Dites, monsieur le président mal élu

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Avec vos pirouettes oratoires, vos parler-en-pile-pour-mettre-là et votre tètkale, comme vous ressemblez à votre prédécesseur Micky, le président-fesses-dehors-toutes!

C’est drôle, ce que vous êtes drôle à regarder, monsieur le président mal élu. Vous êtes là, vous semblez mener le bal. Vous faites l’important, ou plutôt vous jouez à l’important. Vous faites de belles déclarations, de grosses déclarations, de manman deklarasyon, tout juste pour épater la galerie, pour faire semblant de gouverner, ou mieux, de vouloir gouverner. Ah oui, ce que vous êtes drôle à regarder monsieur le président mal élu, monsieur le président inculpé pour affaires louches.

Vous êtes là, monsieur le président inculpé, mal élu, vous vous agitez, vous n’arrêtez pas de tourner en rond, vous gesticulez, vous vous agitez, vous caravanez, vous défilez, protégé par des fonds pour votre sécurité de l’ordre de millions de gourdes. Vous piaffez, vous dansez, vous gambillez, vous vous animez, vous vous trémoussez, et moi j’ai envie de rigoler. Vous n’avez pas idée, j’ai envie de rire à me tordre, j’ai envie de vous montrer du doigt à ceux et celles qui ne se sont pas encore rendus compte que vous êtes un cabotin, un vrai bluffeur, un hâbleur, un conteur, un bonimenteur, bref, un menteur.

Pardonnez, monsieur le président mal élu, de rire sous cape, de me moquer de vos discours mal ficelés, mal élaborés, mal contés. Pardonnez, c’est le sang dessalinien, c’est toute cette fierté jaillie en un immense éclat de silex à Vertières, c’est toute la ferveur guerrière, héroïque des va-nu pieds montant à l’assaut de leur liberté, c’est tout ce bel élan d’héroïsme qui monte dans ma tête, toute la force que j’ai puisée en remontant le cours de l’histoire de cette percée décisive contre l’esclavage, afin d’y trouver le courage de vous avouer, monsieur le président mal élu et inculpé, que le pays commence déjà à en avoir assez de vous, de vos pirouettes politiciennes et de vos parler-en-pile-pour-mettre-là comme votre prédécesseur Micky, le président-fesses-dehors-toutes.

Oui, monsieur le président mal élu et inculpé, le pays n’en peut plus, n’en veut plus de vos accointances cachées ou ouvertes avec cette frange tilolit de la société qui vous a mis au pouvoir et vous tient à la gorge. Il n’en veut plus de vos (mauvaises) fréquentations et de vos liaisons (dangereuses) avec les membres gwo zafè  de la Chambre de commerce américaine en Haïti, les chanmchanm gwo koze de l’AmChanm Haïti qui prennent langue, qui tètent langue goulûment avec ces «investisseurs» avides de venir vider le sang et la force des sans-emploi dans leurs usines de malheur et de misère, sous-traitants et sous-fifres insignifiants de l’impérialisme qu’ils sont.

Les masses déshéritées, bafouées, bernées, insultées, trompées, exploitées, ridiculisées, outragées, indignées, en ont assez déjà, si ce n’est qu’elles ont marre de vos pseudo-projets, de votre grandiloquence, de vos caravanantes perspectives et promesses qui les laissent sages, circonspectes, veyatif, soupçonneuses, précautionneuses, prudentes, réticentes, méfiantes de vos aller et venir tortueux, cauteleux, roublards, combinards, madrés, rusés avec les grands nègres et surtout avec les grands blancs autant de comportements et d’attitudes qui les laissent froids, imperturbables, dédaigneux, voire même hostiles et leur enlèvent tout espoir de vous voir vous ranger à leurs côtés.

Les marginalisés, les laissés-pour compte, les exclus des bas-fonds, les marginaux, les assistés en ont la coupe pleine; il faut bien que je vous le dise, car vous exaspérez par vos déclarations à l’emporte-pièce recherchant l’affrontement plutôt que l’apaisement. Par votre façon de faire peu encline aux pratiques démocratiques, vous semblez vouloir tyranniser l’ensemble des citoyens qui subissent votre morgue, vos insolences, vos outrecuidances, vos irrévérences, vos inconvenances, j’allais dire  vos effrontances, sans oser dire  que vous exagérez.

Oui, vous exagérez, vous le savez bien quand vous vous avisez de vous aboucher avec la PNH pour réprimer des manifestations d’ouvriers et ouvrières qui réclament leurs droits à un salaire décent, des conditions de travail décentes. Vous le savez, monsieur le président mal élu et inculpé, vous en faites trop, vous exagérez, et ils sont rares ceux-là qui osent dire que vous exagérez, que vous avez franchi le seuil de tolérance de vos agissements glauques à l’encontre des intérêts de la population.

Parfois on voudrait vous prendre à la gorge, pas pour vous étrangler, mais juste pour  vous demander de rendre compte de toutes vos actions malhonnêtes, celles de l’entrepreneur Jovenel Moïse, je fais allusion à votre gestion de fonds qui n’avaient apparemment rien à voir avec vos entreprises, selon un rapport d’analyse partielle de vos comptes bancaires et de vos acquisitions du 5 mai 2007 au 31 mai 2013, transmis pour les suites utiles aux autorités compétentes, dont le Parquet du Tribunal civil de Port-au-Prince, par l’Unité Centrale de Renseignements Financiers (UCREF), « conformément à l’article 35 de la Loi du 11 novembre 2013 relative au blanchiment et au financement du terrorisme. »

Ma parole, comme vous avez changé pendant vos cent jours de gouvernement. Le candidat qui semblait mourir sa poule, faire le mort face au rapport accablant de l’UCREF attendait son heure présidentielle, son heure de «chef» pour ressusciter, déployer ses ailes vindicatives et enterrer ses activités de blanchiment des avoirs. Si ce n’est pas le cas, pourquoi alors avoir, sans coup férir,  limogé Sonel Jean- François, nommé directeur de l’UCREF en mai 2016 pour un mandat de 3 ans? Voilà bien l’une des preuves de votre sale caractère sans que l’on ait osé, jusqu’ici, dire que vous exagérez. Non, monsieur le président mal élu et inculpé, vous vous laissez aller. Dans l’exercice du pouvoir, c’est ce qu’il faut appeler du penyen lage.

Ah! Vous croyez peut-être avoir l’étoffe d’un président, mais, diable, vous en manquez les qualités et la forte personnalité, même si vous avez tout fait pour devenir chef d’État. Non, avec votre tête de tonneau vide, avec vos discours truffés de lieux communs, de promesses creuses, de clichés, de banalités, de mots ronflants, gwo mo pou touye ti chen, de généralités, de platitudes, vous n’avez pas l’étoffe d’un grand homme d’État. Je me demande chaque jour comment la bourgeoisie patripoche n’a pas pu trouver mieux comme doublure, comment elle a pu dépenser tant de millions pour faire d’un ti krebete blanchisseur d’avoirs un roi, en fait un roitelet, roi-preyidan, roi-madigra, roi-pantin, roi-tenten, roi jwèt, roi-popetwèl, roi-marionnette, roi-restavèk. Comme ça, vous ressemblez à Martelly, vous n’avez rien pour inspirer confiance à quiconque.

Devant la nation entière, quelle catastrophe! Avant même d’avoir prêté serment comme président vous contredisiez déjà les aspirations démocratiques du pays tout entier, vous apostrophiez la foule en lui intimant des ordres ponctués d’un délirant “le président a parlé, point barre”. Mais, quelle mouche vous a piqué, a introduit dans votre système cette hargne autoritaire? Avec une telle arrogance, une telle suffisance, une telle insolence, une telle outrecuidance, une telle impertinence, vous feriez battre des montagnes.

Ah! Une portion du pays, minoritaire, a décroché le gros lot le jour où grâce aux astuces publicitaires d’un Antonio Solà, grâce aux menées souterraines de votre patron Micky, grâce aux millions des bourgeois patripoches, grâce à une connivence avec l’équipe du CEP et plus précisément avec son président,  elle vous a “élu” président. Quel malheur! Si vous vous taisiez et arrêtiez de faire le granpanpan, le beau monsieur, le pitre, le bouffon, ce serait trop beau. Mais vous préférez vous laisser aller, et vous n’arrêtez pas de vous laisser aller.

Vos promoteurs, monsieur le président mal élu et inculpé, vous présentent comme un paysan qui a réussi (sic), un “entrepreneur sérieux” dont la couleur de peau noire ferait des jaloux (resic). Pa ban m. Vraiment? Sérieusement? Pa betize. Ne bétisons pas. La couleur de la peau et la paysanneté de Jovenel n’ont rien à voir avec sa conscience de classe, sa conscience d’appartenir à la classe des grands nègres. L’homme est pétri de conscience bourgeoise. C’est la raison pour laquelle il a été financé par Digicel, par nombre de gros paletots du pays, par de grandes chemises de la République dominicaine, et par la gente tètkale, cravatée, pommadée, eau-de-colognée, santibon de la diaspora.

Pourtant, malgré tout ce passif, malgré toutes ces considérations terre à terre, l’on pense bien souvent que vous êtes, monsieur le président inculpé,  le cinquante-huitième chef d’État d’Haïti, même mal élu. Si vous vouliez faire un effort, seulement un tout petit effort, un ti kal efò, bien des choses pourraient reprendre leur place. Ainsi, on commencerait à vous regarder d’un œil différent, à être impartial vis-à-vis de vos orientations politiques, à vous respecter comme un président dont on verrait les efforts consentis pour mieux gouverner, à vous faire un peu confiance.

Pour mériter cette confiance, débarrassez-vous de quelques éléments embarrassants qui ont appartenu à l’équipe de Micky, arrêtez de vous pavaner, de vous déplacer avec toute une caravane de luxueuses 4X4 toutes sirènes hurlantes; dites-nous que vous allez au moins doter la capitale d’un hôpital public bien équipé qui desserve enfin le public, dites-nous que la lumière va être faite sur tout l’argent de la diaspora qui a été empoché par Micky et ses proches pour de prétendues œuvres de charité et pour un fumeux Programme de Scolarisation Universelle Gratuite et Obligatoire qui n’a pas vraiment “atterri”. Bref, faites quelque chose qui ait l’air présidentiel, novateur, articulé, bien en direction des masses croulant sous le poids de leur misère et de leur malheur.

Au lieu de penser que dans ce journal, dans les milieux progressistes, on vous déteste comme la peste, au lieu d’admonester les médias et le public en général avec de tonitruants et délirants avertissements du genre “le président a parlé, point barre”, essayez d’être raisonnable, de faire montre d’esprit démocratique, d’avancer avec le peuple, pour le peuple. Redevenez le paysan dont vous revendiquez les racines, faites en sorte qu’on vous regarde non pas comme un paysan parvenu, sezi, formaté, apprivoisé, domestiqué par la bourgeoisie, mais comme un homme politique qui a décidé de transcender insignifiances, frivolités et vanité.

Ne serait-il pas réconfortant et encourageant si vous vous laissiez aller tout contre la force de vitalité, le désir ardent de changement du peuple haïtien? Qu’en dites-vous, monsieur le président, mal élu et inculpé?

12 juin 2017

 

 

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