En hommage aux héros et martyrs de la Commune de Paris 21 mai-28 mai 1871

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Non, La Commune n'est pas morte. Vive La Commune de Paris 1871!

«Le cadavre est à terre, mais l’idée est debout» Victor Hugo

En mars 1871,  la faillite, voire la trahison des classes dirigeantes durant la guerre franco-prussienne de 1870-1871, ainsi qu’un puissant réflexe républicain contre les dangers menaçants d’une restauration monarchique  donnent lieu à un surasut patriotique au sein de la masse des travailleurs. Ainsi naît, le 18 mars 1871, la Commune de Paris, Le 28 mars 1871, elle   est proclamée sur la place de l’Hôtel-de-Ville sous les acclamations de 200 000 Parisiens enthousiastes.                                                                      

Cette Commune va devenir en fait une révolution ouvrière et populaire, qui, pour la première fois dans l’histoire, posera les bases d’un pouvoir prolétarien. Le Journal officiel du 21 mars 1871 rapportait en effet que «L’heure était arrivée pour eux [les travailleurs] de sauver la situation en prenant en main la direction des affaires publiques».

L’insurrection communarde vient en réponse à la décision du gouvernement d’Adolphe Thiers, le 18 mars 1871 de retirer aux parisiens leurs armes et leurs canons. Une provocation de la part de Thiers qui transforme une révolte en une révolution ouvrière. En 24 heures, le gouvernement et les troupes régulières se replient sur Versailles et abandonnent la capitale aux émeutiers. C’est le début de la Commune de Paris.

La révolution est très largement ouvrière par la massive composante de ses combattants. On sait que 84% des Communards arrêtés étaient des travailleurs manuels, et qu’au sein du Conseil général de la Commune  il siègeait un fort pourcentage d’ouvriers, environ 30%. Toutefois, il s’agissait d’une classe ouvrière jeune, mal structurée, formée d’un mélange d’artisans et de prolétaires d’usine qui se lançaient ”à l’assaut du ciel” d’un capitalisme en pleine ascension.                                                                               

Sa naissance spontanée, le 18 mars, explique très largement son inexpérience, son isolement, ses rivalités paralysantes, d’autant qu’au sein de la Commune fraternisaient diverses tendances parmi lesquelles on peut identifier, entre autres courants de pensée politique et philosophique, des néo-jacobins, des proudhoniens, des néo-proudhoniens, des blanquistes, des bakounistes, des marxistes, des francs-maçons.                                                                                                                                              

La Commune se veut une vraie démocratie: elle rappelle que  “Les membres de l’assemblée municipale, sans cesse contrôlés, surveillés, discutés par l’opinion, sont révocables, comptables et responsables ” (appel du 22 mars) ; et, le 24 mars : “Quand nous pourrons avoir les yeux partout où se traitent nos affaires, partout où se préparent nos destinées, alors, mais alors seulement, on ne pourra plus étrangler la République”. La Commune tient à établir une démocratie directe reposant sur une citoyenneté active. Elle n’eut le temps de s’exercer qu’à l’échelle de la ville de Paris et durant quelque soixante jours. Elle recherche un gouvernement du , par le peuple et pour le peuple, avec des  règlements autogestionnaires et  des ateliers coopératifs qui se forment au niveau des entreprises que les patrons ont désertées.       

La Commune ouvre la porte grande à la libération de la femme soumise à des siècles de phallocratie. La communarde tourne le dos aux conceptions proudhonistes adeptes de la femme au foyer. Louise Michel derrière les barricades à Montmartre et l’ouvrière relieuse Nathalie Le Mel, une bretonne de 45 ans, figurent parmi les égéries de la Commune.                                                              

Projets d’instruction pour les filles visant à affranchir les femmes des superstitions et de l’emprise étouffante de l’Eglise, le salaire égal à travail égal, la création  de nombreux ateliers autogérés, l’officialisation de l’union libre constituent autant d’éléments de profond changement social à l’agenda politique de la Commune. Dans quelques quartiers, les élus appartenant à l’Internationale associent des femmes à la gestion municipale.  Enfin, la Commune bannit la prostitution considérée comme une forme de “l’exploitation commerciale de créatures humaines par d’autres créatures humaines. ”                                                                                                                                            

La devise de Marx  au bas du Manifeste communiste de 1848 : ”Prolétaires de tous les pays, unissez-vous !” a été mise en pratique par la Commune. En effet, de nombreux étrangers participent à l’effort communard: des travailleurs immigrés, surtout Belges et Luxembourgeois; des Garibaldiens et des révolutionnaires qui cherchaient asile en France; plusieurs étrangers occupent une place dirigeante. Un juif hongrois, ouvrier bijoutier, Léo Frankel, siège au Conseil général de la Commune. Promu ministre du Travail, il inspire toute l’?uvre sociale de la Commune. Des généraux polonais, Dombrowski et Wrobleski, assument, au sein de la Commune, des commandements militaires. Elisabeth Dmitrieff, aristocrate révolutionnaire russe, dirige l’«Union des Femmes».

La Commune est aussi pionnière de l’éducation populaire. Elle instaure des cours publics, que Louise Michel évoquera avec enthousiasme : “Partout les cours étaient ouverts, répondant à l’ardeur de la jeunesse. On y voulait tout à la fois, arts, sciences, littérature, découvertes, la vie flamboyait. On avait hâte de s’échapper du vieux monde”. La Commune rouvre bibliothèques, musées, théâtres. Les concerts donnés aux Tuileries sont très prisés. Un rôle important est dévolu à la Fédération des Artistes dont font partie Courbet, Daumier, Manet, Dalou, Pottier. Elle place en tête de son programme “la libre expansion de l’art, dégagé de toute tutelle gouvernementale et de tous privilèges”.

Mais on sait que les forces conservatrices, obscurantistes, réactionnaires ont toujours veillé au grain de leurs intérêts de classe. Surtout, elles ont toujours eu une sacrée peur bleue des masses, des prolétaires, des travailleurs et travailleuses; des révolutionnaires; des vraies révolutions, comme notre victorieuse Révolution menée par Dessalines, la Révolution d’Octobre, la Révolution cubaine.

Dès le 2 avril, les versaillais [ceux-là groupés à Versailles autour de Thiers] déclenchent la guerre civile contre Paris. Les premiers affrontements ont lieu à Courbevoie, à l’endroit où se trouve aujourd’hui le quartier d’affaires de la Défense. Ils font de nombreuses victimes parmi les gardes nationaux et la population civile. Au nombre des fédérés [les communards] faits prisonniers par les versaillais, figurent des soldats ayant fraternisé avec la population parisienne le 18 mars. Ils sont immédiatement fusillés.

Le même scénario se produit les 3 et 4 avril lors de la contre-attaque de la Garde nationale avec l’objectif d’atteindre Versailles avec trois armées dirigées par les généraux Bergeret, Duval et Eudes. Mal préparées, ces offensives échouent. Le général Duval, fait prisonnier est exécuté avec deux officiers de son état-major. Comme le 2 avril, des soldats et gardes nationaux sont fusillés sur place.

Le 11 avril, les versaillais commencent le Siège de Paris. De violents combats se déroulent à Neuilly, Asnières, autour des forts d’Issy et de Vanves. Malgré une défense héroïque, les gardes nationaux sont progressivement repoussés jusqu’aux fortifications qui entourent Paris.

Le 21 mai, les versaillais pénètrent dans Paris. C’est le début de la «Semaine sanglante» qui durera jusqu’au 28 mai. On estime à 20 000 au moins le nombre de victimes parmi les communards contre moins d’un millier pour les versaillais. De nombreux communards meurent héroïquement en défendant les barricades. Quand celles-ci sont prises, leurs défenseurs sont, le plus souvent, exécutés sommairement.

Dans les quartiers occupés par les versaillais, la chasse à l’homme commence. De simples passants ayant de vagues ressemblances avec des communards sont exécutés à leur place. Les prisonniers sont traduits immédiatement devant les cours prévôtales. Le plus souvent c’est la mort. Il suffit pour cela que le prisonnier ait les mains sales pour que le « juge  » en déduise que c’est la poudre des cartouches qui les a noircies.

La sentence est immédiatement exécutée dans des dizaines d’abattoirs, notamment au parc Monceau, dans les jardins du Luxembourg, à la caserne Lobau, dans les prisons de la Roquette et de Mazas, dans les cimetières de Montparnasse et du Père-Lachaise. Les bourreaux exécutent sans distinction hommes, femmes, enfants, vieillards. Les prisons de Versailles sont rapidement remplies. Des lieux de détention sont improvisés à l’orangerie du château, aux Grandes écuries, dans le camp de Satory, dans les manèges de Saint-Cyr… Ils se révèlent rapidement insuffisants.

De l’automne 1871 jusqu’en 1874, vingt-six conseils de guerre jugent 46 835 prévenus, dont 874 femmes et 544 enfants, parmi eux, 1 725 étrangers. Plus de 13 000 condamnations sont prononcées, dont 3 167 par contumace. Grâce à la solidarité d’une partie non négligeable de la population parisienne, plusieurs milliers de communards échappent à la répression et se réfugient en Angleterre, en Belgique, en Suisse et dans d’autre pays.

La loi d’amnistie du 11 juillet 1880 fut un pardon légal. Elle a effacé les condamnations sans gommer leurs prétendues justifications le plus souvent arbitraires et infamantes pour celles et ceux qui les avaient subies.  En mai 2013, Jules Lenoir écrivait: «Plus de 140 ans après la Commune, il est indispensable d’aller au-delà de l’amnistie, de reconnaître à la Commune toute sa place dans l’histoire universelle, comme un vecteur essentiel de conquête de la République dans ses dimensions sociales, démocratiques, internationalistes et humanistes. Il faut réhabiliter la Commune et les communards».

A bien considérer  «notre univers inégalitaire, inhumain, dominé par le pouvoir de l’argent, prônant le culte de la réussite individuelle, et où le ventre de la “bête immonde” engendre toujours racisme, xénophobie, fanatisme», l’oeuvre de la Commune demeure d’une extraordinaire et brûlante actualité parce que, viscéralement et essentiellement démocratique.

L’Histoire écrite par les porte-paroles et thuriféraires des oligarchies dépravées, égoïstes et criminelles, garde La Commune  ensevelie sous une chape de silence et d’oubli,  parce qu’elle est porteuse de valeurs, valeurs battues en brèche par les héritiers de ceux qui massacrèrent les Communards.                                                                                                                  Eugène Pottier avait raison de chanter: «Tout ça n’empêch’pas, Nicolas, qu’la Commune n’est pas morte».

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