Pays « lock » version Transition !

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Septembre 2022, sous le gouvernement d’Ariel Henry, un régime porté à bout de bras par Me André Michel et ses amis, est la suite logique des évènements de « peyi lock » entre 2018 et 2019.

Les Cayes, Gonaïves, Hinche, Cap-Haïtien, Petit-Goâve, Jérémie, Miragoâne, Saint-Marc, Port-de-Paix, et bien sûr Port-au-Prince et ses banlieues sont à feu et à sang. Incendie, pillages, violences, vandalismes, morts, attaques des résidences de certains chefs politiques, et des médias publics et privés, la révolte gronde en Haïti. Des institutions publiques et privées attaquées ; des banques commerciales incendiées, des ambassades étrangères fermées ; des commerces et entreprises privés et publics attaqués et pillés, des entrepôts de produits alimentaires des organisations non gouvernementales (ONG) et humanitaires pillés, des magasins pris d’assaut par des manifestants en colère, etc, etc.

Tel est le bilan de ces semaines de contestations populaires contre le régime de Transition. A chacun donc son « peyi lock ». La population va-t-elle faire mentir Me André Michel ? C’est la question que certains en Haïti et dans la diaspora commencent à se poser depuis quelques jours.

En déclarant grosso modo que personne ne peut remplacer le Premier ministre a.i vu qu’il n’y a aucune institution pour fixer son mandat, le leader du Secteur Démocratique et Populaire (SDP) paraît bien sûr de lui ou peut-être prend-il ses désirs pour des réalités ? En disant cela, le fidèle allié du Premier ministre de facto oublie trop vite une dernière institution, celle-là même qu’il prétendait défendre quand il était l’un des chefs de l’ancienne opposition radicale contre le Président Jovenel Moïse. Cette institution, c’est le peuple. Le peuple souverain comme il aimait tant à le répéter avant de le trahir et de devenir l’un de ses principaux adversaires.

André Michel, l’ancien patron de l’ex-opposition, devenu une pièce maitresse dans le dispositif de l’actuel pouvoir, a tort d’oublier que le peuple représente le dernier recours

On se souvient que le pays a déjà connu deux épisodes de « pays lock » entre 2018 et 2019. C’était au plus fort des mouvements de contestation contre le pouvoir PHTK symbolisé par le feu Président Jovenel Moïse. A ce moment, les oppositions étaient vent debout contre le régime et c’est bien un certain André Michel, « avoka pèp la », qui était l’un des principaux organisateurs de ces soulèvements qui ont failli emporter le locataire de l’époque du Palais national.

Faisant fi de tous les principes et au mépris même de toutes les institutions régaliennes du pays, particulièrement la Constitution, le chef de la mouvance Secteur Démocratique et Populaire, Me André Michel, et ses deux lieutenants, Marjorie Michel et Nènel Cassy,  n’avaient qu’un mot à la bouche : le départ sans condition du Président de la République. Une mobilisation, d’ailleurs, qui avait poussé le chef de l’Etat à se terrer des jours entiers, voire des semaines, sans donner le moindre signe de vie. On pensait même qu’il avait pris la fuite en abandonnant le pouvoir tant la pression de la rue sous la houlette des oppositions et principalement du SDP était forte. Mais, par miracle et sans doute avec l’appui et le soutien très discrets de la Communauté internationale, il a pu sortir indemne de ce bras de fer avec l’opposition avant qu’il ne soit, finalement, assassiné deux ans plus tard, en 2021. Tout ceci pour dire que l’opération « pays lock » à laquelle on assiste aujourd’hui, en septembre 2022,  sous le gouvernement d’Ariel Henry, un régime porté à bout de bras par Me André Michel et ses amis, est la suite logique des évènements d’il y a deux ou trois ans.

Les conditions et les causes qui l’ont produite ont en réalité la même origine : la vie chère, l’augmentation du prix du carburant, la mauvaise gouvernance et l’opposition politique contre le régime en place. Penser le contraire signifierait qu’on fait peu de cas de cette mobilisation et des revendications qui vont avec et surtout faire preuve de ne rien comprendre à la souffrance de la population. Ainsi donc, l’objectif des manifestants, de leurs meneurs et des opposants au régime est le même : obtenir, si possible, la chute du gouvernement, c’est-à-dire, le départ du locataire de la Primature et du Palais national. Dans la mesure où le chef du gouvernement est l’unique chef du Pouvoir exécutif.

Dans ce cas précis, l’ancien patron de l’ex-opposition devenu une pièce maitresse dans le dispositif de l’actuel pouvoir a tort d’oublier que le peuple représente le dernier recours quand toutes les institutions deviennent dysfonctionnelles comme celles-ci étaient, d’ailleurs, sous la présidence de Jovenel Moïse et quand elles n’existent plus comme c’est le cas actuellement sous Ariel Henry qui n’est rien d’autre qu’un chef de l’Exécutif n’ayant aucune légitimité constitutionnelle ni populaire. On peut comprendre l’inquiétude de l’entourage de l’occupant de la Villa d’Accueil et principalement de ses principaux supporters politiques de voir arriver quasi quotidiennement sous les fenêtres de la Primature des hordes de manifestants qui ne jurent que par la chute de l’aigle qui ronge le peu de ressources qu’ils ont avec l’augmentation des prix des produits de première nécessité et naturellement le carburant en tête de gondole. En vérité, on est dans la continuité des évènements ayant eu lieu entre 2018 et 2019. Sauf les acteurs qui changent de bord politique.

Pays « lock »

Ils ne sont plus dans l’opposition et occupent aujourd’hui la place de leurs adversaires d’hier. En fait, les choses n’ont guère évolué. La population, les leaders de l’ex-opposition et l’actuel gouvernement font face à la théorie selon laquelle : les mêmes causes produisent les mêmes effets. L’opération « pays lock » de 2022 est une sorte de continuité, le peuple poursuit son combat et continue de réclamer ce qui lui est dû, en d’autres termes, il réclame sa part de la richesse du pays. Il a faim. Il a soif et est sans emploi. Tandis qu’un petit nombre profite des biens de l’Etat sans se soucier de son sort. Ceux qui étaient hier avec lui sous les barricades face aux forces de l’ordre qui le douchaient au gaz lacrymogène « se la coulent douce » depuis plus d’un an dans les Ministères et les différents centres de décision de l’Etat pendant que lui ne voit rien venir. C’est l’exact contraire de ce qu’il attendait après qu’on l’ait manipulé en lui faisant miroiter une « Transition de rupture », voire un changement de système ou de paradigme.

Une année après, non seulement le changement n’est pas au rendez-vous, mais c’est encore lui que les nouveaux tenants du pouvoir, en complicité avec les oligarques de services, veulent dépouiller pour enrichir davantage les plus nantis. Au cri, « assez, c’est assez », ils décident de monter la garde en prenant en cœur ces cris de ralliement : « ils ne passeront pas », « Abraham di se ase ». Comment peut-il en être autrement ? Contrairement à ce qu’imaginent Me André Michel et ses nouveaux amis, le soulèvement populaire auquel on assiste depuis quelques semaines c’est une mobilisation spontanée menée par des citoyens conscients de leurs responsabilités en tant que fils de ce pays que certains pensent pouvoir acculer à la déchéance et à la misère, une situation pouvant les conduire à l’irréparable. Les gens ont faim. Le peuple ne réclame ni de l’or ni des diamants. Il veut seulement se procurer de quoi se nourrir. Comme on a été témoin une semaine plus tôt dans certaines grandes villes de province, entre autres, Les Cayes avec le pillage des entrepôts de produits alimentaires d’associations caritatives, religieuses et humanitaires.

le soulèvement populaire auquel on assiste depuis quelques semaines c’est une mobilisation spontanée menée par des citoyens conscients de leurs responsabilités en tant que fils de ce pays

Malheureusement, d’autres lieux commerciaux ont été attaqués et pillés par des individus cherchant certainement, là encore, des matériaux susceptibles de les aider à concevoir un toit où se loger ainsi que leurs familles. Mais, il n’y a pas que dans la ville des Cayes dans le Sud du pays que la révolte gronde. Aussi à Jacmel et à Jérémie, la population ne cesse de manifester et de faire entendre ses revendications. D’ailleurs, dans le chef-lieu de la Grand’Anse, Jérémie, comme aux Caye et dans la plupart des autres centres urbains, la population locale s’est ruée sur les stocks de réserves alimentaires des organisations humanitaires. La ville du Cap-Haïtien quant à elle a été l’une des premières où la population est rentrée en ébullition contre la cherté de la vie et contre la présence d’un gouvernement incapable de comprendre l’état dans lequel elle évolue. L’annonce de l’augmentation des prix a été une sorte de déclic « de carburant », sans jeu de mots, pour alimenter dans la rue le mécontentement de la population à travers tout le pays.

Aux Gonaïves, dans l’Artibonite, où, les semaines suivantes divers quartiers populaires séculaires ont formé une sorte de chaudron où se concentrent tous les ingrédients pouvant alimenter une explosion populaire contre le pouvoir central : le chômage, la misère, la maladie, l’insécurité et autres maux dus, justement, à l’abandon de l’Etat régalien de cette partie du territoire. Sans surprise, les gonaïviens ont envahi les rues de leur ville et attaqué sans discernement tous les lieux où les organisations humanitaires stockent leurs produits alimentaires destinés à la distribution aux plus démunis, aux laissés-pour-compte mais pas seulement. En effet, c’est toute la République qui se paupérise.

La majeure partie de la population vit dans la misère et ne sait plus comment s’en sortir. Abandonnés par le pouvoir public et les Ministères de Port-au-Prince érigés en Citadelles imprenables, les gens deviennent fous. Fous de rage et de colère contre un pouvoir et une élite qui les ignorent. Par ce fait, ils ne se contrôlent plus et s’en prennent à tout ce qui paraît à leurs yeux comme une injustice. Les différents actes de pillages, de sabotages et d’attaques de magasins et entreprises privés, voire d’institutions publiques et privées peuvent être analysés sous l’angle d’un ras-le-bol généralisé d’une population à bout de souffle. Comme dit un proverbe national : sak vid pa kanpe. Oui, le Premier ministre de facto Ariel Henry, Me André Michel et son Secteur Démocratique et Populaire et tous les signataires de l’Accord du 11 septembre ont de quoi s’inquiéter de la conjoncture et de ce mouvement populaire dont personne ne peut prévoir jusqu’où cela peut conduire et même ses conséquences pour le régime de Transition.

En Haïti, à quelques exceptions près, depuis l’assassinat de l’Empereur Jean-Jacques Dessalines, il y a plus de deux siècles, on n’a toujours pas changé de logiciel politique ni de mode de changement de régime politique ou de gouvernement. Le soulèvement populaire demeure donc la seule issue possible. Me André Michel en tant que juriste a raison de s’interroger sur le statut du Premier ministre de facto : « Ariel Henry est au pouvoir, il n’y a aucun mécanisme pour le remplacer. Comment peut-on remplacer un Premier ministre alors qu’il n’y a aucune institution debout », demandait-il soi-disant naïvement la semaine dernière sur radio Magik9. Oui citoyen, il y en reste une : le peuple. En l’absence d’institutions étatiques, comme c’est le cas aujourd’hui en Haïti dans cette période de chaos absolu, la Vox Populi symbolise donc la plus authentique des institutions.

C.C

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