu. Les gangs sont divisés. Les risques d’une guerre civile sont bien présents en Haïti. Washington et ses alliés n’attendent que le déclenchement des hostilités, à un point de non- retour, pour mettre la République définitivement sous tutelle. Pour expulser Jovenel Moïse du palais national, l’arrêter, le juger et l’incarcérer, – puisque la constitution de 1987 bannit l’exil et la peine de mort –, il va falloir utiliser les « Grands Moyens » !

En cette triste époque où la déchéance sociale  et la trahison politique trônent à leur plus haut sommet, nous nous courbons devant les esprits errants des martyrs et héros de la guerre de l’indépendance qui ont légué à leurs descendants une « patrie » inachevée,  forgée dans le sang, mais qui représente, malgré tout, une grande fierté nationale. Ce peuple résilient, courageux, combatif finira certainement par triompher des forces occultes qui l’ensorcèlent. Il éliminera les tares morales, intellectuelles et physiques, sources de toutes les déconvenues qui l’assaillent et  reprendra son périple vers son « Canaan ». Haïti s’éveillera. Comme le Cuba castriste. La Chine maoïste. La Russie léniniste. Le Burkina Faso sankaraiste.  Et une fois de plus,  il étonnera le monde.  Comme dit la fable : « Attendons la fin… »

 

Robert Lodimus

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